CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Ernesto,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 1992, qui a condamné le prévenu à diverses pénalités cambiaires pour infraction à la législation sur les relations financières avec l'étranger et a condamné l'administration des Douanes au paiement d'intérêts légaux.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi d'Ernesto X... :
Vu le mémoire personnel produit et le mémoire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation de l'article 458 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, pour rejeter l'exception régulièrement soulevée par le prévenu et invoquant la nullité de l'acte introductif d'instance fiscale du 19 octobre 1988, base des poursuites, la cour d'appel constate que ledit document porte en son en-tête les mentions " Ministère de l'Economie et des Finances Direction générale des Douanes et Droits indirects Direction régionale des Douanes du Léman " et au-dessus de la signature, en troisième page, la mention " pour le Ministre, et par délégation, le Directeur régional des Douanes " ; que la cour d'appel relève que rien ne permet de suspecter que la signature figurant au bas de l'acte litigieux n'ait pas été celle du fonctionnaire concerné, autorité habilitée, alors que le même en-tête et la même signature figurent sur la citation délivrée au prévenu à la requête de l'administration des Douanes ; que les juges concluent que l'acte critiqué est parfaitement valable en la forme ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le caractère illisible d'une signature n'a pas pour effet d'en affecter l'authenticité, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé et pris de la violation des dispositions combinées de l'article 98 de la loi du 22 décembre 1989, de l'article 23 de la loi du 12 juillet 1990, pris en conformité à la directive communautaire du 24 juin 1988, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé et pris de la violation du décret n° 68-1021 du 24 novembre 1968 pris en application de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, de l'arrêté du 10 juillet 1987, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles cités ;
Attendu que cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois et règlements, même non expressément abrogés, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux des Douanes, base de la poursuite, qu'Ernesto X... est poursuivi devant la juridiction correctionnelle pour avoir commis en décembre 1987, notamment une infraction à la législation et à la réglementation sur les relations financières avec l'étranger, prévue et réprimée par la loi du 28 décembre 1966, le décret du 24 novembre 1968, l'arrêté du 9 août 1973 modifié et l'article 459 du Code des douanes ;
Attendu qu'après avoir constaté l'entrée en vigueur, postérieure aux faits reprochés, des articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990, la cour d'appel a condamné le prévenu pour infraction prévue et réprimée par lesdits articles ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, par les articles 98 et 23 susvisés, le législateur a rétabli la liberté des relations financières avec l'étranger dont le principe est affirmé par l'article 1er de la loi du 28 décembre 1966, demeurée en vigueur, et que, par voie de conséquence, sont devenues incompatibles avec ce principe toutes dispositions antérieures ayant édicté des restrictions à cette liberté, tels les décrets pris sur le fondement de l'article 3 de la loi précitée ainsi que l'article 24-II de la loi du 8 juillet 1987, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes susévoqués ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1153, 1378 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la demanderesse à verser au prévenu la somme de 140 000 francs assortie des intérêts au taux légal du 9 décembre 1987 au 18 août 1992 ;
" aux motifs que, "à la date des faits, la réglementation en vigueur permettait la saisie du véhicule, laquelle a donc été régulièrement effectuée par le service des Douanes, de même, qu'ultérieurement, la mainlevée de cette saisie contre consignation de la somme de 140 000 francs le 9 décembre 1987 ; que le seul intérêt susceptible d'assortir la somme de 140 000 francs ne peut être que l'intérêt légal, et ce pendant la période où cette somme a réellement été détenue par le service des Douanes, soit du 9 décembre 1987 au 18 août 1992" ;
" alors que la cour d'appel a constaté qu'à la date des faits la réglementation en vigueur permettait la saisie du véhicule, laquelle a été régulièrement effectuée de même qu'ultérieurement la mainlevée de cette saisie contre consignation de la somme de 140 000 francs le 9 décembre 1987 ; qu'en condamnant, cependant, la demanderesse à restituer cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du paiement, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors que, en tout état de cause, les intérêts ne sont dus que du jour de la sommation de payer ; qu'en condamnant la demanderesse à payer au prévenu une somme de 140 000 francs assortie des intérêts au taux légal sans constater qu'elle avait été mise en demeure de verser cette somme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 1153 du Code civil, les dommages-intérêts sanctionnant le retard dans l'exécution des obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'administration des Douanes avait régulièrement donné mainlevée de la saisie du moyen de transport de X..., le 9 décembre 1987, sous consignation d'une somme de 140 000 francs ; que les juges, au motif que les articles 98 de la loi du 29 décembre 1989 et 23 de la loi du 12 juillet 1990 ne permettaient plus la confiscation du véhicule, ont ordonné la restitution de la consignation et ont condamné l'administration des Douanes à des intérêts au taux légal à compter de la date du paiement de la consignation jusqu'au 18 août 1992, date de la restitution de cette dernière ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ce n'est que par les conclusions déposées par X... devant le tribunal correctionnel, le 3 avril 1991, que l'administration des Douanes a été mise en demeure de restituer la consignation, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi d'Ernesto X... :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions pénales et cambiaires portant condamnation du demandeur, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 25 novembre 1992 ;
II. Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
CASSE ET ANNULE ledit arrêt en ses dispositions ayant condamné l'administration des Douanes au paiement d'intérêts à compter du 9 décembre 1987 ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT que l'administration des Douanes devra payer des intérêts au taux légal sur la somme de 140 000 francs à compter du 3 avril 1991 jusqu'au 18 août 1992 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.