CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Fahima, épouse Y...,
mise en examen pour infraction à la législation sur les stupéfiants, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 16 février 1994, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant son placement en détention provisoire.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation du principe de l'autorité de la chose jugée, des articles 144, 145-1, 148-1 du Code de procédure pénale, de l'article 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense et de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de placement en détention du 1er février 1994 et rejeté la demande de mise en liberté de Fahima X...-Y... ;
" aux motifs que sa mise en liberté n'a été ordonnée que parce que le dispositif d'un précédent arrêt du 7 octobre 1993, qui contenait une erreur de plume, ne pouvait faire l'objet d'une rectification ; qu'en revanche les motifs de fond exposés dans cet arrêt devenu définitif, et qui justifiaient le maintien en détention, n'ont pas été remis en cause par l'arrêt de la Cour de Cassation et demeurent valables sans qu'apparaisse nécessaire un élément nouveau ; que le juge d'instruction, comme en cas d'annulation d'un titre de détention pour vice de forme, pouvait décerner un nouveau mandat de dépôt à raison des mêmes faits et pour les mêmes motifs ;
" alors, d'une part, que l'arrêt du 7 octobre 1993, dont le dispositif ordonnait la mise en liberté de Fahima X...-Y..., loin d'avoir été annulé, est devenu définitif, faute de pourvoi du ministère public ; qu'il résulte, d'un arrêt de la chambre criminelle du 18 janvier 1994, que cette décision n'a pu faire l'objet d'aucune rectification pour cause " d'erreur de plume " ; que, dès lors, en l'état de l'arrêt du 7 octobre 1993 ordonnant dans son dispositif la mise en liberté de l'intéressée, et de l'arrêt précité de la chambre criminelle constatant qu'elle était irrégulièrement détenue depuis le 8 octobre 1993, la juridiction d'instruction ne pouvait décerner un nouveau titre de détention à son encontre sans caractériser des faits nouveaux intervenus depuis le 8 octobre 1993, de nature à justifier une telle mesure ; que la chambre d'accusation a ainsi méconnu l'autorité de la chose jugée attachée définitivement à la mise en liberté prononcée le 7 octobre 1993, et gravement excédé ses pouvoirs en violant les principes élémentaires de la liberté individuelle ;
" alors, d'autre part, que l'annulation, par la Cour de Cassation, sans renvoi et avec mise en liberté immédiate, de l'arrêt du 15 octobre 1993, qui prétendait " rectifier " pour cause d'erreur matérielle l'arrêt du 7 octobre 1993 en modifiant le dispositif de ce dernier, loin de constituer une simple annulation pour vice de forme d'un prétendu titre de détention, a constaté l'inexistence de tout titre de détention ; qu'il s'ensuivait qu'une nouvelle mise en détention ne pouvait être justifiée qu'au regard de nouveaux éléments survenus ultérieurement au 7 octobre 1993 ; que la chambre d'accusation a ainsi méconnu les textes et principes susvisés et la portée de la cassation prononcée le 18 janvier 1994 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juridictions d'instruction ne peuvent, à raison des mêmes faits, ordonner un nouveau placement en détention provisoire d'une personne précédemment mise en liberté que si elles constatent l'existence de circonstances nouvelles entrant dans les prévisions de l'article 144 du Code de procédure pénale et justifiant, au regard des nécessités actuelles de l'instruction, la délivrance d'un second titre d'incarcération ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le juge d'instruction a, par ordonnance du 17 septembre 1993, rejeté la demande de mise en liberté de Fahima X... ; que, sur l'appel de cette dernière, la chambre d'accusation a infirmé cette ordonnance par un arrêt du 7 octobre 1993 ; que, considérant que le dispositif de cet arrêt n'était pas conforme à ses motifs, elle a ordonné la rectification matérielle du dispositif de cette décision par un nouvel arrêt du 15 octobre 1993 substituant aux termes " Déclare l'appel bien fondé " et " Infirme l'ordonnance " les termes " Déclare l'appel mal fondé " et " Confirme l'ordonnance " et que le juge d'instruction ayant, par ordonnance du même jour, ordonné la prolongation de la détention pour une durée de 4 mois, Fahima X... est restée détenue ; que, sur son pourvoi, la Cour de Cassation a, le 18 janvier 1994, cassé ce second arrêt comme contraire à la chose jugée et a dit que l'intéressée était détenue sans droit depuis le 8 octobre 1993 à 0 heure ;
Attendu que le juge d'instruction ayant, le 1er février 1994, ordonné à nouveau le placement en détention de Fahima X..., la chambre d'accusation, pour confirmer cette décision par l'arrêt attaqué, énonce que les motifs de l'arrêt du 7 octobre qui justifiaient le maintien en détention n'ont pas été remis en cause par la Cour de Cassation et demeurent valables sans qu'il soit nécessaire que soit survenu un élément nouveau ; qu'elle en conclut que le juge d'instruction pouvait, comme en cas d'annulation pour vice de forme, décerner un nouveau mandat de dépôt à raison des mêmes faits et pour les mêmes motifs ;
Mais attendu que la Cour de Cassation a constaté que la demanderesse était détenue sans droit, non pour un vice de forme du titre de détention mais en raison du caractère définitif de l'arrêt du 7 octobre 1993 infirmant l'ordonnance de mise en liberté ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la censure est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 16 février 1994 en toutes ses dispositions ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT que Fahima X... est détenue sans droit depuis le 8 octobre 1993 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger,
DIT n'y avoir lieu à renvoi.