REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Bernadette, veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Mathieu, Jean, Laurent, Denis et Manon Y..., partie civile,
- la compagnie d'assurances Lloyd Continental, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 11 mars 1993, qui, dans la procédure suivie contre Marie-Lise Z... pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs, le mémoire complémentaire et les mémoires en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Bernadette X..., veuve Y... : (sans intérêt) ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la compagnie Lloyd Continental et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 211-9, L. 211-13 du Code des assurances (articles 12 et 16 de la loi du 5 juillet 1985), 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'ensemble des sommes allouées au titre des préjudices moraux, matériel et économique porteront intérêts au double du taux légal en application de l'article L. 211-13 du Code des assurances, à compter du 22 septembre 1990 ;
" aux motifs qu'il résulte des écritures, sans contestation de la part des parties civiles que Mme Z... et la compagnie d'assurances Lloyd Continental ont par un courrier daté du 28 septembre 1990, présenté des offres sur les préjudices moraux des ayants droit de la victime ; que ces offres faites 6 jours après l'expiration du délai de 8 mois prévu aux articles L. 211-9, L. 211-13 du Code des assurances (articles 12 et 16 de la loi du 5 juillet 1985) visaient les préjudices moraux de la famille Y... et paraissent raisonnables compte tenu des évaluations habituelles ; que cependant l'alinéa 3 de l'article L. 211-9 dispose que l'offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice alors qu'en l'espèce l'offre n'a été que partielle alors que l'élément de base (salaire) était connu ; qu'il y a lieu en application de l'article L. 211-13 de dire que les montants des indemnités allouées produiront intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour de la décision devenue définitive ;
" alors, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait dire que l'ensemble des indemnités allouées au titre des préjudices moraux, matériel et économique, porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 22 septembre 1990, dès lors que l'offre que doit faire l'assureur du tiers responsable suppose que soient connus tous les éléments indemnisables du préjudice ; qu'il n'en va pas ainsi lorsque, comme en l'espèce, la créance prioritaire de l'organisme social n'est connue qu'après l'expiration du délai légal imparti pour faire une offre d'indemnisation ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel qui constate que l'assureur du tiers responsable a fait des offres raisonnables concernant les préjudices moraux des consorts Y..., ne pouvait accorder les intérêts au double du taux légal, sur l'ensemble des indemnités allouées, sans rechercher si la production, par l'organisme social, de sa créance prioritaire, le 27 mars 1991, soit 14 mois après l'accident, ne constituait pas pour la compagnie Lloyd Continental, une circonstance qui ne lui était pas imputable et qui justifiait une réduction de la pénalité appliquée ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors encore que l'arrêt qui constate que des offres raisonnables relatives aux préjudices moraux ont été faites par la compagnie Lloyd Continental, 6 jours après l'expiration du délai imparti par l'article L. 211-9 du Code des assurances, ne pouvait accorder les intérêts au double du taux légal sur l'ensemble des indemnités allouées ; qu'en effet, la pénalité de l'article L. 211-13 ne pouvait, dans ces circonstances, qu'être appliquée à l'indemnité représentant le préjudice économique et ce d'autant plus que Mme veuve Y... et les consorts Y... s'étaient désistés de leur appel concernant les préjudices moraux et le Tribunal ayant refusé de faire application, à ces indemnités, des dispositions de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors enfin qu'en toute hypothèse, la pénalité du double des intérêts ne pouvait être appliquée qu'aux sommes revenant à la veuve et à ses enfants, les autres parties civiles n'ayant subi qu'un préjudice moral pour lequel une offre avait été valablement faite par l'assureur " ;
Sur le moyen pris en ses trois premières branches :
Attendu que, pour dire que l'ensemble des sommes allouées aux ayants droit de Jean-Marc Y..., " au titre des préjudices moraux, matériel et économique ", porteront intérêt au double du taux légal en application de l'article L. 211-13 du Code des assurances, à compter du 22 septembre 1990, la juridiction du second degré retient que les seules offres faites par l'assureur, en date du 28 septembre 1990, si elles paraissent raisonnables, ne visaient que les préjudices moraux, alors que, selon l'article L. 211-9 dudit Code, l'offre doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice et qu'en l'espèce " l'élément de base (salaire) était connu " ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'encourt pas les griefs allégués, dès lors, d'une part, que les parties civiles ne s'étaient désistées de leur appel concernant les préjudices moraux que sous réserve de l'application à leur profit des dispositions de l'article L 211-13 du Code des assurances, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions des parties ni de l'arrêt attaqué que l'assureur, qui s'est borné à faire état des offres précitées, lesquelles ne répondaient pas aux exigences de l'article L. 211-9, ait excipé devant les juges du fond de l'une des causes de suspension du délai imposé par ce texte, énoncées dans les articles R. 211-29 et suivants du même Code ;
D'où il suit que le moyen, en ses trois premières branches, pour partie nouveau et mélangé de fait, ne saurait être admis ;
Mais sur le moyen pris en sa quatrième branche :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article L. 211-13 du Code des assurances que, lorsque l'offre d'indemnité qui incombe à l'assureur à l'égard de la victime d'un accident de la circulation ou de ses ayants droit n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9 dudit Code, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour de l'offre ou du jugement définitif ;
Attendu qu'après avoir retenu que l'assureur avait, 6 jours après l'expiration du délai qui lui était imparti par l'article L. 211-9 du Code des assurances, fait, aux ayants droit de la victime, des offres raisonnables concernant les divers préjudices moraux, l'arrêt attaqué confirme le jugement entrepris sur l'indemnisation de ces préjudices, alloue à Bernadette X... veuve Y..., pour elle-même et ses enfants mineurs, une indemnité complémentaire au titre de leur préjudice économique, après imputation sur celui-ci de la créance du tiers payeur, et dit que l'ensemble des sommes allouées " au titre des préjudices moraux, matériel et économique " porteront intérêts au double du taux légal en application de l'article L. 211-13 du Code des assurances à compter du 22 septembre 1993, date de l'expiration du délai jusqu'au jour de la décision devenue définitive ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi à l'égard de toutes les parties civiles, alors que, pour celles qui ne réclamaient que la réparation d'un préjudice moral, la pénalité n'était encourue que jusqu'au jour de l'offre, la cour d'appel a méconnu les textes précités ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige, au regard des faits tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, en appliquant la règle de droit appropriée ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de Bernadette X..., veuve Y... :
Le REJETTE ;
II. Sur le pourvoi de la compagnie d'assurances Lloyd Continental :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 11 mars 1993, mais seulement en ce qu'il a dit que l'ensemble des sommes allouées au titre des préjudices moraux, matériel et économique porteront intérêts au double du taux légal en application de l'article L. 211-13 du Code des assurances à compter du 22 septembre 1990 jusqu'au jour de la décision devenue définitive, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DIT que seules les sommes allouées à Bernadette X..., veuve Y..., agissant en son nom personnel et au nom de ses enfants mineurs, au titre de leurs préjudices moraux, matériel et économique, porteront intérêts au double du taux légal à compter du 22 septembre 1990 jusqu'au jour de la décision définitive, les autres sommes allouées au titre du seul préjudice moral, aux autres ayants droit de Jean-Marc Y..., ne supportant cette majoration du taux des intérêts que du 22 septembre 1990 au 28 septembre 1990 ;
DIT n'y avoir lieu à modification de la charge des dépens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.