REJET du pourvoi formé par :
- X... Georges,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, 3e chambre, en date du 14 décembre 1992, qui, pour le délit de blessures involontaires, infraction à la réglementation du travail en matière d'hygiène et de sécurité, prêt illicite de main-d'oeuvre, l'a condamné à une amende de 10 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 49, 510 et 592 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que la cour d'appel était notamment présidée par M. Cavallino, assisté de MM. Jammet et Peiffer, conseillers ;
" alors que ces magistrats ne pouvaient légalement faire partie de la Cour ayant, 5 mois auparavant et dans une affaire similaire, participé à une décision sur le fond relative à la culpabilité du prévenu ; qu'en effet, ils avaient, comme président et conseillers de la cour d'appel de Montpellier, rendu un arrêt en date du 1er juillet 1992 condamnant X... à une peine de 20 000 francs d'amende pour fourniture illégale et prêt de main-d'oeuvre, dans le cadre d'une affaire comparable à celle qui leur était à nouveau déférée puisque les faits litigieux de prêt de main-d'oeuvre illégal concernaient les mêmes salariés que ceux visés dans la précédente affaire ; qu'ainsi, ces magistrats ayant nécessairement pris parti sur la culpabilité de X..., de manière à influencer leur appréciation des faits de la cause, la cour d'appel ainsi composée ne se présentait pas objectivement comme un tribunal impartial " ;
Attendu que les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à l'exigence d'un tribunal impartial n'interdisent pas aux juges de se prononcer sur la prévention reprochée à une personne qu'ils ont déjà condamnée à l'occasion d'une autre procédure suivie contre elle, même si elle concernait des faits similaires ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 320 et R. 40 du Code pénal, L. 263-2-1 du Code du travail, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6. 3 a et b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble excès de pouvoir, défaut de motifs et violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de 3 mois et d'infractions à la réglementation générale sur l'hygiène et la sécurité ;
" aux motifs que le chef d'équipe de la société GTP n'a pas donné des instructions précises au manoeuvre effectuant des travaux d'arasement pour éviter que les personnes ne soient atteintes par les morceaux de béton qui devaient tomber sur la terrasse inférieure accessible à tous les autres corps de métier intervenant sur le chantier ; que cette omission constitue une faute personnelle de X... dont l'entreprise était titulaire du marché, non seulement en infraction aux dispositions de l'article 13 du décret du 8 janvier 1965, mais encore à celles de l'article 320 du Code pénal en raison d'une incapacité totale temporaire partielle supérieure à 3 mois ; qu'il convient en conséquence de requalifier la contravention de blessures involontaires en délit de blessures involontaires ;
" alors, d'une part, que les juridictions correctionnelles ne peuvent requalifier les faits dont elles sont saisies lorsque la nouvelle qualification est sanctionnée par une peine supérieure à celle prévue pour l'infraction initialement visée dans la prévention ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas demandé au prévenu s'il acceptait d'être jugé sur la base d'une incrimination nouvelle emportant une aggravation de la répression encourue, a méconnu les textes susvisés et, ce faisant, a violé les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que s'il appartient aux juridictions correctionnelles de modifier la qualification des faits et de substituer une qualification nouvelle à celle sous laquelle ils leur étaient déférés, c'est à la condition qu'il ne soit rien changé ni ajouté aux faits de la prévention qui doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine ; que X... était renvoyé devant la juridiction de jugement, notamment, pour la contravention de blessures involontaires n'ayant pas entraîné une incapacité totale temporaire supérieure à 3 mois, infraction prévue et réprimée par l'article R. 40 du Code pénal ; qu'en retenant à son encontre, le fait que les blessures involontaires dont il aurait été responsable auraient entraîné une incapacité totale temporaire supérieure à 3 mois, la cour d'appel, qui n'a pas demandé au prévenu s'il acceptait d'être jugé pour des faits excédant les limites de cette saisine, a outrepassé ses pouvoirs et violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
" alors enfin, qu'en s'abstenant de s'expliquer sur la circonstance essentielle, relevée par les premiers juges pour fonder leur décision de relaxe, tenant au fait que Manuel Y..., étranger au chantier dont était titulaire la société GTP, s'était introduit dans le bâtiment bien que l'accès en soit interdit à toute personne et avait entrepris l'escalade d'un muret de protection spécialement érigé pour protéger la terrasse sur laquelle a eu lieu l'accident, au lieu d'emprunter la sortie normale, circonstances de nature à établir que le comportement imprévisible de la victime avait été la cause unique de l'accident, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Sur le moyen pris en ses deux premières branches :
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la juridiction du second degré n'a introduit aucun fait nouveau distinct de celui sur lequel reposait la poursuite ; que si la prévention a reçu une modification, celle-ci n'en a pas altéré la substance ; que Georges X..., prévenu d'une infraction involontaire, a pu s'expliquer sur les fautes qui lui étaient reprochées ainsi que sur leurs conséquences, telles qu'elles résultaient des débats ; que les juges avaient donc le devoir de donner aux faits leur exacte qualification sous la plus haute acception pénale ;
Sur le moyen pris en sa troisième branche :
Attendu qu'en relevant que le prévenu avait omis de prendre les mesures nécessaires pour interdire l'accès du chantier où tombaient des morceaux de béton provenant d'un mur qu'on arasait et dont l'un avait blessé la victime, les juges ont caractérisé la faute qu'il avait commise, et ont en conséquence nécessairement exclu que la faute de cette victime ait pu être la cause exclusive de l'accident ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté :
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.