REJET du pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, en date du 11 juin 1992, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 481-2, L. 412-1, L. 412-4, L. 412-5 du Code du travail, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable d'entrave à l'exercice du droit syndical et l'a en répression condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des condamnations civiles à l'égard de Mme Y... ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté par le prévenu qu'il a adressé à Mme Y... la lettre du 13 avril 1990 dans laquelle il lui retirait certaines attributions alors qu'il ne pouvait ignorer à cette époque ses activités syndicales et le régime protectionniste que la loi y attache ; que la partie civile était infirmière-chef et en lui retirant la responsabilité du service médical il était à l'évidence porté atteinte à ses attributions essentielles puisqu'elle se trouvait ainsi privée de l'activité fondamentale de toute infirmière qui est justement d'assurer la liaison entre les patients et les médecins et que, dès lors, sa véritable mission était vidée de son contenu ; que de même, en lui interdisant de participer aux permanences des week-ends et de procéder à des injections, toute action médicale lui était interdite, occasions et circonstances où, au contraire, il peut revenir à une infirmière-chef de prendre, sous le contrôle nécessaire du médecin, des initiatives que sa formation l'autorise à prendre et que sa conscience lui commande ; qu'il apparaît que la suppression des attributions de Mme Y... touche en conséquence aux conditions substantielles de ses fonctions d'infirmière et de son contrat de travail et que cette modification imposée et ainsi qualifiée s'analyse en une rupture unilatérale de la part de l'employeur du lien contractuel les unissant, destinée au surplus à faire échec aux règles de l'inspection du Travail et mettant manifestement Mme Y... dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions syndicales ; que dans ces conditions, le prévenu s'est bien rendu coupable d'entrave aux fonctions syndicales ;
" alors, d'une part, que le juge répressif ne pouvait estimer le délit d'entrave établi à travers une qualification de la rupture du lien contractuel dès lors que les décisions prud'homales et administratives font l'objet de recours non encore jugés et n'ont pas, par voie de conséquence, de caractère définitif ; qu'ainsi, la cour d'appel qui a commis un excès de pouvoir et qui se borne à affirmer que Mme Y... avait été mise dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions syndicales, sans constater l'existence des éléments du délit, a violé l'ensemble des textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que le fait que certaines attributions aient été préventivement retirées à Mme Y... en raison de ses graves manquements professionnels, ne la dispensait pas d'être présente dans l'établissement et d'y exercer ses activités syndicales ce qui excluait que le délit d'entrave puisse être caractérisé ; que, dès lors, en affirmant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, entaché sa décision d'une violation des textes visés au moyen ;
" alors, encore, que la cour d'appel ne pouvait considérer le délit caractérisé sans constater que les mesures prises par Pierre X... à l'encontre de Mme Y... l'avaient été dans le but de faire échec à l'exercice de ses fonctions syndicales ; qu'une telle recherche s'imposait d'autant plus que de graves manquements professionnels étaient reprochés à l'intéressée et avaient entraîné le dépôt d'une plainte, actuellement en cours, devant le conseil de l'Ordre des médecins ; qu'ainsi, l'élément intentionnel faisant défaut, la cour d'appel n' a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, enfin, que Mme Y... ayant été, le 23 novembre 1990, réintégrée dans l'intégralité de ses fonctions, réintégration suivie d'effet, la cour d'appel ne pouvait estimer le délit d'entrave établi " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre X..., directeur d'un foyer pour handicapés, après avoir vainement demandé à plusieurs reprises à l'inspecteur du Travail l'autorisation de licencier l'infirmière-chef Michèle Y..., déléguée syndicale, a retiré à cette dernière au mois d'avril 1990 plusieurs de ses attributions, notamment la responsabilité du service médical ; qu'il a été poursuivi du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
Attendu que, pour le déclarer coupable, la juridiction du second degré, après avoir relevé que les griefs invoqués à l'encontre de la salariée étaient soit inconsistants, soit insuffisamment établis, énonce notamment que la modification substantielle de ses fonctions et de son contrat de travail équivalait à une rupture unilatérale de ce contrat par l'employeur et était destinée à faire échec aux refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du Travail ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la deuxième branche du moyen, la cour d'appel, qui devait statuer elle-même sur toute question dont dépendait selon elle l'application de la loi pénale et n'était pas tenue d'attendre l'issue de procédures prud'homales ou administratives en cours, a, sans encourir les griefs allégués, caractérisé en tous ses éléments le délit poursuivi ;
Que le législateur a entendu assurer aux délégués syndicaux, relativement à leur emploi, une sécurité particulière exorbitante du droit commun, et que, par suite, toute mutation de poste ou de fonction imposée contre son gré à l'un d'entre eux constitue, à moins que l'employeur n'en apporte la pleine justification, une atteinte portée à ses prérogatives et constitutive du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical ; qu'il se déduit des constatations souveraines des juges que cette justification n'était pas établie en l'espèce ;
Qu'en outre, l'élément intentionnel du délit poursuivi se déduit, non du but recherché par l'intéressé, mais du caractère volontaire des mesures qu'il a prises ;
Qu'enfin, la réintégration postérieure de la salariée dans ses fonctions n'a pas eu pour conséquence de faire disparaître une infraction déjà consommée ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.