CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 1992, qui, dans les poursuites exercées contre lui du chef d'infraction aux articles 3 du décret du 7 décembre 1984 et 13 de la loi du 1er août 1905, l'a condamné à une amende de 1 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 13 de la loi du 1er août 1905, R. 25 du Code pénal, 546 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'appel du ministère public à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de police à l'encontre de X... ;
" alors que le ministère public ne peut interjeter appel des jugements de police que lorsque la peine encourue excède 5 jours d'emprisonnement ou 1 300 francs d'amende ; qu'en l'espèce la peine encourue par le prévenu était comprise entre 600 francs et 1 300 francs d'amende ; que, dès lors, le jugement du Tribunal devait être considéré comme rendu en dernier ressort ; d'où il suit qu'en examinant le bien-fondé de l'appel au lieu de le déclarer d'office irrecevable, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article 546 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 7 août 1985 alors applicable, la faculté d'appeler contre un jugement de police n'appartenait au procureur de la République que lorsque la peine encourue excédait 5 jours d'emprisonnement ou 1 300 francs d'amende ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Jacques X... a été poursuivi pour avoir utilisé, dans le conditionnement de charcuteries de volailles, un étiquetage susceptible d'induire le consommateur en erreur sur la nature du produit vendu, fait prévu par les articles 3 du décret du 7 décembre 1984 et 13 de la loi du 1er août 1905 et puni d'une amende de 600 à 1 300 francs ; que le tribunal de police a, par jugement, rendu en dernier ressort, renvoyé le prévenu des fins de la poursuite ; que, sur appel du ministère public et de deux parties civiles, la cour d'appel a, infirmant ce jugement, condamné le prévenu à une amende de 1 000 francs et prononcé sur les intérêts civils ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi au lieu de déclarer l'appel du ministère public irrecevable, alors que la peine encourue à raison de l'infraction n'excédait pas le seuil prévu à l'article 546 du Code de procédure pénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 3 et 8 du décret n° 84-1147 du 7 décembre 1984, 13 de la loi du 1er août 1905, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à une amende de 1 000 francs pour vente d'une denrée alimentaire sous une dénomination contraire aux usages commerciaux, et a statué sur les réparations civiles ;
" aux motifs que la dénomination de jambon évoque d'abord un produit de charcuterie, plus particulièrement un morceau du porc et une certaine préparation de cette viande ; que, d'autre part, le jambon de dindonneau fabriqué par les Etablissements X... est préparé selon des techniques spécifiquement charcutières, ce qui le rapproche par l'aspect et la présentation, sinon par le goût, du jambon de porc ; que s'agissant d'une dénomination d'origine charcutière et d'un produit alimentaire élaboré suivant une technique définie et mise en oeuvre en premier lieu et à titre principal, voire quasi exclusif, par les professionnels de la charcuterie, c'est aux usages commerciaux de ce secteur d'activité qu'il convient de se référer pour l'application de l'article 8 du décret du 7 décembre 1984 ; que le " Code de la charcuterie, des salaisons et conserves de viande " publié en 1969 après avoir été approuvé par l'Administration (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) doit être regardé comme fixant les usages légaux et constants dans le domaine considéré ; qu'il prévoit que l'appellation " jambon " est réservée à la musculature du membre postérieur du porc et du sanglier, et ne peut être donnée à des pièces cuites d'autres animaux, même traitées selon la technologie du jambon cuit ; que cette définition est d'ailleurs celle retenue en octobre 1990, dans un cadre international, par le Codex Alimentarius ; qu'il suit de là que, même si l'étiquetage du produit n'était pas de nature à tromper le consommateur sur sa nature ou sa composition ou à créer une confusion avec le jambon de porc, ainsi que le souligne le Tribunal, la mise en vente du produit litigieux sous la dénomination de " jambon " constitue une infraction aux articles 3 et 8 du décret du 7 décembre 1984, réprimée par l'article 13 de la loi du 1er août 1905 modifiée ; qu'en conséquence le prévenu doit être déclaré coupable de l'infraction visée à la prévention ;
" alors qu'aux termes de l'article 8 du décret du 7 décembre 1984, la dénomination de vente d'une denrée alimentaire est fixée, en l'absence de réglementation, par les usages commerciaux ; que seuls doivent être pris en considération les usages en vigueur dans le secteur d'activité concerné ; qu'ainsi en l'espèce, pour déterminer si la dénomination " jambon de dindonneau " était correcte, il convenait de se référer non au Code des usages de la charcuterie, inapplicable en dehors de cette profession, mais au Code des bonnes pratiques des produits à base de dinde, élaboré par le Comité interprofessionnel de la dinde française, reconnu comme organisation interprofessionnelle de la dinde par le ministère de l'Agriculture ; que d'après ce Code, le terme jambon de dinde (ou de dindonneau) désigne le haut de la cuisse de dinde, désossé et traité en salaison ; qu'ainsi la dénomination litigieuse (jambon de dindonneau), utilisée pour désigner du haut de cuisse de dinde désossé et traité en salaison, était conforme aux usages de la profession ; que, dès lors, aucune infraction ne pouvait être reprochée au prévenu ; qu'en condamnant néanmoins celui-ci, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, au surplus, que l'infraction de vente sous une mauvaise dénomination suppose que la dénomination utilisée soit de nature à induire en erreur le consommateur sur la nature ou la composition du produit ; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'étiquetage du produit n'était pas de nature à tromper le consommateur sur sa nature ou sa composition ou à créer une confusion avec le jambon de porc ; que, dès lors, l'infraction reprochée n'était pas constituée ; qu'en déclarant néanmoins le prévenu coupable de cette infraction, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qu'elles comportaient et a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon les dispositions combinées des articles 3 et 8 du décret du 7 décembre 1984, l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées ne doit pas être de nature à créer une confusion, dans l'esprit du consommateur, sur les caractéristiques de celles-ci ;
Attendu que, pour faire droit aux demandes de la partie civile appelante d'un jugement de relaxe et condamner Jacques X... à des dommages-intérêts, la cour d'appel énonce que la dénomination " jambon de dindonneau ", ne pouvait être utilisée, comme en l'espèce, pour désigner un morceau de volaille ; que si l'étiquetage n'était pas de nature à tromper le consommateur sur la nature du produit ou sa composition ou à créer une confusion avec le jambon de porc, le seul fait d'avoir mis en vente le produit litigieux sous la dénomination " jambon " constituait l'infraction reprochée ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le risque de confusion dans l'esprit du consommateur est un élément constitutif de l'infraction, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs, mais qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, en date du 16 janvier 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, mais sur la seule action civile, plus rien ne restant à juger sur l'action pénale :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.