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16/07/1993 | FRANCE | N°92-19618

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 juillet 1993, 92-19618


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que deux enfants, Yannick et Audrey, sont nés aux Etats-Unis d'Amérique des relations ayant existé entre M. X... et Mme Y... ; qu'après son installation en France avec celle-ci, M. X... a quitté le domicile commun en se faisant accompagner des enfants, puis a demandé au juge aux affaires matrimoniales, statuant en référé, de lui attribuer l'exercice de l'autorité parentale et de fixer chez lui la résidence habituelle des jeunes Yannick et Audrey ; que, le 22 mai 1991, ce juge a ordonné, avant-dire droit, des mesures d'instruction

et, prenant en considération un accord conclu entre les part...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que deux enfants, Yannick et Audrey, sont nés aux Etats-Unis d'Amérique des relations ayant existé entre M. X... et Mme Y... ; qu'après son installation en France avec celle-ci, M. X... a quitté le domicile commun en se faisant accompagner des enfants, puis a demandé au juge aux affaires matrimoniales, statuant en référé, de lui attribuer l'exercice de l'autorité parentale et de fixer chez lui la résidence habituelle des jeunes Yannick et Audrey ; que, le 22 mai 1991, ce juge a ordonné, avant-dire droit, des mesures d'instruction et, prenant en considération un accord conclu entre les parties, a notamment fixé, à titre provisoire, la résidence des enfants chez la mère et donné acte à celle-ci de son engagement de ne pas quitter le territoire français avant qu'il ne soit statué sur le droit de visite du père ; que Mme Y..., à laquelle les enfants avaient été rendus, est aussitôt partie pour les Etats-Unis avec eux ; que M. X... a de nouveau saisi le juge aux affaires matrimoniales, qui, par une ordonnance réputée contradictoire du 30 juin 1991, a accueilli ses prétentions relatives à l'exercice de l'autorité parentale et à la résidence habituelle des enfants ; que, s'étant rendu en Amérique, M. X... a enlevé les jeunes Yannick et Audrey avec lesquels il est revenu en France ; que Mme Y... ayant relevé appel des deux ordonnances précitées en invoquant, en outre, les dispositions de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants conclue à La Haye le 25 octobre 1980, l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 juillet 1992) a rejeté les prétentions de M. X... et ordonné que les deux enfants soient remis à leur mère ;

Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu qu'en un premier moyen, M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, en application de la convention de La Haye du 25 octobre 1980, ordonné la remise des enfants à leur mère, domiciliée aux Etats-Unis, alors, d'une part, que la résidence habituelle d'un enfant, au sens de l'article 3 de la Convention précitée, ne peut être établie par le parent titulaire du droit de garde en fraude des droits de l'autre parent ou par une voie de fait ; qu'en l'espèce, Mme Y... n'avait pu valablement décider d'établir aux Etats-Unis la résidence habituelle des enfants à compter du 30 mai 1991, dès lors que, tout en donnant acte à la mère de son engagement de ne pas quitter le territoire français, l'ordonnance du 22 mai 1991, immédiatement exécutoire, avait, d'une part, " fixé la résidence habituelle des enfants chez Mme Y... " à son domicile français et, d'autre part, accordé un droit de visite et d'hébergement au père domicilié en France ; qu'ainsi, en décidant que la mère avait pu légitimement domicilier les enfants aux Etats-Unis et que la juridiction américaine était donc seule compétente pour statuer sur leur garde, la cour d'appel aurait violé l'article 3 de la convention de La Haye ; alors, d'autre part, que la notion de résidence habituelle au sens de l'article 3 de cette Convention suppose un caractère de stabilité et de permanence ; qu'en se bornant à relever que la mère s'était installée avec les enfants aux Etats-Unis à compter du 30 mai 1991, pour en déduire qu'ils y avaient leur résidence habituelle avant leur déplacement au mois d'octobre suivant, les juges du second degré n'auraient pas légalement justifié leur décision ; et alors, enfin, qu'à supposer que la résidence habituelle des enfants ait pu être fixée par la mère aux Etats-Unis, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, d'après le droit américain, la mère avait seule le droit de garde et quel effet pouvait avoir aux Etats-Unis l'ordonnance rendue en France le 20 juin 1991 transférant l'exercice de l'autorité parentale au père et fixant la résidence des enfants chez celui-ci ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard des articles 3 et 5 de la convention de La Haye ; qu'en un second moyen, il est encore reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à l'attribution de l'exercice de l'autorité parentale sur les deux enfants, alors, d'une part, qu'en exigeant de lui la preuve de l'existence d'une raison " impérieuse ", condition à laquelle l'article 374, alinéa 3, du Code civil ne subordonne pas le transfert de l'autorité parentale au père, la cour d'appel aurait violé ce texte ; et alors, d'autre part, qu'en ne recherchant pas concrètement si l'intérêt des enfants ne s'opposait pas à leur installation en Amérique et, ne rendait pas nécessaire une modification des conditions d'exercice de l'autorité parentale, les juges d'appel auraient privé leur décision de base légale ;

Mais attendu, d'abord, que si Mme Y..., provisoirement privée du droit de fixer seule le lieu de résidence des enfants à l'étranger, a méconnu les dispositions de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 en emmenant les enfants Yannick et Audrey aux Etats-Unis, alors que leur résidence habituelle était en France en vertu de l'ordonnance du juge aux affaires matrimoniales du 22 mai 1991, il résulte de cette dernière circonstance que la juridiction française était compétente pour statuer sur la demande de modification des conditions d'exercice de l'autorité parentale, formulée par M. X... ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir rappelé que l'exercice de l'autorité parentale sur un enfant naturel pouvait être déféré au père, ce changement devant s'apprécier au regard de l'intérêt du mineur, l'arrêt relève qu'il résulte des attestations et expertises privées produites de part et d'autre, que les deux parents présentent des qualités et des garanties égales ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a souverainement estimé que l'intérêt des jeunes Yannick et Audrey ne commandait pas que soient modifiées les conditions d'exercice de l'autorité parentale et que celle-ci soit confiée au père ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit qu'en aucune de leurs diverses branches, les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-19618
Date de la décision : 16/07/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - Non-retour de l'enfant - Résidence habituelle en France - Décision du juge aux affaires matrimoniales - Effets - Compétence de la juridiction française s'agissant des actions en modification de l'exercice de l'autorité parentale.

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Application des règles françaises internes à l'ordre international - Compétence territoriale - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Décision du juge aux affaires matrimoniales ayant fixé en France la résidence habituelle de l'enfant - Effet 1° AUTORITE PARENTALE - Exercice - Enfant naturel - Action en modification - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Décision du juge aux affaires matrimoniales ayant fixé en France la résidence habituelle de l'enfant - Effets - Compétence de la juridiction française.

1° Méconnaît les dispositions de la convention de La Haye du 25 octobre 1980, la mère d'enfants naturels qui emmène ceux-ci à l'étranger alors que leur résidence habituelle était en France en vertu d'une ordonnance du juge aux affaires matrimoniales, de sorte qu'elle était provisoirement privée du droit de fixer seule le lieu de résidence des enfants à l'étranger, et la juridiction française est compétente pour statuer sur la modification des conditions d'exercice de l'autorité parentale formulée par le père.

2° AUTORITE PARENTALE - Exercice - Enfant naturel - Exercice par le père - Conditions - Intérêt de l'enfant.

2° MINEUR - Juge du fond - Pouvoirs - Conflit entre les parents - Intérêt de l'enfant - Appréciation souveraine 2° POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Conflit entre les parents - Intérêt de l'enfant.

2° Si l'exercice de l'autorité parentale sur un enfant naturel peut être déféré au père, ce changement doit s'apprécier au regard de l'intérêt de l'enfant. Une cour d'appel, ayant constaté que les deux parents présentent des qualités et des garanties égales, estime souverainement que l'intérêt de l'enfant ne commande pas que soient modifiées les conditions d'exercice de l'autorité parentale et que celle-ci soit confiée au père.


Références :

Convention de La Haye du 25 octobre 1980

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 29 juillet 1992

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 1986-06-24, Bulletin 1986, I, n° 176, p. 175 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 jui. 1993, pourvoi n°92-19618, Bull. civ. 1993 I N° 265 p. 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 I N° 265 p. 183

Composition du Tribunal
Président : Président : M. de Bouillane de Lacoste .
Avocat général : Avocat général : M. Lesec.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Gélineau-Larrivet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Mme Baraduc-Bénabent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.19618
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