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07/04/1993 | FRANCE | N°91-42878

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 avril 1993, 91-42878


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 avril 1991), que M. X..., engagé en décembre 1966 par la société Sodibe, aux droits de laquelle se trouve la société Le Groupe Kaysersberg, en qualité de VRP, a été successivement promu agent principal, puis chef de secteur, ensuite chef de région et enfin directeur régional ; qu'après l'avoir convoqué à un entretien préalable à son licenciement, la société Sodibe, renonçant à invoquer la faute grave, l'a rétrogradé en lui attribuant la fonction d'attaché de direction régionale ; qu'à la suite du

refus du salarié d'accepter ce nouveau poste, l'employeur l'a mis en demeure d'...

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 16 avril 1991), que M. X..., engagé en décembre 1966 par la société Sodibe, aux droits de laquelle se trouve la société Le Groupe Kaysersberg, en qualité de VRP, a été successivement promu agent principal, puis chef de secteur, ensuite chef de région et enfin directeur régional ; qu'après l'avoir convoqué à un entretien préalable à son licenciement, la société Sodibe, renonçant à invoquer la faute grave, l'a rétrogradé en lui attribuant la fonction d'attaché de direction régionale ; qu'à la suite du refus du salarié d'accepter ce nouveau poste, l'employeur l'a mis en demeure d'exercer sa nouvelle activité ; que le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale pour voir constater la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, ce dernier l'a licencié le 28 décembre 1987 pour faute grave consistant dans le refus de rejoindre son nouveau poste ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au salarié des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que la charge de la preuve de la faute du salarié ne pèse pas sur l'employeur ; qu'il appartient au juge de former sa conviction au vu des pièces fournies, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, contrairement à ce qu'avaient estimé les premiers juges, a considéré que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la faute du salarié ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 122-43 du Code du travail ; alors, ensuite, que la lettre invoquée par l'employeur à l'appui de ses griefs concernant le Groupe Gadis émanait du représentant de ce groupe et non, comme l'a cru à tort la cour d'appel, du représentant du Groupe Kaysersberg qui en était le destinataire ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pu suspecter la sincérité de cette lettre que par suite d'une dénaturation évidente sur la qualité de son auteur ; que la cour d'appel a, dès lors, entaché sa décision d'une dénaturation de cette lettre du 28 octobre 1987 et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, que, par lettre du 17 novembre 1987, le salarié reconnaissait expressément avoir commis le manquement à la discrétion qui lui était reproché ; qu'il en contestait seulement le caractère fautif en soutenant que " les discussions avec les Etablissements Le Pesquier (Groupe Gadis) n'ont été que la traduction de ce que la société pratique " ; qu'en affirmant que, par cette lettre, le salarié contestait avoir divulgué des tarifs préférentiels consentis à un concurrent, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, au surplus, que le salarié ne peut se faire juge lui-même de la validité de la sanction prononcée contre lui ; qu'il commet une faute grave en ne rejoignant pas la nouvelle affectation qu'il a reçue à titre de sanction sans avoir préalablement saisi la juridiction prud'homale pour contester la mesure disciplinaire prise contre lui ; qu'en l'espèce, le salarié a refusé de rejoindre sa nouvelle affectation sans saisir la juridiction prud'homale de la mesure disciplinaire dont il avait fait l'objet et sans jamais en demander l'annulation conformément aux dispositions de l'article L. 122-43 du Code du travail ; qu'en estimant que le licenciement du salarié était néanmoins dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a méconnu les articles L. 122-14-3 et L. 122-43 du Code du travail ; alors, enfin, que, dans ses conclusions d'appel, le salarié, loin de contester et de demander l'annulation de la sanction disciplinaire prise contre lui, avait nié tout caractère disciplinaire à la rétrogradation pour se placer sur le terrain exclusif de la modification substantielle de son contrat de travail ; qu'il affirmait notamment " que la mesure en question doit s'interpréter comme une modification substantielle de son contrat de travail et non comme une mesure disciplinaire " ; qu'il affirmait encore que " la question posée est de savoir si une telle mesure se justifiait dans l'intérêt de l'entreprise ou était une manoeuvre destinée à faire échec au droit légitime du salarié ; qu'en statuant sur la validité de la mesure disciplinaire de rétrogradation pour apprécier la cause réelle et sérieuse du

licenciement, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'en application de l'article L. 122-43 du Code du travail, l'employeur doit fournir les éléments qu'il a retenus pour prendre une sanction à l'encontre du salarié ;

Attendu, ensuite, que l'erreur purement matérielle commise par la cour d'appel en ce qui concerne l'auteur de la lettre du 28 octobre 1987 est sans incidence sur la solution du litige et que la cour d'appel a dû se livrer à l'interprétation de la correspondance du 17 novembre 1987 dont les termes n'étaient ni clairs ni précis ;

Attendu, enfin, qu'en l'absence d'une volonté non équivoque du salarié de démissionner, la rupture du contrat de travail consécutive au refus de l'intéressé de se soumettre à une sanction disciplinaire entraînant une modification substantielle de ses conditions de travail s'analyse en un licenciement ; qu'ayant constaté, sans dénaturer les termes du litige, que la rétrogradation imposée au salarié constituait une modification substantielle de son contrat de travail et que les faits reprochés au salarié pour motiver ce déclassement n'étaient pas établis, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 91-42878
Date de la décision : 07/04/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Modification du contrat par l'employeur - Changement de classification - Déclassement - Caractère substantiel de la modification - Effet .

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Imputabilité - Démission du salarié - Manifestation de volonté clairement exprimée - Modification substantielle du contrat de travail

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Refus du salarié - Nécessité pour l'employeur d'engager la procédure de licenciement

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Changement de classification - Déclassement - Caractère substantiel de la modification - Sanction disciplinaire - Effet

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Modification par l'employeur du contrat de travail - Modification de nature à priver le licenciement de tout caractère réel et sérieux - Motivation de la modification non établie

En l'absence de volonté non équivoque du salarié de démissionner, la rupture du contrat de travail consécutive au refus de l'intéressé de se soumettre à une sanction disciplinaire entraînant une modification substantielle de ses conditions de travail, s'analyse en un licenciement et dès lors que les faits reprochés au salarié pour motiver la sanction ne sont pas établis, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 avril 1991

A RAPPROCHER : Chambre sociale, 1987-04-30, Bulletin 1987, V, n° 241, p. 154 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 avr. 1993, pourvoi n°91-42878, Bull. civ. 1993 V N° 112 p. 78
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 V N° 112 p. 78

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Chauvy.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Merlin.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.42878
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