REJET du pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, en date du 18 décembre 1986, qui a déclaré nulles ses plaintes avec constitution de partie civile, a constaté la prescription des poursuites engagées contre Y... du chef de diffamation publique et l'a débouté de ses demandes en réparation.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 50, 53, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré nulles les plaintes de la partie civile des 20 mars 1984 et 18 avril 1984, a constaté la prescription des poursuites à l'encontre de Y... et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de X... ;
" aux motifs que les deux plaintes du 20 mars 1984 et les deux plaintes du 18 avril 1984 ont été déposées en même temps et visent les mêmes faits, rapportés de manière identique, mot pour mot, seuls les qualifications et les textes visés différant, non seulement d'une plainte à l'autre, mais même dans chaque plainte ; ces plaintes qui font apparaître des qualifications cumulatives, alternatives ou subsidiaires, sont nulles ;
" alors, d'une part, que la plainte avec constitution de partie civile du 18 avril 1984 (numéro de dossier 612), seule plainte dont le juge était saisi, suivie de l'ordonnance de fixation de consignation du 18 avril 1984 et de la constitution de partie civile par avocat du 20 avril 1984 constatant la consignation de 5 000 francs, avait exactement qualifié les faits et indiqué sans équivoque comme textes de loi applicables les articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 ; que cette plainte qui ne fait apparaître qu'une seule qualification des faits répond aux exigences des articles 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
" alors, d'autre part, que si le réquisitoire introductif n'a été pris que le 4 mai 1984 soit plus de 3 mois après les faits, la prescription avait été valablement interrompue par la plainte avec constitution de partie civile du 18 avril 1984 qui répondait aux conditions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ainsi que par l'ordonnance de fixation de consignation du 18 avril 1984 et par la constitution de partie civile constatant la consignation du 20 avril 1984 " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 18 avril 1984, X..., ancien maire de Z..., s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction en déposant contre Y... deux plaintes ; qu'après avoir précisé dans chacune d'elles les propos que ce dernier avait tenus à son encontre lors d'émissions radiophoniques les 24 et 25 janvier 1984 et devant un journaliste qui devait les publier le 27 janvier 1984, il qualifiait ces propos dans l'une de ses plaintes de diffamation publique envers un particulier en visant l'article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, dans l'autre de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public en application de l'article 31, alinéa 1er, de la loi précitée ; qu'" au vu de la plainte en diffamation " ainsi portée, le juge d'instruction a, par ordonnance du 18 avril 1984, fixé le montant de la consignation à verser par le plaignant ; qu'après versement de cette somme, il a, par procès-verbal du 20 avril 1984, reçu la constitution de partie civile de X... consécutive à " la plainte en diffamation " portée contre Y... ; qu'" au vu de la plainte pour diffamation publique " à lui communiquée, le procureur de la République, reprenant en entier les propos incriminés par X... dans ses plaintes a requis le 4 mai 1984 l'ouverture d'une information en visant l'article 31, alinéa 1er, de la loi sur la liberté de la presse ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception de nullité de la poursuite soulevée par le prévenu avant toute défense au fond, la cour d'appel, adoptant les motifs du jugement entrepris, constate que les deux plaintes déposées le même jour sont indissociables, qu'elles visent, mot pour mot, les mêmes faits mais que les qualifications et les textes indiqués sont différents ; qu'elle énonce ensuite que ces plaintes font dès lors apparaître des qualifications cumulatives alternatives ou subsidiaires, qu'elles sont en conséquence entachées de nullité en application de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et ne peuvent avoir mis en mouvement l'action publique ni avoir interrompu la prescription ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont donné base légale à leur décision ; qu'en effet, selon les dispositions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, les mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer une incertitude dans l'esprit du prévenu ; que le plaignant ne peut échapper à cette obligation impérative en engageant par un artifice deux poursuites concomitantes relatives aux mêmes imputations qualifiées différemment dans chacune d'elles ; que le demandeur n'est pas recevable à soutenir qu'une seule de ces deux plaintes aurait saisi le juge d'instruction, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ait repris l'autre, ou qu'il s'en soit régulièrement désisté et dès lors que le magistrat instructeur n'a rien spécifié à ce sujet ;
Que les deux plaintes avec constitution de partie civile étant, en raison de leur concomitance, entachées de nullité ni celles-ci, ni les ordonnances fixant la consignation ni le procès-verbal de constitution, retenant de surcroît la seule qualification générique de diffamation, n'ont interrompu la prescription ; que le réquisitoire introductif intervenu après l'expiration du délai de 3 mois à compter des faits, n'a pu mettre l'action publique en mouvement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.