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14/10/1991 | FRANCE | N°90-80621

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 octobre 1991, 90-80621


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 1989, qui, prononçant sur les intérêts civils dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroquerie, l'a condamné à des dommages-intérêts.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 113 de la loi du 24 juillet 1966, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrê

t attaqué a condamné X... personnellement à payer aux époux Y... les sommes de 1 0...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 1989, qui, prononçant sur les intérêts civils dans la procédure suivie contre lui du chef d'escroquerie, l'a condamné à des dommages-intérêts.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 113 de la loi du 24 juillet 1966, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... personnellement à payer aux époux Y... les sommes de 1 092 562 francs et 100 000 francs alloués à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que Jacques X... est définitivement convaincu du délit d'escroquerie au préjudice des époux Y... ; qu'en conséquence les présidents-directeurs généraux, administrateurs, dirigeants sociaux s'engagent personnellement pour les délits ou quasi-délits qu'ils commettent au préjudice des tiers ; qu'en l'espèce, la faute personnelle de Jacques X... l'engage directement d'autant plus qu'en l'espèce, il ne s'agit point seulement d'une faute civile mais d'une faute pénale, seule cause directe du préjudice subi par M. Y... ;
" alors, d'une part, que X... ayant été condamné pénalement en sa qualité de représentant légal de la société X..., la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du 30 mai 1988, estimer qu'il devait répondre personnellement des condamnations civiles ;
" alors, d'autre part, que X... ayant cédé le fonds de commerce litigieux en sa qualité de représentant légal de la société X..., ce qui n'était pas contesté par les époux Y... dont la plainte était d'ailleurs dirigée contre la société, comme le constate l'arrêt, il en résultait, sur l'action civile, que X... ne pouvait être personnellement condamné envers les parties civiles, dès lors que par ses actes qui avaient profité à la société, il avait engagé celle-ci qui devait être déclarée civilement responsable ; qu'ainsi en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les articles précités " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Jacques X... a été déclaré définitivement coupable d'une escroquerie commise au préjudice des époux Y... alors qu'il était administrateur de la société anonyme
X...
;
Attendu que, statuant dans cette procédure sur les seuls intérêts civils, la cour d'appel, pour justifier la condamnation de X... au paiement de dommages-intérêts aux victimes de l'infraction, relève que les dirigeants sociaux sont personnellement responsables du préjudice causé par l'infraction qu'ils commettent dans l'exercice de leurs fonctions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a distingué à bon droit l'action civile dirigée contre l'auteur de l'infraction de celle pouvant être engagée contre la société en qualité de civilement responsable de son mandataire, a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, 5 de la loi du 13 juillet 1967, défaut et contradiction de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer aux époux Y... une somme de 1 092 562 francs à titre de préjudice financier, 100 000 francs pour préjudice moral et 10 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" aux motifs que M. Y... a acquis le fonds de commerce dont s'agit le 10 décembre 1982 pour la somme de 650 000 francs comprenant des éléments incorporels pour 476 179 francs et du matériel et mobilier pour 173 821 francs ; que l'expert a relevé que l'examen de la capacité bénéficiaire du fonds ne fait apparaître que des résultats négatifs à compter de sa création et qu'en conséquence la valeur incorporelle du fond est nulle ; que pour la valeur droit au bail l'expert a retenu une valeur moyenne de 175 000 francs ; que la valeur du fonds de commerce au 10 décembre 1982 a été évaluée de la façon suivante par les premiers juges :
" - droit au bail ........................... 175 000 francs
" - matériel et mobilier de bureau .......... 173 821 francs
" soit ...................................... 348 821 francs
" d'où une moins-value d'actif de ........... 650 000 francs
" ......................................... - 348 821 francs
" soit ...................................... 301 179 francs
" que le préjudice lié au règlement judiciaire a été fixé de la façon suivante :
" - actif rectifié .... 2 119 371 francs
" - passif exigible .................... 3 738 304 francs
" - remise de dettes .... 526 371 francs
" soit ................ 2 645 742 francs 3 738 304 francs
" d'où un préjudice de 1 092 562 francs ; que M. Y... a été contraint de déposer son bilan le 3 décembre 1985 ; qu'il ne peut y avoir compensation en l'espèce entre les dettes des époux Y... à l'égard de la société X... et des dettes de cette société à l'égard des époux Y... ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la contre-expertise réclamée par X... ; que l'expert judiciaire en retenant un passif chirographaire de 253 185 francs n'a commis aucune erreur ; que les époux Y... ont, du fait des agissements de X..., dû déposer leur bilan ; que le délit pénal commis par le prévenu est à l'origine directe du préjudice tant matériel que moral subi par les époux Y... ;
" alors, d'une part, que si la cour d'appel pouvait condamner X..., convaincu du délit d'escroquerie sur le prix de vente du fonds de commerce, à verser aux époux Y... la somme de 301 179 francs correspondant au prix de vente majoré frauduleusement, en revanche elle ne pouvait condamner X... à réparer les conséquences financières du règlement judiciaire de M. Y... qui ne constituait pas un préjudice lié à l'infraction ; que dès lors la cour d'appel a violé les règles du principe de l'indemnisation des victimes d'infraction ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que le délit commis par X... était à l'origine directe des préjudices tant matériel que moral que subissaient les époux Y... sans spécifier en quoi leur règlement judiciaire découlait directement du délit d'escroquerie retenu ; qu'il en allait d'autant plus ainsi que X... mettait en cause la gestion même du fonds de commerce par les époux Y..., l'arrêt lui-même relevant que l'expert judiciaire indiquait que le pourcentage important de publicité, le niveau élevé du stock et les frais financiers n'étaient pas suffisants à eux seuls pour retenir à l'encontre de Y... un comportement globalement non diligent, cette motivation impliquant que la gestion du fonds de commerce par la partie civile pouvait être mise en cause ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors enfin qu'en accordant aux époux Y... une somme correspondant aux préjudices qu'ils auraient subis à la suite de leur mise en règlement judiciaire la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en se substituant au juge civil seul compétent pour connaître de cette procédure de règlement judiciaire " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, le juge répressif ne peut accorder des réparations civiles que si le préjudice trouve sa source directement dans l'infraction poursuivie ;
Attendu, en outre, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X... a été déclaré coupable d'escroquerie pour avoir, en employant des manoeuvres frauduleuses, vendu aux époux Y..., parties civiles, un fonds de commerce pour le prix de 650 000 francs alors que sa valeur réelle n'était que de 348 821 francs ; que, pour réparer le préjudice résultant de cette infraction, la cour d'appel a alloué aux parties civiles, non seulement la différence entre ces deux sommes mais encore celle de 1 092 562 francs représentant le préjudice " lié au règlement judiciaire de Y... " ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, alors que l'acquisition à un prix surévalué d'un fonds de commerce n'entraîne pas nécessairement une exploitation déficitaire de celui-ci, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de la décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 21 décembre 1989 ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-80621
Date de la décision : 14/10/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Infraction commise par le dirigeant d'une société - Action en dommages-intérêts - Action en responsabilité civile contre la société - Distinction.

1° SOCIETE - Société par actions - Société anonyme - Administrateur - Escroquerie - Action en dommages-intérêts - Action en responsabilité civile contre la société - Distinction.

1° La cour d'appel, qui condamne l'administrateur d'une société anonyme à payer des dommages-intérêts aux victimes d'une infraction dont il est l'auteur, fait à bon droit la distinction entre l'action civile engagée sur le fondement des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et l'action en responsabilité civile pouvant être engagée contre la société

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Constatations nécessaires.

2° ESCROQUERIE - Action civile - Préjudice - Préjudice direct - Constatations nécessaires.

2° Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, pour allouer des dommages-intérêts aux acquéreurs d'un fonds de commerce, victimes d'une escroquerie, se borne à affirmer qu'il convient de réparer " le préjudice lié au règlement judiciaire de ces commerçants "


Références :

Code civil 1382
Code de procédure pénale 2, 3
Code pénal 405
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 113

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 21 décembre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 oct. 1991, pourvoi n°90-80621, Bull. crim. criminel 1991 N° 337 p. 843
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 337 p. 843

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Hecquard
Avocat(s) : Avocat :la SCP Rouvière, Lepître et Boutet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.80621
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