La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/1991 | FRANCE | N°88-84270

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 avril 1991, 88-84270


CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 23 juin 1988, qui, pour discrimination syndicale et entrave au fonctionnement régulier d'un comité de groupe, l'a condamné à une amende de 3 000 francs et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, des articles L. 412-2, L. 412-21, L. 439-2, L. 439-3, L. 439-4, L. 439-5 et L. 481-2 du Code du travail, de l'

article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base ...

CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 23 juin 1988, qui, pour discrimination syndicale et entrave au fonctionnement régulier d'un comité de groupe, l'a condamné à une amende de 3 000 francs et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 4 du Code pénal, des articles L. 412-2, L. 412-21, L. 439-2, L. 439-3, L. 439-4, L. 439-5 et L. 481-2 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de discrimination syndicale et du délit d'entrave au fonctionnement du comité de groupe ;
" aux motifs, d'une part, qu'à la suite de la création du comité de groupe, deux protocoles d'accord, en date des 29 avril 1983 et 30 avril 1985, avaient prévu que chaque organisation syndicale représentative à l'échelon national pourrait désigner parmi les salariés des entreprises du groupe un représentant syndical ; qu'il s'agissait là d'une extension conventionnelle des dispositions légales sur la répartition des représentants du personnel ; que les accords ainsi conclus ont été remis en cause par le protocole du 1er juin 1987 qui ne concédait plus le droit de désignation qu'aux seules organisations syndicales signataires dudit protocole ; que les parties civiles sont dès lors fondées à soutenir que cette disposition nouvelle qui modifiait la composition du comité de groupe et la répartition des sièges ne pouvait être opposée aux organisations non signataires ; qu'en refusant d'admettre à la réunion de comité tenue le 13 juin 1987 les représentants de ces organisations, X... a effectivement porté atteinte à l'exercice du droit syndical prévu par l'article L. 481-2 du Code du travail et opéré entre les organisations une discrimination procédant d'un autre critère que celui de leur représentativité ;
" aux motifs, d'autre part, que le délit d'entrave au fonctionnement du comité de groupe est également constitué à la charge de X... dans la mesure où il a décidé d'imposer aux organisations non signataires de l'accord du 1er juin 1987 une modification unilatérale des protocoles antérieurs sur la composition dudit comité et où, par la suite, il s'est abstenu d'en organiser la réunion avant mars 1988, méconnaissant ainsi les prescriptions des articles L. 439-2, L. 439-4 et L. 439-5 du Code du travail ;
" alors, d'une part, que la loi pénale est d'application stricte ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 412-21 et L. 481-2 du Code du travail que seuls caractérisent le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical les manquements aux dispositions légales et réglementaires définissant les droits reconnus aux syndicats dans une matière déterminée au sein des entreprises, et aux conventions ou accords étendant les droits ainsi définis ; que les accords successifs passés entre la Régie Renault et les organisations syndicales relativement à la désignation de représentants syndicaux ayant voix consultative au sein du comité de groupe n'entrent dans les prévisions d'aucun texte et que dès lors leur dénonciation ne saurait être regardée comme constitutive d'une infraction pénalement sanctionnée ;
" alors, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que le protocole du 29 avril 1987 signé par toutes les organisations syndicales représentatives et notamment par les syndicats, partie civile, n'a jamais été dénoncé ; que les termes en sont repris sans aucune modification par l'accord litigieux du 1er juin 1987, et qu'ils réalisent, en ce qui concerne la désignation des représentants du personnel membres du comité de groupe, une application rigoureuse du critère de représentativité syndicale retenu par la loi pour la composition du comité de groupe ;
" alors, enfin, que l'arrêt qui ne constate pas que le comité de groupe n'ait pas été réuni au moins une fois par an sur convocation de son président en application de l'article L. 439-4, alinéa 3, du Code du travail ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 153-1 du Code du travail ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 153-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 13 novembre 1982, lorsqu'en vertu d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif étendu déroge à des dispositions législatives ou réglementaires, les infractions aux stipulations dérogatoires sont passibles des sanctions qu'entraînerait la violation des dispositions législatives ou réglementaires en cause ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure, qu'à l'occasion du renouvellement, effectué tous les 2 ans, du comité du groupe de la Régie nationale des usines Renault, a été signé le 29 avril 1987, entre la Régie et cinq organisations syndicales comprenant notamment la CGT, un accord définissant les modalités de désignation des représentants du personnel appelés à siéger au comité de groupe, conformément aux dispositions de l'article L. 439-3 du Code du travail ;
Attendu que par un second accord, en date du 1er juin 1987, concernant le fonctionnement même du comité, il a été prévu que seules les organisations syndicales représentatives à l'échelon national et signataires dudit accord pourraient désigner, en supplément, un représentant syndical aux fins de siéger au sein du comité de groupe avec voix consultative ; que la CGT a refusé de signer ce texte qui, selon elle, diminuait les moyens accordés jusque-là au comité ; que le 19 juin suivant, lors de la réunion de cet organisme, Michel X..., directeur des affaires sociales de la RNUR et président du comité, constatant la présence d'un représentant syndical de la CGT, a suspendu la séance ;
Attendu que la fédération des travailleurs CGT de la métallurgie et le syndicat CGT ouvriers de la RNUR, se fondant sur le fait que, depuis l'institution du comité de groupe Renault, en 1983, chacun des accords conclus avec la direction avait autorisé les organisations syndicales représentatives à l'échelon national à désigner des représentants syndicaux pour siéger au comité, ont poursuivi Michel X... devant la juridiction répressive, des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical et au fonctionnement régulier du comité de groupe, en lui reprochant d'avoir voulu imposer une composition du comité de groupe retenant d'autres critères que celui de la représentativité et créant une discrimination syndicale, alors que l'accord modificatif du 1er juin 1987, non signé par la CGT, était inopposable à cette organisation, et d'avoir, en raison du refus de celle-ci, suspendu la tenue des réunions du comité pour une durée illimitée ; qu'il lui était aussi fait grief d'avoir contrevenu à un usage constant dans l'entreprise, les accords intervenus en 1983 et 1985 ayant institué une représentation syndicale devant être reconduite à chaque renouvellement du comité de groupe, sous réserve des amendements éventuels à apporter ;
Attendu que, saisis de ces faits, les juges du fond, par les motifs repris au moyen, ont déclaré la prévention établie, sans retenir toutefois à la charge du prévenu la méconnaissance d'un usage ;
Mais attendu que, la représentation syndicale n'ayant pas été instituée en l'espèce par une convention ou un accord collectif étendu, en vertu d'une disposition expresse dans une matière déterminée, comme le prévoit l'article L. 153-1 susvisé du Code du travail, la méconnaissance des dispositions conventionnelles invoquées, si elle pouvait donner lieu le cas échéant à des recours civils, n'était susceptible de recevoir aucune des qualifications pénales visées par la prévention ;
Qu'il s'ensuit que la condamnation prononcée n'est pas légalement justifiée, et que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 23 juin 1988 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-84270
Date de la décision : 04/04/1991
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Conventions et accords collectifs de travail (article L. 153-1 du Code du travail) - Dérogations à des dispositions législatives ou réglementaires - Infractions aux stipulations dérogatoires - Sanctions pénales - Conditions

TRAVAIL - Comité de groupe - Membres - Membres suppléants - Remise en cause d'un usage - Délit d'entrave (non)

TRAVAIL - Conventions et accords collectifs de travail (article L. 153-1 du Code du travail) - Dérogations à des dispositions législatives ou réglementaires - Accord d'entreprise instituant une représentation syndicale - Sanction pénale (non)

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Comité interentreprise institué par voie conventionnelle - Licenciement - Licenciement d'un représentant syndical - Sanction pénale (non)

Selon l'article L. 153-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 13 novembre 1982, lorsqu'en vertu d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif étendu déroge à des dispositions législatives ou réglementaires, les infractions aux stipulations dérogatoires sont passibles des sanctions qu'entraînerait la violation des dispositions législatives ou réglementaires en cause. Ce texte définissant strictement les dispositions conventionnelles susceptibles de sanctions pénales, il en résulte que les juridictions correctionnelles ne peuvent condamner un prévenu ni pour la méconnaissance d'un accord d'entreprise prévoyant la désignation d'un représentant syndical au comité de groupe (arrêt n° 1), ni pour le non-respect des dispositions de l'article L. 236-11 du Code du travail lors du licenciement du représentant syndical d'un comité interentreprises d'hygiène et de sécurité institué par voie conventionnelle (arrêt n° 2), ni, a fortiori, pour l'abrogation d'un usage accordant des avantages aux membres suppléants d'un comité d'entreprise (arrêt n° 3) (1).


Références :

Code du travail L153-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle), 19 mai 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. A comparer : Chambre criminelle, 1978-02-14 , Bulletin criminel 1978, n° 58, p. 141 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1979-02-27 , Bulletin criminel 1979, n° 87, p. 247 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1979-05-22 , Bulletin criminel 1979, n° 181, p. 503 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1980-01-15 , Bulletin criminel 1980, n° 24, p. 57 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1982-01-12 , Bulletin criminel 1982, n° 12, p. 25 (rejet) ;

A rapprocher : Chambre criminelle, 1987-02-24 , Bulletin criminel 1987, n° 97, p. 265 (cassation sans renvoi) ;

Chambre sociale, 1989-12-19 , Bulletin 1989, V, n° 719, p. 433 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 avr. 1991, pourvoi n°88-84270, Bull. crim. criminel 1991 N° 164 p. 410
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 164 p. 410

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocats :la SCP Delaporte et Briard (arrêt n° 1), la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez (arrêt n° 1), la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin (arrêts n°s 2 et 3), Mme Luc-Thaler (arrêt n° 2), M. Choucroy (arrêt n° 3)

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:88.84270
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award