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04/01/1991 | FRANCE | N°90-81872

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 1991, 90-81872


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
- la société anonyme Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 11 janvier 1990, qui pour diffamation publique, a condamné X... à des réparations civiles et a déclaré la société Y... civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire commun produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510, 512, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, R. 213-7 et R. 213-8 du Code de l'organisation judiciaire, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt énonce que lors

des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt, la Cour était présidée par M. The...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
- la société anonyme Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 11 janvier 1990, qui pour diffamation publique, a condamné X... à des réparations civiles et a déclaré la société Y... civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire commun produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 510, 512, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, R. 213-7 et R. 213-8 du Code de l'organisation judiciaire, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt énonce que lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt, la Cour était présidée par M. Thevenard, conseiller, faisant fonction de président en vertu d'une ordonnance de Mme le premier président de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 1989 ;
" alors que l'ordonnance du premier président d'une cour d'appel désignant un conseiller pour faire fonction de président n'a aucun effet rétroactif ; que l'arrêt attaqué a indiqué que l'affaire appelée à l'audience du 30 mars 1989 avait été renvoyée successivement à celles des 29 juin 1989, 28 septembre 1989 et 30 novembre 1989 ; qu'il a été précisé que lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt, la Cour était présidée par M. Thevenard, conseiller faisant fonction de président en vertu d'une ordonnance de Mme le premier président du 10 novembre 1989 ; qu'ainsi M. Thevenard n'avait pas régulièrement siégé aux audiences des débats avant le 10 novembre 1989 ; que ce faisant, l'arrêt est entaché d'une violation des articles visés au moyen " ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient, à l'occasion de leur pourvoi contre le seul arrêt statuant sur le fond, remettre en cause la désignation du président de la chambre des appels correctionnels ayant ordonné antérieurement le renvoi de l'affaire à des audiences ultérieures, ces décisions étant, faute de recours exercés contre elles, devenues irrévocables ;
D'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... du chef du délit de diffamation publique envers un particulier, à payer une somme de 8 000 francs à M. Z... à titre de dommages-intérêts, a ordonné la publication de la décision et a déclaré la société Y... civilement responsable ;
" aux motifs propres que Z... est présenté comme l'un de ceux qui a illégalement posé des écoutes téléphoniques sur la ligne de l'huissier du Conseil supérieur de la magistrature et que s'agissant d'un fonctionnaire de police ce fait précis qui lui est imputé porte atteinte à son honneur et à sa considération ; que, pour justifier de sa bonne foi, X... doit établir qu'il a respecté un certain nombre d'exigences notamment de sincérité, prudence et objectivité ; qu'il ne suffit pas, comme il le fait, d'indiquer que d'autres journaux avaient également donné cette information et que d'autre part, l'article critiqué présente la culpabilité de Z... comme un fait établi ; que le directeur de la publication devait veiller avec précaution sur les écrits qu'il faisait publier ;
" et aux motifs adoptés que Z... est ainsi présenté comme l'un de ceux qui ont posé illégalement des écoutes téléphoniques sur la ligne de l'huissier du Conseil supérieur de la magistrature ; que ce fait précis qui lui est imputé, porte atteinte à son honneur et à sa considération ; que les imputations diffamatoires peuvent être justifiées lorsque le but poursuivi par le journaliste apparaît légitime et qu'il est démontré que l'auteur de l'écrit s'est conformé à un certain nombre d'exigences notamment de sincérité, prudence, objectivité ; que le défendeur soutient qu'il n'a fait que remplir son devoir d'information et ce, avec prudence et objectivité ; qu'il souligne que M. Z... était bien inculpé, que d'autres journaux avaient d'ailleurs comme lui donné cette information ; que le rappel d'une affaire, dans laquelle le demandeur aurait été mis en cause, peut être considéré comme légitime pour que l'information du lecteur soit complète ; mais qu'en l'espèce, l'auteur de l'article a manqué de prudence et d'objectivité, en présentant la culpabilité de M. Z... comme un fait acquis ; que cette différence entre inculpation et culpabilité ne devait pas échapper au directeur de publication qui est tenu d'exercer une surveillance sur les écrits qu'il fait publier ;
" alors qu'il résultait de l'article publié, sans que cela fût contesté pas M. Z... que ce dernier était un " ancien gradé de la gendarmerie nationale ayant aujourd'hui quitté l'uniforme " ; que l'arrêt attaqué a déclaré que " s'agissant d'un fonctionnaire de police ", le fait précis imputé à M. Z... avait porté atteinte à son honneur et à sa considération ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale ;
" alors qu'il résulte de l'article publié que dans l'affaire concernant la pose d'écoutes téléphoniques sur la ligne d'un huissier du Conseil supérieur de la magistrature, " trois personnes furent inculpées dont l'ancien chef de la brigade des recherches de Bastia... l'enquête se poursuit activement... "; que pour écarter la bonne foi de X..., les juges du fond ont considéré que l'article critiqué présentait la " culpabilité " de Z... comme un fait établi et que la différence entre culpabilité et inculpation n'aurait pas dû échapper au directeur de la publication ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'en matière d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, la poursuite est définitivement fixée par la citation introductive d'instance et que les juges du fond doivent apprécier le délit sous le rapport de la qualification précisée selon ladite citation et par application de l'article de la loi du 29 juillet 1881 qui y est visé ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la parution dans le numéro du journal Y... daté du 4 mars 1988 d'un article intitulé : " L'un des plombiers de Paris entendu dans une affaire de drogue " et retenu à raison du passage suivant : " De curieux plombiers avaient tenté de poser une écoute téléphonique ", Z... s'estimant atteint " par cette allégation parfaitement mensongère ", a fait citer devant le tribunal correctionnel, par exploit auquel était joint la photocopie de l'article incriminé, X..., directeur de publication dudit quotidien, et la société anonyme Y... pour diffamation, délit " prévu et réprimé par les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 " ;
Attendu que, pour allouer des dommages-intérêts au plaignant, la cour d'appel qui relève qu'à plusieurs reprises, l'article incriminé vise le plaignant en sa qualité d'ancien chef de la brigade des recherches de Bastia, énonce que celui-ci est présenté " comme l'un de ceux qui a illégalement posé des écoutes téléphoniques sur la ligne de l'huissier du Conseil supérieur de la magistrature " et que " s'agissant d'un fonctionnaire de police ce fait précis qui lui est imputé, a porté atteinte à son honneur ou à sa considération " ;
Mais attendu que la citation introductive d'instance visait l'article 32 de la loi sur la liberté de la presse réprimant les diffamations envers particulier alors que la diffamation retenue par les juges du fond constituerait au contraire, dans la mesure où le fait serait en rapport avec la qualité de fonctionnaire, le délit prévu et réprimé par l'article 31 de ladite loi ;
Que cependant la cour d'appel a fait application de cette disposition au prévenu au lieu de constater qu'elle était dans l'impossibilité de disqualifier les faits de la poursuite ;
D'où il suit qu'il y eu violation des textes ci-dessus visés et que l'arrêt encourt de ce chef la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 janvier 1990, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-81872
Date de la décision : 04/01/1991
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Citation - Portée - Pouvoirs des juges

PRESSE - Procédure - Disqualification - Délit de presse en délit de presse - Interdiction - Applications - Diffamation envers les particuliers en diffamation envers les fonctionnaires

En cas d'infraction à la loi sur la liberté de la presse, la poursuite est définitivement fixée par la citation introductive d'instance. Les juges du fond doivent apprécier le délit selon la qualification précisée par ladite citation et en application de l'article de la loi du 29 juillet 1881 qui y est visé (1).


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29 al. 1, 31, 32 al. 1, 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 janvier 1990

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1956-01-12 , Bulletin criminel 1956, n° 53, p. 97 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 1991, pourvoi n°90-81872, Bull. crim. criminel 1991 N° 7 p. 17
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 7 p. 17

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel
Avocat(s) : Avocat :la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.81872
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