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04/01/1991 | FRANCE | N°89-82565

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 1991, 89-82565


REJET du pourvoi formé par :
- X... Lamine,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, du 2 février 1989, qui l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement et lui a interdit pendant 10 ans le territoire national pour infraction à arrêté d'expulsion.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 et 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiés par la loi du 9 septembre 1986, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a reje

té l'exception de nullité de l'arrêté d'expulsion en date du 20 avril 1988 concer...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Lamine,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, du 2 février 1989, qui l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement et lui a interdit pendant 10 ans le territoire national pour infraction à arrêté d'expulsion.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 et 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiés par la loi du 9 septembre 1986, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'arrêté d'expulsion en date du 20 avril 1988 concernant X... et déclaré ce dernier coupable de s'être soustrait à l'exécution dudit arrêté ;
" aux motifs que le principe de la non-rétroactivité des lois pénales ne saurait s'appliquer aux règles de l'expulsion et qu'en prenant en considération un assassinat commis le 22 novembre 1980 par X... et sanctionné le 7 octobre 1983, le ministre de l'Intérieur a pu prendre un arrêté d'expulsion en application des dispositions de la loi du 9 septembre 1986 ;
" alors que la loi du 9 septembre 1986 modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945, n'ayant pas été déclarée applicable aux situations déjà existantes, une condamnation pénale qui, en raison de la durée de résidence en France de l'étranger et de son mariage avec une Française, n'était pas de nature à justifier antérieurement son expulsion, ne saurait à elle seule servir de fondement à un arrêté d'expulsion pris postérieurement à la loi nouvelle ; et qu'en déclarant légal l'arrêté d'expulsion de X..., pris par application de la loi du 9 septembre 1986 mais fondé sur une condamnation pénale prononcée antérieurement à la loi nouvelle bien que cette condamnation ne fût pas susceptible de justifier à elle seule, antérieurement, l'expulsion de cet étranger, la cour d'appel a violé la loi du 9 septembre 1986 " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 et 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'arrêté d'expulsion en date du 20 avril 1988 concernant X... et a déclaré celui-ci coupable de s'être soustrait à l'exécution de cet arrêté ;
" aux motifs, sur l'absence de motivation, que l'arrêté a été pris en application de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'urgence absolue et que l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 dispense de l'obligation de motivation en cas d'urgence absolue et qu'en outre l'arrêté d'expulsion est motivé, sa motivation s'appuyant sur un fait réel établi par une condamnation définitive, à savoir un assassinat, que la présence d'un assassin sur le sol français est nécessairement une menace particulièrement grave pour l'ordre public ; que le fait qu'un assassin n'a commis aucune nouvelle infraction entre sa date de libération et la date de l'arrêté d'expulsion ne suffit pas à écarter la dangerosité d'un condamné reconnu coupable d'un tel crime ;
" et aux motifs, sur l'erreur manifeste d'appréciation, que la présence en France d'un assassin, qui vient d'être libéré après avoir purgé sa peine est naturellement indésirable et que la référence à une condamnation ancienne est suffisante à établir, qu'il constitue une menace pour l'ordre public et qu'il y a urgence absolue à l'expulser hors de France ;
" alors, en premier lieu, que la réalité de l'urgence absolue pour l'application de la procédure d'expulsion de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, doit être appréciée à la date de l'arrêté d'expulsion ; qu'en se référant à une condamnation ancienne concernant des faits remontant à plus de 8 ans pour apprécier la dangerosité de X... qui a été pourtant libéré par l'administration pénitentiaire, le ministre de l'Intérieur a manifestement commis une erreur d'appréciation ; que dès lors en refusant de sanctionner l'illégalité de l'arrêté d'expulsion litigieux bien qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêté, ni de ses constatations, ni des éléments du dossier que l'expulsion de X... revêtait un caractère d'urgence absolue, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et 14 de la loi du 11 juillet 1979 ;
" et alors, en second lieu, qu'en se bornant à indiquer que X... avait commis en 1980 un crime par lequel il avait été condamné et à affirmer ensuite que le comportement de cet étranger présentait une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public français mais sans préciser les éléments de fait sur lesquels est fondée la mesure de police contestée, le ministre de l'Intérieur n'a pas motivé l'arrêté d'expulsion conformément aux exigences des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; en refusant de sanctionner, pour absence de motivation, l'arrêté d'expulsion litigieux, la cour d'appel a nécessairement violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Lamine X..., de nationalité tunisienne, condamné le 7 octobre 1983 par la cour d'assises du département de la Seine-Maritime à la peine de 10 ans de réclusion criminelle pour un assassinat commis le 22 novembre 1980, a été libéré, à l'expiration de sa peine, le 14 avril 1988 ; qu'un arrêté ministériel, en date du 20 avril 1988, ordonnant son expulsion du territoire national, lui a été notifié le 25 avril 1988 ; que conduit le 1er août sur un aéroport il a refusé de quitter le territoire français et a été poursuivi devant la juridiction répressive pour s'être soustrait à l'exécution de l'arrêté d'expulsion précité ;
Attendu que pour écarter l'exception d'illégalité de l'arrêté ministériel en cause, soulevée par le prévenu, la cour d'appel relève qu'il s'agit d'une mesure de police à laquelle ne s'applique pas le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ; que les juges constatent que l'arrêté critiqué se référant à l'assassinat commis par X..., énonce " qu'en raison de son comportement, sa présence sur le territoire français constitue pour l'ordre public une menace présentant un caractère de particulière gravité et qu'il y a urgence à l'éloigner du territoire " puis précise que la libération de ce dernier vient d'intervenir ;
Que les juges observent encore que " la présence en France d'un assassin qui vient d'être libéré... est naturellement indésirable et que son expulsion après qu'il eut purgé sa peine constitue une impérieuse nécessité pour la sécurité publique et présente un caractère d'urgence absolue " ; qu'ils déduisent de leurs constatations et énonciations que l'arrêté qui ne comporte pas d'erreur manifeste d'appréciation a été légalement pris ;
Attendu, en cet état, dès lors que ce n'est pas seulement la condamnation prononcée qui a été prise en considération pour ordonner l'expulsion en application de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la loi du 9 septembre 1986, mais aussi la menace grave que la présence de l'intéressé constituait pour l'ordre public au moment où l'arrêté d'expulsion a été pris, c'est sans encourir les griefs allégués que l'arrêt attaqué a écarté l'exception soulevée ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-82565
Date de la décision : 04/01/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Acte administratif individuel - Appréciation de la légalité - Acte servant de base à une poursuite pénale - Compétence du juge répressif.

1° ETRANGER - Arrêté d'expulsion - Légalité - Appréciation - Compétence du juge répressif 1° LOIS ET REGLEMENTS - Arrêté ministériel - Légalité - Appréciation par le juge répressif - Acte administratif individuel - Acte servant de base à une poursuite pénale.

1° Il appartient aux juridictions répressives d'apprécier la légalité d'un arrêté d'expulsion, acte administratif individuel pénalement sanctionné (1).

2° LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de police - Loi organisant l'exercice d'une liberté publique - Arrêté individuel pris sur son fondement - Arrêté d'expulsion - Légalité - Constatation suffisante.

2° ETRANGER - Arrêté d'expulsion - Fondement (loi du 9 septembre 1986) - Légalité - Constatation suffisante.

2° Est régulier un arrêté d'expulsion visant un étranger condamné avant la mise en vigueur de la loi du 9 septembre 1986, modifiant l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dès lors que cet arrêté, postérieur à ce texte, se fonde sur la menace grave que la présence de l'intéressé constitue pour l'ordre public au moment où il est pris (2).


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 23, art. 26

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 février 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-02-07 , Bulletin criminel 1989, n° 50, p. 138 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1989-02-07 , Bulletin criminel 1989, n° 50, p. 138 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 1991, pourvoi n°89-82565, Bull. crim. criminel 1991 N° 8 p. 20
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1991 N° 8 p. 20

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocat :la SCP Le Prado

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:89.82565
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