REJET du pourvoi formé par :
- X... Enrique, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Papeete, en date du 24 octobre 1989, qui a déclaré irrecevable sa plainte portée contre Alexandre Y... du chef d'infraction à l'article 227 du Code pénal.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre criminelle en date du 18 mai 1989 portant désignation de juridiction en application des articles 681 du Code de procédure pénale et 54 de la loi du 27 juin 1983 ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2.2°, du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1, 2 et 3 du Code de procédure pénale, ensemble violation de l'article 227 du Code pénal et de l'article 1382 du Code civil, méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la chambre d'accusation a déclaré irrecevable une plainte avec constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'à la date du dépôt de la plainte devant le juge d'instruction, soit le 28 mars 1989, l'ordonnance du président du tribunal de première instance de Papeete du 25 mars 1989 n'était pas devenue définitive et avait été frappée d'appel, ainsi que l'indiquait Y... dans son communiqué ; que dès le 29 mars, le ministère public et X... concluaient à l'irrecevabilité de cet appel, sans que lui-même relève appel incident ; que le 30, le président du Gouvernement et les trois ministres concernés se désistaient de leur appel et que la Cour, par arrêt du même jour, leur donnait acte de ce désistement, mettant fin à l'instance ; qu'il s'ensuit qu'à la date où la partie civile a réitéré sa plainte, soit le 13 juillet 1989, ladite partie civile n'avait plus d'intérêt à agir, puisque les commentaires critiqués ne pouvaient plus faire pression sur les témoins et les juges, la décision juridictionnelle étant devenue définitive ;
" et aux motifs encore que même si l'on se place au jour du dépôt de la plainte devant le juge d'instruction, bien qu'il ne s'agisse là que d'une réception purement matérielle sans autre effet que de suspendre la prescription, il y a lieu de constater qu'il ne peut être justifié d'une possibilité de préjudice direct et personnel ; qu'en effet, des termes mêmes du communiqué, il résultait que l'appel du Territoire ne portait que sur la motivation, alors qu'il obtenait gain de cause dans le dispositif ; que par suite cet appel était manifestement irrecevable comme le soutiendra la partie civile dès le lendemain ; que dès lors, cette dernière, qui n'entendait pas relever appel incident, ainsi qu'il résulte de ses écritures du lendemain, ne peut invoquer le préjudice direct et personnel qui aurait pu lui être causé dans cette procédure par la pression exercée sur les juges, alors surtout qu'il se déduit de l'ensemble du communiqué qu'il visait à impressionner les juges du premier degré et non la Cour, dont il était même précisé qu'elle venait de rappeler à ce même juge des référés, dans une autre procédure, les limites de l'application de la théorie de la voie de fait ;
" et aux motifs enfin que la pression exercée sur les juges par ce communiqué pour l'avenir et d'autres procès éventuels ne peut justifier l'existence d'un intérêt né et actuel, d'un préjudice direct de la partie civile qui puisse justifier sa constitution de partie civile ;
" alors que, d'une part, c'est à la date du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, laquelle déclenche l'action publique, que l'on doit se placer pour apprécier les conditions de recevabilité de l'action civile, soit en l'espèce le 28 mars 1989 ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole les textes visés au moyen ;
" alors que la réitération d'une plainte avec constitution de partie civile rétroagit au jour du dépôt initial, si bien que la réitération datée du 13 juillet 1989 est sans emport au regard de la recevabilité de la constitution de partie civile, la seule date à prendre en considération quant à ce étant le 28 mars 1989 ;
" alors que, de troisième part, à la date de référence, soit le 28 mars 1989, l'ordonnance du juge des référés du 25 mars 1989 n'était pas irrévocable, si bien que l'article incriminé susceptible de caractériser une infraction prévue à l'article 227 du Code pénal, était bien de nature à causer un dommage au sens de l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale à la partie civile " ;
Attendu, d'une part, que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, c'est à juste titre que la chambre d'accusation a considéré que Enrique X... ne pouvait se prévaloir de la qualité de partie civile que le 15 juillet 1989, jour où il avait renouvelé auprès d'elle la plainte adressée le 28 mars précédent au juge d'instruction de Papeete ;
Qu'en effet si la plainte avec déclaration de constitution de partie civile déposée auprès du juge d'instruction et visant l'une des personnes entrant dans les prévisions des articles 679 et 681 du Code de procédure pénale a comme conséquence de contraindre le procureur de la République à présenter la requête en désignation de juridiction prévue par ces textes et de suspendre le cours de la prescription, elle ne met pas l'action publique en mouvement ;
Attendu, d'autre part, qu'en énonçant que lors de la réitération de la plainte " les commentaires critiqués ne pouvaient plus faire pression sur les témoins et les juges la décision juridictionnelle étant devenue définitive " la chambre d'accusation a justifié sa décision ; qu'il en résulte en effet que la partie civile ne peut établir la preuve d'aucun préjudice puisant directement sa source dans la prétendue infraction dénoncée ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
REJETTE le pourvoi.