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11/07/1990 | FRANCE | N°89-86419

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 1990, 89-86419


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Michel, alias Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 31 octobre 1989 qui, pour escroquerie et publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que Michel X..., gérant de portefeuille, exerçant sous l'enseigne Finance Conseils, a adressé à ses clients une plaquette reproduisant un article paru, en page 12, dans la revue Investir et vantant les mérites de la gest

ion conditionnelle, dénommée stellage ; qu'à cette occasion, il a réalisé un ...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Michel, alias Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 31 octobre 1989 qui, pour escroquerie et publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que Michel X..., gérant de portefeuille, exerçant sous l'enseigne Finance Conseils, a adressé à ses clients une plaquette reproduisant un article paru, en page 12, dans la revue Investir et vantant les mérites de la gestion conditionnelle, dénommée stellage ; qu'à cette occasion, il a réalisé un montage destiné à présenter ce texte comme ayant occupé la première page de couverture de cette revue et a ajouté, en encadré, la mention : " Les meilleurs placements " ; que Catherine Z..., épouse A..., a donné à ce dernier mandat de gérer son compte de valeurs mobilières, ouvert chez un agent de change, alimenté par le versement d'une somme de 1, 5 million de francs ; qu'à la suite d'une perte de 600 000 francs en quelques mois, celle-ci a fait citer directement le gérant devant le tribunal correctionnel des chefs de publicité de nature à induire en erreur et escroquerie ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 405 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable du délit d'escroquerie ;
" aux motifs " qu'en effet, le montage, même si intrinsèquement la substance de l'article constitue d'une certaine façon une définition du stellage, n'en est pas moins la manoeuvre exigée par l'article 405 du Code pénal, pour persuader l'existence d'un crédit imaginaire ou pour faire naître l'espérance d'un succès ", dans la mesure où la répétition incessante d'opérations de stellage perdantes aboutit, en multipliant " le risque maximal encouru " que l'article annonçait, à des pertes impressionnantes mais qui constituaient pour le prévenu une source de gains puisque la charge Wargny lui consentait une remise sur les commissions de courtage qu'elle percevait sur les opérations litigieuses ; que l'élément intentionnel apparaît dans la mesure où le prévenu se garde bien d'avertir ses lecteurs du risque spéculatif existant et de la possibilité d'accroissement de ce risque par la multiplication des opérations, puisque ce n'est qu'au mois d'août 1987 qu'il tentait de faire signer par la dame A... un document dans lequel elle reconnaissait " le caractère spéculatif et à effet de levier dans les deux sens de ce type d'opération " ; que dans la publicité remise à la partie civile par le prévenu, ce dernier assure aux clients de Finance Conseils que dans le cadre du mandat de gestion, le portefeuille du client sera géré de manière individuelle et personnalisée alors que, dans sa déclaration à la police le 14 novembre 1988, il explique passer un ordre global pour répartir ensuite ces opérations entre ses différents clients ; que cet élément est encore conforté par le témoignage de Lucien B..., victime lui aussi de Michel X..., duquel il résulte que cette personne atteste avoir reçu du prévenu une publicité parue dans Investir annonçant " Gagnez de l'argent en bourse à la baisse et à la hausse " sans aucune réserve " (cf. arrêt p. 5) ;
" 1° alors que le délit d'escroquerie suppose l'existence de manoeuvres frauduleuses pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un événement chimérique, dans le but de se faire remettre une chose ; que la publication d'une plaquette intitulée " les meilleurs placements " et portant sur l'opération du stellage, opération par nature spéculative, ne saurait constituer une manoeuvre frauduleuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que les manoeuvres frauduleuses constitutives du délit d'escroquerie doivent être des actes positifs et ne peuvent résulter du silence du prévenu sur un fait ; qu'en qualifiant d'escroquerie les faits incriminés au motif que le prévenu s'est gardé d'avertir ses lecteurs du risque spéculatif existant et de la possibilité d'accroissement de ce risque par la multiplication des opérations, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
" 3° alors que le fait de passer un ordre global pour répartir ensuite ces opérations entre différents clients n'est pas contraire à une gestion individuelle et personnalisée de portefeuille, le mandataire répartissant les opérations suivant les intérêts personnels de chaque client ; qu'en retenant ce motif totalement inopérant, pour caractériser l'escroquerie, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés ;
" 4° alors qu'en tout état de cause le délit d'escroquerie suppose que l'emploi de manoeuvres frauduleuses ait été déterminant de la remise des fonds ; que pour infirmer le jugement ayant écarté l'escroquerie au motif qu'un résultat identique aurait été obtenu, si le prévenu s'était borné à adresser à Mme A...l'exemplaire du n° 613 de la revue Investir dans lequel figurait l'article signé M. X... contenant une description trompeuse de la gestion conditionnelle par stellage, la cour d'appel devait constater le caractère déterminant du montage de la plaquette utilisée par X... à l'occasion d'une remise de fonds, meubles, obligations ou autres effets ; qu'en s'abstenant de telles constatations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le juge correctionnel ne peut prononcer une peine pour un fait qu'il qualifie délit qu'autant qu'il constate l'existence de toutes les circonstances exigées par la loi pour que ce fait soit punissable ;
Attendu en outre que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'escroquerie et infirmer la décision du Tribunal qui l'avait relaxé de ce chef, la cour d'appel énonce que le montage pratiqué, même si la substance de l'article peut constituer une définition du stellage, n'en est pas moins la manoeuvre exigée par l'article 405 du Code pénal, pour faire naître l'espérance d'un succès " dans la mesure où la répétition incessante d'opérations de stellage perdantes aboutit-en multipliant le risque maximal encouru que l'article annonçait-à des pertes impressionnantes mais qui constituaient pour le prévenu une source de gains " puisque l'agent de change lui consentait une remise sur les commissions de courtage qu'il percevait sur les opérations litigieuses ; que les juges ajoutent que l'élément intentionnel est établi dans la mesure où l'intéressé s'est bien gardé d'avertir ses lecteurs des risques spéculatifs existants ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que, pour que soit caractérisé le délit d'escroquerie, les manoeuvres tendant à persuader l'espérance d'un succès doivent être frauduleuses et déterminantes de la remise d'une chose ou de sommes escroquées, la cour d'appel, qui n'a pas précisé en quoi le montage effectué par le prévenu avait été déterminant ni en quoi avait consisté la remise prévue par l'article 405 du Code pénal, a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 31 octobre 1989 en toutes ses dispositions,
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-86419
Date de la décision : 11/07/1990
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Caractère déterminant - Constatations nécessaires

Ne justifie pas sa décision au regard de l'article 405 du Code pénal la cour d'appel qui retient le délit d'escroquerie à l'encontre d'un prévenu, sans préciser en quoi les manoeuvres décrites sont frauduleuses et déterminantes de la remise d'une chose, ni en quoi a consisté cette remise (1).


Références :

Code pénal 405

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 octobre 1989

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1988-11-08 , Bulletin criminel 1988, n° 381, p. 1007 (cassation partielle), et les arrêt cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 1990, pourvoi n°89-86419, Bull. crim. criminel 1990 N° 284 p. 716
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 284 p. 716

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Ract-Madoux
Avocat(s) : Avocat :M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.86419
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