CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... François, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, en date du 6 novembre 1987, qui, sur renvoi après annulation dans la procédure suivie contre Radoine Y... du chef de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du mémoire en demande :
Attendu que ce mémoire est irrecevable en tant qu'il est présenté au nom de Françoise Z..., épouse X..., qui ne s'est pas pourvue ;
Sur le deuxième moyen de cassation en ce qu'il est proposé pour François X... et pris de la violation des articles 1 et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... responsable seulement pour moitié des conséquences dommageables de l'accident survenu le 2 juillet 1983 ;
" aux motifs que le véhicule conduit par Y..., seul véhicule impliqué dans l'accident, était immatriculé en Suisse ; que la victime, M. X..., ressortissant suisse, est également domicilié en Suisse et que la loi fédérale suisse est par conséquent applicable en vertu de l'article 4 de la convention de La Haye du 4 mai 1971 ; qu'ainsi, en application de l'article 59 de ladite loi, la faute commise par M. X..., qui a concouru à la réalisation du dommage, doit entraîner une minoration de son indemnisation ;
" alors que l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, en vertu duquel les victimes d'accident de la circulation, hormis les conducteurs, sont intégralement indemnisés des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident, est d'ordre public international et doit par conséquent se substituer à la loi étrangère éventuellement compétente ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors refuser de l'appliquer à M. X..., victime d'un accident de la circulation sur le territoire français " ;
Attendu que, si elle n'est pas conforme aux règles internes impératives relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, la disposition de la loi fédérale suisse selon laquelle le juge tient compte de la faute de la victime, même non conductrice d'un véhicule terrestre à moteur, pour fixer l'indemnité qui lui est due, ne saurait en revanche être considérée comme contraire à l'ordre public, au sens du droit international privé, et de nature en conséquence à faire écarter la loi étrangère désignée par la règle de conflit ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 510 et 591 du Code de procédure pénale, L. 131-4 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a été rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence composée de M. Thomas, siégeant en qualité de président, et de MM. Giacomino et Ellul, conseillers ;
" alors, d'une part, que M. Ellul, conseiller, était précédemment substitut général à la cour d'appel d'Aix-en-Provence et avait, à ce titre, pris part à la précédente décision rendue par cette même cour d'appel, décision qui fut annulée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation concernant les intérêts civils ; que le conseiller Ellul ne pouvait, dans ces conditions, faire partie de la composition de la Cour de renvoi et participer une nouvelle fois au jugement sur les intérêts civils ;
" alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue " par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale " ; qu'en l'espèce, M. Ellul, conseiller, ayant déjà eu à connaître de l'affaire lors du précédent arrêt annulé par la Cour de Cassation, la cour d'appel de renvoi ne présentait pas les garanties objectives d'impartialité et d'indépendance requises par l'article 6 susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; qu'il en résulte que ne peut participer au jugement d'une affaire un magistrat qui en a connu en qualité de représentant du ministère public ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Ellul, substitut du procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui représentait le ministère public à l'audience où la cause avait été débattue une première fois, a ensuite été nommé conseiller à la même cour d'appel et a participé au jugement de l'affaire après annulation de la première décision et renvoi de la cause devant la même juridiction autrement composée ;
Mais attendu qu'en cet état la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 6 novembre 1987 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.