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27/02/1990 | FRANCE | N°89-86692

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 février 1990, 89-86692


REJET du pourvoi formé par :
- X... Paul,
inculpé d'assassinats, tentatives d'assassinat, arrestations illégales et séquestrations de personnes, crimes contre l'humanité,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 19 octobre 1989 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de l'accord de Londres du 8 août 1945, de la loi du 26 décembre 1964, du principe de la

légalité des peines et des délits :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'i...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Paul,
inculpé d'assassinats, tentatives d'assassinat, arrestations illégales et séquestrations de personnes, crimes contre l'humanité,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 19 octobre 1989 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de l'accord de Londres du 8 août 1945, de la loi du 26 décembre 1964, du principe de la légalité des peines et des délits :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'infirmer une ordonnance d'un juge d'instruction refusant d'accorder à un inculpé le bénéfice de la liberté provisoire ;
" au motif que, pour que l'appellation de crimes contre l'humanité soit justifiée, il suffirait que les faits dénoncés entrent dans le cadre et l'énumération de l'analyse énoncée à l'article 6 des accords de Londres, ce que seule l'instruction pouvait établir ;
" alors que, dans ses conclusions soumises à la chambre d'accusation, l'inculpé avait fait valoir que les faits qui lui étaient reprochés ne pouvaient entrer dans la qualification des faits définis comme crimes contre l'humanité, de sorte qu'en s'abstenant de préciser les faits reprochés au demandeur et de rechercher s'ils étaient ou non susceptibles d'être qualifiés de crimes contre l'humanité, les juges du fait ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs " ;
Attendu que l'arrêt attaqué expose les faits dénoncés par les plaintes portées par les parties civiles contre Paul X... dont il résulte que celui-ci, en sa qualité de dirigeant de la milice à Lyon, aurait, en 1944, participé à des arrestations soit de personnes d'origine juive, soit d'otages, soit de résistants qui auraient été exécutés ou déportés dans des camps de concentration ;
Que les juges observent que l'objet de l'information est de rechercher, d'une part, si l'inculpé a commis les faits qui lui sont reprochés, lesquels constitueraient, à les supposer établis, les crimes d'assassinats, tentatives d'assassinat, arrestations illégales et séquestrations de personnes, et d'autre part, s'ils ont été commis dans des circonstances et pour des motifs tels que ces infractions criminelles méritent la qualification de crimes contre l'humanité définis par l'article 6 du statut du Tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 ;
Attendu qu'en cet état l'arrêt attaqué qui, contrairement à ce qui est soutenu, a analysé les faits imputés à Paul X... et relevé qu'il ressortait du dossier des indices et présomptions justifiant les inculpations notifiées, n'encourt pas les griefs formulés ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 4 du Code pénal, de l'article 6 c du statut du Tribunal international de Nuremberg par l'accord de Londres du 8 août 1945, de la loi du 26 décembre 1964, de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mainlevée des mandats de dépôt délivrés contre le demandeur ainsi que sa demande de mise en liberté fondées sur l'illégalité des poursuites consécutives à son inculpation de crimes contre l'humanité, perpétrés en 1944, antérieurement à l'accord de Londres du 8 août 1945, qui les définit et en constitue l'incrimination ;
" aux motifs que ledit accord de Londres se rapporte à l'évidence, par sa motivation expresse et par nombre de ses dispositions, à des faits concomitants, voire antérieurs, à la Seconde Guerre mondiale, qu'en outre, l'invocation du principe de non-rétroactivité en matière de procédure ou de prescription pour des crimes contre l'humanité est inadéquate, le principe ne couvrant pas un tel domaine, et qu'au surplus la finalité de la loi française est compatible avec les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
" alors, d'une part, qu'en faisant application de l'accord de Londres du 8 août 1945 qui, introduit dans le droit interne par la loi du 26 décembre 1964, constitue la première pierre demeurée la seule sur le plan du droit positif de l'incrimination de crimes contre l'humanité de laquelle se dégage seulement le principe de leur imprescriptibilité à des faits survenus antérieurement au 3 octobre 1945, date de sa promulgation en France, l'arrêt attaqué a violé l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui, repris par la Constitution du 4 octobre 1958, prime toute autre loi ou traité international, et a violé également l'article 4 du Code pénal, lesquels prohibent la rétroactivité de la loi pénale ;
" et alors, d'autre part, que les éléments constitutifs des crimes contre l'humanité qui en font des infractions dans le droit interne étant précisés pour la première fois par l'accord de Londres précité, celui-ci, faisant corps avec la loi du 26 décembre 1964, présente les caractères d'une loi pénale d'incrimination, donc de fond et non de procédure ;
" et alors que, enfin, serait-elle conforme aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la loi française ne saurait recevoir une application rétroactive non conforme aux normes constitutionnelles " ;
Attendu que le moyen tend en réalité à mettre en cause la conformité, aux textes constitutionnels, de l'accord de Londres du 8 août 1945 et de son annexe définissant les crimes contre l'humanité ainsi que de la loi du 26 décembre 1964 qui a constaté l'imprescriptibilité de ces crimes en se référant audit Accord et à la résolution des Nations-Unies du 13 février 1946 ;
Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution les traités internationaux régulièrement intégrés à l'ordre juridique interne, comme tel en est le cas, ont une autorité supérieure à la loi ;
Attendu, d'autre part, qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer sur la constitutionnalité des traités non plus que de la loi ;
Que dès lors le moyen n'est pas recevable ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 146 du nouveau Code de procédure pénale, 5 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé la demande de mise en liberté provisoire formulée par le demandeur ;
" au motif qu'il avait fait l'objet d'une mesure de grâce par décret du 21 novembre 1971 et que les poursuites actuelles visaient des fins distinctes des poursuites antérieures, de sorte qu'une nouvelle condamnation pouvait être éventuellement prononcée et que cette situation justifiait le maintien en détention ;
" alors qu'en statuant ainsi l'arrêt attaqué a violé l'article 5 du Code pénal auquel, en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte est seule prononcée, et qu'en cas de poursuites ultérieures pour d'autres faits antérieurs il y a lieu à application de la confusion des peines, de sorte qu'à supposer même que le demandeur soit condamné à nouveau, il n'aurait pas à subir la peine prononcée contre lui " ;
Attendu que le demandeur ne saurait reprocher à l'arrêt attaqué de ne pas avoir fait application de l'article 5 du Code pénal ;
Qu'en effet la règle posée par ce texte n'intervient, s'il y a lieu, qu'après condamnation et est étrangère aux juridictions d'instruction ;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que le rejet de la demande de mise en liberté de X... a été ordonné dans les conditions prévues par les articles 144, 145 et 148 du Code de procédure pénale ;
Que cet arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 89-86692
Date de la décision : 27/02/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Principes généraux - Constitutionnalité des conventions - Compétence judiciaire (non).

1° LOIS ET REGLEMENTS - Loi - Constitutionnalité - Appréciation par les tribunaux judiciaires (non) 1° CRIME CONTRE L'HUMANITE - Textes applicables - Accord de Londres du 8 août 1945 - Loi du 26 décembre 1964 - Constitutionnalité - Appréciation par les tribunaux judiciaires (non).

1° Les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour se prononcer sur la constitutionnalité des traités internationaux ou de la loi

2° PEINES - Non-cumul - Poursuites séparées - Confusion - Question étrangère aux juridictions d'instruction.

2° Un inculpé ne saurait invoquer devant les juridictions d'instruction la confusion des peines dont il estime devoir bénéficier en cas de condamnation


Références :

Code pénal 5
Loi 64-1326 du 26 décembre 1964

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 19 octobre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 fév. 1990, pourvoi n°89-86692, Bull. crim. criminel 1990 N° 96 p. 251
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1990 N° 96 p. 251

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocats :M. Henry, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.86692
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