CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM), partie intervenante,
- X... Laurent,
- la compagnie d'assurances La Préservatrice foncière, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 8 novembre 1988 qui, dans la procédure suivie contre Laurent X... du chef de blessures involontaires, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen de cassation de Laurent X... et de la compagnie La Préservatrice foncière : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines, pris de la violation des articles 44 de la loi du 5 juillet 1985, 131 du décret du 27 novembre 1946, 509 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la conversion au profit de Y... de la totalité des arrérages à échoir au 1er septembre 1988 de la rente d'invalidité servie par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des Mines, en un capital qui sera calculé par ladite Caisse suivant la table de conversion en vigueur au jour du présent arrêt ;
" aux motifs que " en ce ce qui concerne les arrérages à échoir au 1er septembre 1988 et dont le capital constitutif s'élève à la somme de 673 163, 97 francs, l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 dont Y... sollicite le bénéfice, stipule que " le crédirentier peut, lorsque sa situation personnelle le justifie ", demander qu'ils soient " remplacés en tout ou partie par un capital, suivant une table de conversion fixée par décret ". Tel est effectivement le cas de la situation de Y..., en raison notamment de ses charges de famille et de ce qu'il est définitivement inapte à exercer sa profession du fait de l'accident. Il convient par conséquent, réformant et faisant droit à sa demande sur ce point, d'ordonner la conversion de la totalité des arrérages à échoir, en un capital qui sera calculé par le débirentier selon le barème en vigueur, et de condamner le prévenu à en rembourser le montant à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des Mines " (arrêt p. 8 paragraphe 4 à 6) ;
" 1°) alors que, d'une part, suivant l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985, la conversion en capital de la rente n'est possible que si cette dernière est attribuée soit conventionnellement, soit judiciairement ; que tel n'est pas le cas de la rente servie en l'espèce par la Caisse autonome de sécurité sociale des Mines en vertu de l'article 131 du décret du 27 novembre 1946 ; qu'en ordonnant dès lors la conversion en capital d'une rente qui trouve sa source dans un règlement n'ouvrant au juge aucun pouvoir d'aménagement ou de conversion, la Cour a violé les textes précités ;
" 2°) alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait décider la conversion de la rente en capital suivant le barème prévu par l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 qui est sans application aux pensions allouées par un organisme de sécurité sociale et singulièrement aux pensions servies, suivant un régime réglementaire spécifique, par la Caisse autonome de sécurité sociale des Mines ; que ce faisant, la Cour a violé par fausse application l'article 44 précité ;
" 3°) alors, très subsidiairement, que l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 réglemente la conversion en capital d'une rente antérieurement allouée ; qu'en appliquant ce texte à la fixation initiale de la réparation due à la victime, la cour d'appel a encore violé les textes susvisés " ;
Sur le second moyen de cassation de Laurent X... et de la compagnie La Préservatrice foncière, pris de la violation des articles 44 de la loi du 5 juillet 1985, 509 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir ordonné la conversion en capital au profit de la victime de la rente d'invalidité servie par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des Mines, suivant la table de conversion en vigueur au jour de l'arrêt, a condamné X... à verser à la Caisse le montant dudit capital ainsi déterminé ;
" aux motifs que " en ce qui concerne les arrérages à échoir au 1er septembre 1988 et dont le capital constitutif s'élève à la somme de 673 136, 97 francs, l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 dont Y... sollicite l'application, stipule que " le crédirentier peut, lorsque sa situation personnelle le justifie ", demander qu'ils soient " remplacés en tout ou partie par un capital, suivant une table de conversion fixée par décret " ; " tel est effectivement le cas de la situation de Y... " ; (..) " il convient par conséquent d'ordonner la conversion de la totalité des arrérages à échoir en un capital qui sera calculé par le débirentier selon le barème en vigueur, et de condamner le prévenu à en rembourser le montant à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des Mines " ;
" alors, d'une part, que l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 réglemente la conversion en capital d'une rente allouée conventionnellement ou judiciairement ; qu'en appliquant ce texte à la conversion d'une rente servie par une caisse de sécurité sociale en vertu de ses obligations légales, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, que l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 réglemente la conversion en capital d'une rente antérieurement allouée (conventionnellement ou judiciaire) ; qu'en appliquant ce texte, et le barème de conversion auquel il renvoie, à la fixation initiale de la forme de la réparation due à Y..., la cour d'appel a violé par fausse application les textes susvisés ;
" alors enfin que la Caisse autonome nationale de sécurité sociale des Mines, d'ailleurs non appelante, réclamait le remboursement du capital constitutif de la rente servie à la victime, capital fixé par ses soins à la somme de 673 136, 97 francs ; qu'en condamnant le prévenu à payer à cet organisme un capital de montant inconnu à déterminer suivant le décret pris en application de l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a méconnu les limites des conclusions dont elle était saisie " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985 que seules les rentes allouées par contrat ou par décision de justice peuvent être remplacées, à la demande du crédirentier et si la situation personnelle de ce dernier le justifie, par un capital ;
Attendu que, victime d'un accident imputable à Laurent X..., Claude Y..., ouvrier mineur, s'est vu allouer par la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM) une pension d'invalidité par application de l'article 131 du décret du 27 novembre 1946 ; que, sur les poursuites engagées contre Laurent X... du chef de blessures involontaires, il s'est constitué partie civile et a demandé au prévenu et à la compagnie La Préservatrice foncière, assureur de ce dernier, la réparation de son préjudice ; que la CANSSM est intervenue et a sollicité le remboursement des arrérages échus et à échoir de la pension servie par elle à la victime ;
Attendu que, le Tribunal ayant accordé à Claude Y... une indemnité complémentaire en capital, l'intéressé a demandé à la juridiction du second degré de dire que, par application de l'article 44 de la loi du 5 juillet 1985, les arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie par la CANSSM seraient remplacés par un capital, et de condamner le prévenu et son assureur à rembourser ledit capital à cet organisme ; que les juges d'appel ont accueilli cette prétention ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi alors que la pension litigieuse, allouée non par contrat ou par décision de justice mais en vertu d'une disposition réglementaire, n'entrait pas dans les prévisions de l'article 44 susvisé, la cour d'appel a fait de ce texte une fausse application ; qu'il s'ensuit que la cassation est encourue ;
Et attendu que, les juges du fond devant évaluer à la date où ils statuent tant le préjudice résultant de l'infraction que la mesure dans laquelle ledit préjudice est réparé par les prestations sociales, la cassation doit s'étendre à toutes les dispositions de l'arrêt à l'exclusion de celles qui concernent la réparation du dommage de caractère personnel ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 8 novembre 1988, sauf en ses dispositions afférentes à la réparation du préjudice de caractère personnel, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.