CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... René,
- la Caisse mutuelle de réassurance agricole du Finistère et des Côtes-du-Nord,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 16 septembre 1988, qui, dans la procédure suivie contre Patrick Y... du chef de coups ou violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de 8 jours, s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 309 du Code pénal, de l'article 1382 du Code civil, des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, des articles 485, 512 et 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué dit que la responsabilité des faits dommageables incombe dans la proportion d'un quart à la victime ;
" aux motifs que la victime, non seulement avait hébergé la femme du prévenu un certain temps mais téléphonait à plusieurs reprises à cette dame pour l'inciter à quitter l'établissement hospitalier où elle se trouvait ; que ce rôle fait apparaître que la responsabilité des faits incombe dans la proportion d'un quart à la victime ;
" alors, d'une part, que l'auteur d'une infraction à la loi pénale est tenu d'en réparer intégralement les conséquences et que les juges du fond ne peuvent statuer sur les réparations civiles que dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le prévenu, non comparant ni représenté, n'a pas conclu et n'a donc pas imputé à la victime, sur l'action civile, la faute retenue par l'arrêt attaqué ; que, par suite, en retenant d'office une telle faute, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'en l'absence d'excuse de provocation au sens de l'article 321 du Code pénal, la faute de la victime susceptible de justifier un partage de responsabilité doit être en relation de causalité directe et nécessaire avec le dommage ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les faits imputés à faute à la victime constituaient le mobile de l'infraction de coups et blessures volontaires, mais ne pouvaient en être considérés comme la cause directe ; que, par suite, la cour d'appel a derechef violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges du fond ne peuvent statuer au point de vue des réparations civiles que dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Patrick Y... s'est rendu au domicile de René X... et l'a frappé à coups de poing et à coups de pied ; que René X... a présenté un traumatisme thoracique et un traumatisme crânio-facial puis, 2 mois plus tard, un hématome sous-dural qui a rendu nécessaire une intervention chirurgicale ; que Patrick Y... a été poursuivi pour coups ou violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel pendant plus de 8 jours ;
Attendu que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas établi que l'hématome sous-dural fût la conséquence des coups portés par Patrick Y... mais ont déclaré ce dernier pour le surplus entièrement responsable des conséquences des blessures subies par René X... ; que les juges d'appel ont retenu que l'hématome sous-dural était bien la conséquence des coups portés et ont estimé qu'en raison de son comportement, René X... devait supporter une part de responsabilité qu'ils ont fixée à un quart ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt ou du jugement ni d'aucunes conclusions que Patrick Y..., qui n'a pas comparu devant la cour d'appel, ait demandé devant le Tribunal qu'un tel partage fût retenu et que, dès lors, en imputant à la victime sur l'action civile une faute que le prévenu ne lui reprochait pas, la cour d'appel a statué au-delà des conclusions dont elle était saisie ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions civiles, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 16 septembre 1988, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.