Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 23 avril 1985) d'avoir été rendu par une cour d'appel irrégulièrement composée ;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la cause a été débattue à l'audience publique tenue par la cour d'Amiens le 8 janvier 1985 où étaient présents et siégeaient M. Acloque, président, Mlle Mougeot et M. Chapuis de Montaunet, conseillers ; que la cour composée comme ci-dessus en a délibéré conformément à la loi et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 23 avril 1985 pour prononcer arrêt ; qu'à l'audience du 23 avril 1985, la cour d'appel était composée de M. Acloque, président, MM. Chapuis de Montaunet et Gillet, conseillers ; que, dès lors qu'il résulte de ces mentions que les magistrats qui ont assisté aux débats en ont délibéré et que l'arrêt a été prononcé par les mêmes magistrats à l'exception d'un seul qui a été remplacé, il doit être présumé que cet arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 452 du nouveau Code de procédure civile par l'un des juges qui l'a rendu ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt, qu'une grève a été déclenchée le 23 juin 1980 par des salariés de la société Norinco pour protester contre une sanction prise contre un ouvrier ; que ce mouvement au cours duquel certains grévistes se sont livrés à diverses voies de fait entravant la liberté du travail, a duré jusqu'au 1er juillet 1980 ; que la société Norinco a fait assigner, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, certains salariés grévistes en paiement de dommages-intérêts pour perte de bénéfices et de clientèle ; qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à cette demande, alors, d'une part, que ne peut être considérée comme fautive la participation des salariés de l'entreprise à un mouvement revendicatif collectif qui, ayant pour objet de protester contre une mesure individuelle arbitraire décidée par l'employeur à l'égard d'un salarié et de demander à celui-ci de lever la sanction, avait un caractère strictement professionnel et était l'expression du droit de grève reconnu aux salariés ; qu'en se bornant à constater que le mouvement de grève se rattachait à la mise à pied infligée à un salarié pour en déduire qu'il était illicite, l'arrêt attaqué a violé l'article 521-1 du Code du travail, alors, d'autre part, que la responsabilité civile d'un salarié gréviste ne peut être engagée par l'employeur aux fins de réparer le préjudice économique subi par l'entreprise du fait d'une grève que s'il démontre que ce préjudice est distinct de celui que tout mouvement de grève provoque ; qu'en se bornant à constater que tout arrêt de production entraîne un préjudice économique pour l'entreprise, l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté ce lien de causalité direct entre la faute reprochée et ce préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les juges du fond ont relevé que l'arrêt de travail était destiné à soutenir un ouvrier mis à pied pour trois jours après projection d'un jet de peinture au pistolet sur un agent de maîtrise ; que dès lors qu'il n'était pas contesté que la sanction n'impliquait rien d'autre qu'une faute personnelle du salarié sanctionné, ils en ont justement déduit que ce mouvement, qui ne se rattachait en rien à des revendications professionnelles, était fautif et obligeait ceux qui y avaient participé à réparer les conséquences dommageables pour l'entreprise de l'arrêt de production ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi