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21/03/1989 | FRANCE | N°88-82069

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 1989, 88-82069


CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Besançon,
- le syndicat CGT des cycles Peugeot, partie civile,
contre l'arrêt de ladite Cour, chambre correctionnelle, en date du 25 février 1988, qui, dans la procédure suivie contre Daniel X... pour délit de blessures involontaires et pour infraction au Code du travail, a relaxé le prévenu et débouté la partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation propo

sé par le procureur général et pris de la violation de l'article R. 233-4 du Code du...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- le procureur général près la cour d'appel de Besançon,
- le syndicat CGT des cycles Peugeot, partie civile,
contre l'arrêt de ladite Cour, chambre correctionnelle, en date du 25 février 1988, qui, dans la procédure suivie contre Daniel X... pour délit de blessures involontaires et pour infraction au Code du travail, a relaxé le prévenu et débouté la partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation de l'article R. 233-4 du Code du travail, insuffisance de motifs, manque de base légale :
Sur le moyen unique de cassation proposé par le syndicat CGT des cycles Peugeot et pris de la violation des articles L. 231-2, L. 233-1, L. 263-2, R. 233-4 du Code du travail et 320 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite fondée sur une contravention aux mesures générales de protection et de salubrité, notamment en ce qui concerne les presses à mouvement alternatif mues mécaniquement et utilisées à des travaux mécaniques, et la commission involontaire à un salarié de blessures entraînant pour celui-ci une incapacité de travail supérieure à 3 mois et, à cet égard, a déclaré mal fondée l'action civile du syndicat demandeur ;
" aux motifs que, d'une part, il résulte de l'information et des débats que le rôle de la victime consistait exclusivement à mettre la presse en mouvement, à l'alimenter et à en surveiller le fonctionnement ; qu'elle avait reconnu qu'il n'entrait pas dans ses attributions d'intervenir sur la machine en cas de panne mais qu'elle devait, pour ce faire, s'adresser au régleur ; qu'elle ne conteste pas avoir enfreint, en toute connaissance de cause, les consignes lui interdisant de procéder elle-même au dépannage ; qu'il est constant qu'au moment de l'accident, elle ne se trouvait pas en train d'effectuer son travail mais s'était substituée indûment et sans avoir les compétences requises au régleur dont elle aurait dû solliciter l'intervention ; qu'il est, par ailleurs, établi avec certitude que la presse litigieuse bénéficiait d'un système de protection qui empêchait, contrairement à l'affirmation erronée des premiers juges, la victime, même volontairement s'il s'était trouvé normalement à son poste de travail, d'atteindre les organes en mouvement ; que pour qu'elle puisse se blesser, il avait, en effet, fallu qu'elle enfreigne les consignes de sécurité, enlève le système de protection, ce qui ne peut, à l'évidence, être compris dans son activité normale ;
" alors qu'en exigeant du salarié qu'il se trouve normalement à son poste et en écartant du champ d'application des dispositions de l'article R. 233-4 du Code du travail son action volontaire, la cour d'appel a ajouté à ces dispositions, ainsi violées, une restriction qu'elles ne comportent pas ;
" aux motifs que, d'autre part, les parties civiles estiment néanmoins, à l'instar de l'inspecteur du Travail, que le prévenu a commis une faute dès lors que la presse litigieuse aurait dû être munie d'un système d'asservissement électrique empêchant la victime d'enlever le système de protection existant ; que la Cour estime que l'article R. 233-4 du Code du travail n'impose pas un tel système à l'employeur ; que le législateur prescrit seulement à l'employeur de munir la machine d'un système de protection empêchant le salarié se trouvant normalement à son travail de pouvoir, dans le cadre des opérations qu'il est amené à effectuer, atteindre les organes de travail en mouvement ; que le terme volontairement signifie qu'il doit être impossible d'atteindre lesdits organes ; que, toutefois, ce terme ne doit pas être coupé du restant de la phrase qui implique que cette impossibilité s'applique à l'opérateur se trouvant normalement à son poste de travail et dans l'exercice de son travail ; que le système d'asservissement est un système de protection utilisé depuis peu et sur des machines récentes ; qu'il ne s'imposait pas en l'espèce dans la mesure où il était établi que la presse litigieuse a été mise en service en 1961 et que c'est le premier accident survenu sur ce matériel, lequel était vérifié régulièrement et toujours reconnu en parfait état de marche ;
" alors qu'il appartient, aux termes de l'article L. 233-1 du Code du travail, à l'employeur de tenir les machines dans les meilleures conditions possibles de sécurité ; qu'en l'espèce, en affirmant que le système d'asservissement électrique, système rendant impossible la commande électrique par pédale, système connu dans l'entreprise selon les constatations faites par l'inspecteur du Travail, ne s'imposait pas à raison de l'ancienneté de la machine et de son bon état de marche, la cour d'appel a, de plus fort (sic), violé les textes applicables ;
" aux motifs que, de troisième part, la seule critique développée par les parties civiles et par l'inspecteur du Travail est relative à la pédale de commande, sur laquelle il manquait une vis au niveau de la coquille de protection ; que le chef d'équipe qui l'avait branchée n'avait rien remarqué d'anormal mais reconnaissait avoir dû procéder, après l'accident, à la mise en place d'une seconde vis qui, effectivement, manquait ; qu'aucune réclamation n'avait jamais été formulée auprès du prévenu tant par le chef d'équipe que par la victime et la commission de sécurité qui vérifiait pourtant les matériels ; qu'on ne pouvait donc, sur ce point, reprocher au prévenu la moindre négligence en supposant que l'absence de vis ait eu un lien de causalité avec l'accident, ce qui n'est pas le cas ;
" alors que l'état défectueux d'un organe de sécurité relève de la responsabilité de l'employeur ou de son délégataire ;
" et alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'état défectueux de la pédale était sans lien de causalité avec l'accident, sans répondre aux conclusions fondées sur les constatations faites par l'inspecteur du Travail au cours de son enquête, selon lesquelles le coulisseau s'était déclenché à raison du fait que la victime avait heurté malencontreusement la pédale de commande, ce qui n'était rendu possible que par le défaut de protection résultant de l'absence de vis au niveau de la coquille de protection ; qu'en effet, le défaut de l'axe de fixation arrière de la coquille de protection permettait un accès latéral accru et cette mise en route volontaire ; que cette circonstance avait d'ailleurs été déclarée établie par les premiers juges ;
" aux motifs que, de quatrième part, on ne peut davantage reprocher à M. X... une faute dans l'organisation du travail au motif qu'il n'y aurait eu qu'un chef d'équipe l'après-midi de l'accident, la victime ayant reconnu ne s'être pas adressée à lui, le voyant occupé ; qu'elle avait préféré effectuer le réglage de sa machine elle-même ;
" alors qu'il résulte du procès-verbal de l'inspecteur du Travail et des pièces du dossier que la victime ignorait de quel chef d'équipe elle dépendait ce jour-là et que M. Y..., seul chef d'équipe en poste, était affecté à l'atelier P 1, sans aucune fonction dans l'atelier P 2 où se trouvait la victime, même si sa bonne volonté était susceptible d'être sollicitée, celui-ci ayant lui-même déclaré à l'inspecteur du Travail n'avoir aucune fonction à l'atelier P 2, ce que le prévenu lui-même n'avait pu contester ; que la cour d'appel, qui s'est refusée à examiner ces circonstances relatives à l'organisation du travail, n'a pas, de ce chef, légalement justifié sa décision ;
" aux motifs que, de cinquième part, la Cour estime que l'accident est dû à la faute exclusive de la victime qui connaissait parfaitement le travail sur presse, était employée à l'atelier des pressions depuis 3 ans au moins et consacrait 80 % de son temps de travail sur la presse Grimard de 130 tonnes où elle avait eu l'accident ; qu'elle connaissait aussi parfaitement les consignes de sécurité qui interdisent aux opérateurs d'enlever ou neutraliser les systèmes individuels et collectifs destinés à assurer leur protection ; qu'elle s'est blessée en violation des consignes de sécurité qu'elle connaissait et n'avait pas hésité, sans raison, à enlever les grilles de protection pour effectuer un réglage qui ne relevait pas de sa compétence et omis, au moment où elle effectuait ce réglage, de couper la presse de l'influx électrique qui la fait se mouvoir ; qu'en définitive, la Cour estime qu'aucune faute ayant un lien de causalité avec l'accident n'avait été commise par le prévenu ;
" alors qu'il n'a pas été, de ce chef, répondu aux conclusions du syndicat demandeur selon lesquelles la presse n'était que rarement utilisée en commande au pied (environ 2 jours par mois) de sorte que la victime pouvait perdre de vue la dangerosité de la presse dans ce type de fonctionnement puisque la commande à deux mains qu'elle pratiquait interdisait tout accident, circonstance relevée par l'inspecteur du Travail et déclarée établie par les premiers juges " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'alinéa 2 de l'article R. 233-4 du Code du travail, en cas de réparation d'un organe mécanique d'une presse à mouvement alternatif mue mécaniquement et utilisée à des travaux automatiques, l'arrêt de la machine doit être assuré dans tous les cas par la suppression de la liaison entre cette dernière et la force qui l'anime ;
Attendu, en outre, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du Travail, base de la poursuite, que Jean-Paul Z..., effectuant des travaux de découpage de tôle sur une presse à mouvement alternatif, a entrepris d'en régler les glissières pour faciliter le passage des tôles ; qu'après avoir enlevé la grille de protection frontale de la machine, il a, en procédant à ce réglage, malencontreusement appuyé sur la pédale commandant le fonctionnement de la presse ; que son avant-bras gauche a été écrasé ;
Attendu que pour relaxer Daniel X..., chef d'établissement, poursuivi pour blessures involontaires et infraction aux dispositions précitées du Code du travail, la juridiction du second degré retient notamment que l'employeur n'était pas légalement tenu d'équiper la presse d'un système dit " d'asservissement électrique " subordonnant le fonctionnement de la machine à la mise en place de la grille de protection ; qu'elle ajoute que cet équipement, " utilisé depuis peu et sur des machines récentes ", s'imposait d'autant moins que la presse litigieuse avait fonctionné longtemps sans accident et, à la suite de vérifications régulières, avait " toujours été reconnue en parfait état de marche " ;
Mais attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, qui, notamment, n'établissent pas l'impossibilité dans laquelle se serait trouvé le prévenu de munir la machine d'un système assurant dans tous les cas l'arrêt de celle-ci par la suppression de la liaison existant entre elle et la force qui l'animait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, en date du 25 février 1988, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-82069
Date de la décision : 21/03/1989
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Machines et appareils dangereux - Presse à mouvement alternatif - Dispositif de sécurité

Selon l'alinéa 2 de l'article R. 233-4 du Code du travail, en cas de réparation d'un organe mécanique d'une presse à mouvement alternatif mue mécaniquement et utilisée à des travaux automatiques, l'arrêt de la machine doit être assuré dans tous les cas par la suppression de la liaison entre cette dernière et la force qui l'anime. Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui, à la suite d'un accident dont a été victime un ouvrier qui, procédant au réglage des glissières d'une presse, a appuyé malencontreusement sur la pédale actionnant le coulisseur, a relaxé le chef d'établissement, prévenu de blessures involontaires et d'infraction à l'article R. 233-4 précité, par des motifs n'établissant pas l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de munir la machine d'un système assurant dans tous les cas l'arrêt de celle-ci par la suppression de la liaison existant entre elle et la force qui l'animait (1).


Références :

Code du travail R233-4 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, (chambre correctionnelle), 25 février 1988

CONFER : (1°). A rapprocher : Chambre criminelle, 1984-01-04 , Bulletin criminel 1984, n° 5, p. 11 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 mar. 1989, pourvoi n°88-82069, Bull. crim. criminel 1989 N° 143 p. 365
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 143 p. 365

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen et Georges, la SCP Desaché et Gatineau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.82069
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