Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'une grève déclenchée au mois de juin 1983 aux établissements Delsey, un certain nombre de grévistes ont bloqué les accès de l'usine à partir du 14 juin ; qu'à la suite des protestations des ouvriers non grévistes le travail a repris le 20 juin, mais le 24 juin une trentaine de salariés ont interdit l'entrée et le passage des camions ; qu'à partir du 30 juin, la société a progressivement fermé les ateliers qui ne pouvaient plus être approvisionnés ; qu'elle n'a pas pu faire exécuter une ordonnance de référé rendue le 1er juillet ordonnant aux salariés grévistes de laisser passer les camions ; que le travail n'a pu reprendre normalement que le 20 juillet ; qu'une partie des salariés non grévistes a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation in solidum de 24 ouvriers grévistes au paiement des salaires perdus au mois de juillet ; que le conseil de prud'hommes a fait droit aux demandes de 143 salariés ; que l'avocat des appelants a versé aux débats des " imprimés " (déclarations) signés par 81 demandeurs et contenant, en cas d'appel des salariés condamnés, renonciation au bénéfice du jugement et à toute action tendant à obtenir la confirmation de ce jugement devant la cour d'appel et a demandé acte de ce qu'il ne restait plus dans la procédure que 61 personnes ;
Atendu que pour condamner Mme G... et 16 autres salariés à réparer in solidum les préjudices subis par MM. et Mmes X... Marie-Line, Y... Béatrice, Y... Pierre, Z... Carole, A...
O... Claudette, B... Pascal, C... Véronique, E... Jean-Paul, F... Madeleine, Sandrine H..., Patrick I..., Anita J..., René J..., Germain Cauvel, Julien K..., Joannie L...
XA..., Denis M..., Marie-Christine N..., Patricia P..., Marianne Q..., Didier R..., Joëlle T..., Josiane S... Laine, Hubert U..., Florence XW..., Philippe V..., Florence XX..., Joan XY..., André XB..., Jacqueline XC..., Marie-Claude XD..., Marie-Thérèse XE..., Janique XI..., Pascal XH..., Andrée XJ...
XG..., Jean-Jacques XK..., Christiane XL..., Jackie XM..., Marie-José XM..., Arnold XN..., Jean-Claude XO..., Nathalie XO..., Agnès XP..., Gisèle Jullien XV..., Francis XQ..., Mireille XR..., Evelyne XS...
XF..., Serge XS..., Guy XT..., Daniel XU..., Jean YW..., Jean-Marie YX..., Marie-Christine YY..., Marianne YZ..., Liliane YA..., Danièle YB..., Catherine YC...
XZ..., Martine YD..., Eugène YE..., Annie YG..., Philippe YH..., Dominique YI..., Georges YJ..., Sylvain YK..., Chantal YL...
YF..., Denis YM..., Joël YN..., Lydia YO..., Serge YP..., Françoise YQ..., Lucienne YR... et Paulette D..., la cour d'appel a considéré comme ayant renoncé à leur action uniquement, d'une part, ceux des demandeurs initiaux qui n'étaient plus représentés par l'avocat concluant pour les intimés ainsi que des salariés qui avaient notifié leur désistement d'action à leur avocat, d'autre part, les personnes qui avaient adressé au président
du conseil de prud'hommes des actes de désistement d'action ;
Attendu qu'en se déterminant par ces seules énonciations, alors que la renonciation à un droit résulte d'une manifestation non équivoque de volonté et qu'en conséquence il n'était pas nécessaire que les déclarations des demandes aient été adressées à leur conseil ou au président du conseil de prud'hommes, la cour d'appel qui, en outre, ne s'est pas expliquée sur la portée des documents versés aux débats, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner les 17 salariés grévistes à réparer le préjudice subi par les salariés non grévistes du fait de l'arrêt de l'activité de l'entreprise, la cour d'appel a retenu qu'il était établi que chacun des 17 salariés demandeurs au pourvoi avait été vu à plusieurs reprises participant, malgré l'ordonnance prise par le juge des référés et l'intervention de l'huissier de justice chargé de l'exécuter, au blocus de l'usine et qu'il résultait des procès-verbaux de constat que du 30 juin jusqu'à la reprise du travail, soit les 19 et 20 juillet, les piquets de grève faisaient obstacle à l'entrée et à la sortie des camions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser les actes de participation personnelle de chacun des salariés demandeurs au pourvoi aux piquets de grève ayant fait obstacle à la circulation des véhicules, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, quatrième et cinquième branches du deuxième moyen et sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 1986, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai