CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- le syndicat CFDT-CLAS du Tarn-et-Garonne, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre des appels correctionnels, en date du 27 novembre 1986, qui, après avoir relaxé Philippe X... de la prévention d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement et à l'exercice du droit syndical, et mis hors de cause la société française des Nouvelles Galeries réunies, a débouté ladite partie civile de ses demandes de réparations.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte des pièces régulièrement produites que X... est décédé le 8 juillet 1988, postérieurement à la déclaration de pourvoi du syndicat CFDT-CLAS du Tarn-et-Garonne ;
Que, malgré ce décès, la Cour de Cassation reste compétente pour statuer sur le pourvoi, qui vise l'action civile ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 412-18, L. 481-2, L. 436-1 et L. 483-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit non établis les délits d'entrave aux fonctions de délégué syndical et membre du comité d'entreprise poursuivis, constitués par la prise d'acte de la rupture du contrat de travail d'un salarié investi d'un tel mandat, et a, de ce chef, déclaré mal fondées les demandes du syndicat exposant ;
" aux motifs que M. Y..., promu dans le magasin des Nouvelles Galeries de Montauban, chef de rayon groupe homme, à compter du 1er octobre 1970, avait signé un avenant à son contrat portant une clause lui faisant obligation de répondre à tout ordre de mutation qui pourrait lui être adressé pour quelque succursale que ce soit d'une société du groupe ; qu'il avait été " élu " (sic) délégué syndical en 1979 puis membre du comité d'entreprise en 1983 ; que le 4 novembre 1983, la direction des Nouvelles Galeries l'avait nommé à Angers ; qu'il n'avait pas rejoint son poste ; que le 2 décembre 1983, le prévenu, sous-directeur du personnel, avait, par courrier recommandé, pris acte de la rupture du contrat pour non-respect d'une clause essentielle du contrat et informé M. Y... que la rupture serait effective à l'issue d'un préavis de 3 mois ; que l'entrée du magasin de Montauban lui avait été refusée le 6 mars 1984 ; que M. Y... avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en annulation de son licenciement, lequel avait ordonné sa réintégration, décision infirmée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse, frappé d'un pourvoi pendant devant la Cour de Cassation ; que le syndicat exposant avait cité le prévenu devant le tribunal correctionnel de Montauban du chef d'entrave à l'exercice des fonctions de membre du comité d'entreprise et de délégué syndical, retenu à son encontre par jugement du 7 février 1986 ; qu'il s'agissait de vérifier si le prévenu avait le droit de prendre acte d'une rupture du contrat de travail imputable au salarié à raison du non-respect de la clause contractuelle de mobilité et de refuser à l'intéressé l'entrée des Nouvelles Galeries ou bien si ses qualités faisaient obligation de recourir à la procédure d'autorisation préalable du licenciement ; que la Cour ne saurait ignorer qu'à l'époque des faits reprochés, un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation paraissait lui reconnaître ce droit ; que les rapports étaient bons entre la direction et M. Y... ; que la mutation était nécessitée par les besoins du service et avait une cause étrangère aux fonctions représentatives ; qu'il n'apparaissait pas que l'on ait cherché à se débarasser d'un employé encombrant ; que, sur le plan civil, à ce jour, la clause contractuelle de mobilité figurant dans le contrat de travail avait été reconnue valable en dépit de l'entrée en vigueur de la Convention collective nationale et des mandats dont avait été investi, par la suite l'intéressé ; que la rupture de son contrat avait été considérée comme une démission ; que le délit d'entrave ne devait donc pas être considéré comme caractérisé ;
" alors que la protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun dont bénéficient les délégués syndicaux et membres de comité d'entreprise exclut que soit poursuivie par d'autres moyens la rupture de leur contrat de travail ;
" que, d'une part, lorsque l'initiative d'une telle rupture incombe à l'employeur, cette décision, constitutive d'un licenciement, ne peut être prise qu'après autorisation de l'autorité administrative, seule à même d'en apprécier les motifs et l'imputabilité ;
" que, d'autre part, l'employeur ne saurait se soustraire à l'observation de ces dispositions d'ordre public par le moyen d'une clause insérée à l'avance dans le contrat de travail ;
" que, en l'espèce, il appert de l'arrêt infirmatif attaqué que le prévenu avait pris acte de la rupture du contrat de travail d'un salarié, délégué syndical et membre du comité d'entreprise, pour non-respect d'une clause essentielle du contrat de travail ; qu'en effet, l'intéressé avait refusé de satisfaire à la mutation dont il faisait l'objet malgré une clause de mobilité incluse dans son contrat de travail ; que cette " prise d'acte de la rupture ", sans respect de la procédure requise, constitue l'élément matériel du délit poursuivi dont l'élément intentionnel se déduit du caractère volontaire des agissements constatés ; qu'ainsi, la cour d'appel a omis de tirer de ses propres constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement ;
" alors, au demeurant, que, les termes d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation rendu à l'époque des faits litigieux, la justification prétendue de la mutation incriminée, l'absence de volonté de se débarrasser de l'intéressé comme la décision civile intervenue et d'ailleurs non définitive, étaient sans influence sur l'obligation ainsi transgressée par le prévenu de respecter la procédure prévue par les textes en vigueur " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les dispositions législatives soumettant à l'avis préalable du comité d'entreprise ou à l'autorisation de l'inspecteur du Travail le licenciement des salariés investis de fonctions représentatives ont institué au profit de tels salariés et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit, par suite, à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ; que l'employeur ne saurait se soustraire à l'observation de ces dispositions d'ordre public par le moyen d'une clause insérée, à l'avance, dans le contrat de travail ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y..., qui était employé comme chef de rayon dans le magasin des Nouvelles Galeries à Montauban et qui avait été désigné comme délégué syndical du syndicat CFDT-CLAS du Tarn-et-Garonne, puis élu membre du comité d'établissement, a refusé le 24 juin 1982 une mutation à Saint-Quentin, où il devait exercer les fonctions de chef de groupe deuxième échelon, alors que son contrat de travail comportait une " clause de mobilité " l'obligeant à accepter " tout ordre de mutation pouvant lui être adressé ultérieurement, dans quelque succursale que ce soit d'une société du groupe des Nouvelles Galeries " ; qu'au mois d'août 1982, Y... a été avisé par son employeur que s'il refusait une nouvelle mutation, il serait considéré comme démissionnaire ; que le 4 novembre 1983, le salarié a été nommé à Angers, en qualité de chef de groupe deuxième échelon, mais qu'il n'a pas rejoint ce poste ; que le 2 décembre 1983, X..., sous-directeur du personnel de la société française des Nouvelles Galeries réunies, a déclaré prendre acte de la rupture du contrat de travail, intervenue du fait du salarié, pour " non-respect d'une clause essentielle dudit contrat " ;
Attendu que le syndicat CFDT-CLAS du Tarn-et-Garonne a fait citer X... devant la juridiction répressive, sur le fondement des articles L. 483-1 et L. 481-2 du Code du travail, en lui reprochant d'avoir, en réalité, licencié Y... sans avoir observé les dispositions protectrices spéciales prévues par les articles L. 436-1 et L. 412-18 du même Code à l'égard des salariés protégés ; que la société française des Nouvelles Galeries réunies a été citée comme civilement responsable ;
Attendu que la cour d'appel, pour infirmer le jugement entrepris qui avait déclaré la prévention établie, pour mettre hors de cause la société française des Nouvelles Galeries réunies et pour débouter la partie civile de ses demandes de réparations, énonce essentiellement que le prévenu justifie que la mutation de Y... à Angers a été effectuée pour les besoins du service et a donc eu une cause étrangère aux fonctions représentatives de ce salarié ; qu'elle ajoute que la juridiction civile, admettant en l'espèce la validité de la clause contractuelle de mobilité en dépit de l'entrée en vigueur, dans l'entreprise, d'une convention collective prévoyant, en pareil cas, la nécessité d'assurer la continuité de l'exercice des droits syndicaux, a considéré que la rupture du contrat de travail était due à la démission du salarié et ne s'analysait pas en un licenciement ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, les juges du second degré ont méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 27 novembre 1986, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Pau.