CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- la SA Mathie et compagnie,
- la SARL Gruss Léon,
- la SA Castet-Berg,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 18 septembre 1987, qui, dans des poursuites exercées contre André X... et la société Poussier, civilement responsable des chefs de pratique de prix discriminatoires et de refus de vente, a constaté l'extinction de l'action publique par abrogation de la loi pénale et s'est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes des parties civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation commun aux trois demandeurs, proposé et pris de la violation des articles 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande en réparation du préjudice causé par les pratiques de prix discriminatoires et les refus de vente commis par X... ;
" aux motifs qu'en raison de l'abrogation des ordonnances du 30 juin 1945 les poursuites exercées pour pratique de prix et conditions de vente discriminatoires et pour refus de vente sont désormais dépourvues de tout fondement légal (arrêt p. 6, alinéas 2, 3) ; qu'à défaut de dispositions contraires de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'abrogation des incriminations litigieuses implique le débouté des actions civiles exercées sur le fondement de l'article 2 du Code de procédure pénale ; que la nouvelle législation a pour objet de retirer aux faits leur caractère délictuel et prévoit seulement pour les faits visés à l'article 36 de l'ordonnance, la compétence de la juridiction civile ou commerciale (arrêt p. 7, alinéas 1, 2, 3) ;
" alors que la juridiction répressive reste compétente pour statuer sur les intérêts civils lorsqu'au cours de l'instance d'appel, la loi pénale a été abrogée ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors se déclarer incompétente pour statuer sur l'indemnisation du préjudice résultant des pratiques de prix et conditions de vente discriminatoires et du refus de vente quand bien même ces faits ne seraient plus pénalement incriminés par suite de l'abrogation de l'ordonnance de 1945 par l'ordonnance du 1er décembre 1986 antérieure au prononcé de l'arrêt attaqué ; qu'en déboutant les parties civiles de leurs demandes aux seuls motifs que les faits litigieux n'étaient plus pénalement répréhensibles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que la juridiction civile ou commerciale n'est exclusivement compétente pour statuer sur le préjudice résultant de pratiques de prix et conditions de vente discriminatoires ou refus de vente commis au préjudice d'un partenaire économique que dans l'hypothèse où l'abrogation des ordonnances de 1945 est intervenue avant toute décision au fond rendue par la juridiction répressive ; que X... a été en l'espèce déclaré coupable du délit de refus de vente par un jugement du 19 décembre 1985 antérieur à l'abrogation des ordonnances de 1945 ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer les juridictions civiles et commerciales seules compétentes sans violer les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que la juridiction répressive reste compétente pour statuer sur les intérêts civils, lorsqu'elle en a été régulièrement saisie avant l'abrogation de la loi pénale ;
Attendu que devant statuer sur l'appel du prévenu X..., celui de la société Poussier civilement responsable, et ceux des trois parties civiles actuellement demanderesses au pourvoi contre un jugement du tribunal correctionnel du 19 décembre 1985 qui avait déclaré X... coupable de pratique de prix discriminatoires et de refus de vente et qui avait alloué des dommages-intérêts aux diverses parties civiles constituées, la cour d'appel a constaté que l'ordonnance du 1er décembre 1986 avait abrogé les ordonnances n°s 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 et que les poursuites pénales exercées contre le prévenu sur le fondement des articles 37-1 et 40 des deux ordonnances de 1945 étaient désormais dépourvues de tout support légal ; qu'en faisant immédiatement application de ladite ordonnance du 1er décembre 1986, les juges du second degré ont constaté l'extinction de l'action publique par abrogation de la loi pénale ;
Attendu, en ce qui concerne l'action civile qu'avait tranchée les premiers juges, que la cour d'appel, pour ne pas en examiner le bien-fondé et se déclarer incompétente, énonce que par son article 36 l'ordonnance du 1er décembre 1986 a prévu une saisine dérogatoire du droit commun de la juridiction civile ou commerciale désormais seules compétentes, mesure d'application immédiate comme constituant une loi de procédure ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi au regard de l'action civile, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
Que, par suite, l'arrêt attaqué encourt la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, du 18 septembre 1987, mais dans ses seules dispositions civiles, et à l'égard seulement des trois demanderesses au pourvoi, et pour être jugé à nouveau conformément à la loi et dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.