CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Elie, prévenu de recel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (8e chambre) en date du 16 juin 1988 qui, infirmant un jugement du tribunal correctionnel, a dit qu'il n'y avait lieu à annulation d'actes de la procédure et a évoqué.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 15 novembre 1988 par laquelle le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi par application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 83, 84 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité tirée de l'absence au dossier de l'original ou d'une copie certifiée conforme par le greffier de la désignation du juge d'instruction ;
" aux motifs que le ministère public verse au débat la copie du registre de désignation des juges d'instruction et fait valoir qu'un juge avait été effectivement chargé d'introduire la procédure en cause ; que la nullité prévue par l'article 83 du Code de procédure pénale n'est pas encourue lorsqu'il est démontré que la formalité légale a été bien accomplie, ce qui ressort en l'espèce de l'examen du registre des désignations, et que l'absence au dossier de l'ordonnance elle-même ne saurait constituer une cause de nullité dès lors que d'autres pièces, spécialement le registre des désignations, établissent son existence et en reproduisent la teneur ; qu'ainsi, la preuve de la réalité de la désignation du juge dans les conditions prescrites par l'article 83 du Code de procédure pénale est suffisamment établie ;
" alors que la désignation du juge d'instruction par le président du tribunal de grande instance doit être produite en original ou en copie certifiée conforme par le greffier, et que l'absence ou l'irrégularité de la désignation entraîne une nullité substantielle échappant aux prévisions de l'article 802 du Code de procédure pénale ; que la copie du registre des désignations de juges d'instruction, document de caractère administratif relatif à l'organisation du service, ne constitue pas la désignation prévue pour chaque information par les articles 83 et 84 du Code de procédure pénale, et qu'en l'absence de l'original ou d'une copie certifiée conforme par le greffier de l'acte de désignation du juge d'instruction, la cour d'appel ne pouvait valider la procédure sans violer les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article 83 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 décembre 1985, lorsqu'il existe dans un tribunal plusieurs juges d'instruction, le président du Tribunal ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace, désigne pour chaque information le juge qui en sera chargé ; que l'absence de désignation constitue une nullité substantielle touchant à l'organisation et à la composition des juridictions qui sont d'ordre public ;
Attendu que, pour infirmer le jugement du tribunal correctionnel qui avait prononcé l'annulation des actes de la procédure d'information renvoyée devant lui en raison de l'absence de décision du président du Tribunal désignant le juge d'instruction, la cour d'appel énonce " qu'il ressort de l'examen du registre des désignations tenu à la présidence du tribunal de grande instance de Nanterre qu'une ordonnance a été prise le 4 juin 1984 confiant à M. de Bonnefon, juge d'instruction, la charge de l'information en cause " ; qu'elle constate que celle-ci a été conduite jusqu'à son terme par le magistrat ainsi désigné ; que les juges du second degré déduisent de ces énonciations " que l'absence au dossier de l'ordonnance elle-même ne saurait constituer une cause de nullité dès lors que d'autres pièces, spécialement le registre des désignations, établissent son existence et en reproduisent les termes " ;
Mais attendu que, si aucune forme particulière n'est imposée pour la validité de la désignation par le président prévue par l'article 83 du Code de procédure pénale, celle-ci ne saurait être matérialisée que par un document signé du président du Tribunal ou de celui qui le remplace ; que les mentions portées sur un registre administratif dépourvu de tout caractère d'authenticité ne peuvent faire la preuve de l'existence de la décision du magistrat ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 16 juin 1988 et, pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.