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20/12/1988 | FRANCE | N°87-60246;87-60247;87-61780;87-61781

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 décembre 1988, 87-60246 et suivants


Vu la connexité, joint les pourvois n°s 87-60.246, 87-60.247, 87-61.780 et 87-61.781 ;

Sur les treize moyens réunis :

Attendu que l'association d'enseignement privé Estice-ESBT (l'association), qui a pour objet la gestion de deux établissements, l'école supérieure de traducteurs-interprètes et de cadres du commerce extérieur et l'école de secrétariat bilingue et trilingue, pour lesquelles un protocole préélectoral du 28 mars 1986 avait prévu des délégués du personnel communs pour les élections du 24 avril 1986, a décidé, le 3 avril 1987, de ne pas organiser

ce scrutin en 1987, au motif que l'effectif était inférieur à onze salariés ; q...

Vu la connexité, joint les pourvois n°s 87-60.246, 87-60.247, 87-61.780 et 87-61.781 ;

Sur les treize moyens réunis :

Attendu que l'association d'enseignement privé Estice-ESBT (l'association), qui a pour objet la gestion de deux établissements, l'école supérieure de traducteurs-interprètes et de cadres du commerce extérieur et l'école de secrétariat bilingue et trilingue, pour lesquelles un protocole préélectoral du 28 mars 1986 avait prévu des délégués du personnel communs pour les élections du 24 avril 1986, a décidé, le 3 avril 1987, de ne pas organiser ce scrutin en 1987, au motif que l'effectif était inférieur à onze salariés ; que le Syndicat national de l'enseignement privé FO et le Syndicat de l'enseignement privé Nord CFDT (les syndicats) ont, le 16 avril 1987, saisi le tribunal d'instance d'une contestation portant sur les modalités de calcul de l'effectif retenues par l'association ;

Attendu qu'il est fait grief, d'une part, au jugement attaqué du 4 juin 1987, d'avoir décidé que l'association n'était pas liée par le protocole d'accord préélectoral du 28 mars 1986, que les articles L. 200-1 et L. 212-4-4 du Code du travail devaient recevoir application de principe en l'espèce, mais que les notions de temps plein et temps partiel devaient être adaptées au travail spécifique du personnel enseignant, d'autre part, au jugement attaqué du 15 octobre 1987, d'avoir dit que l'effectif de l'association était inférieur à onze salariés, alors, premièrement, qu'en considérant que les élections des délégués du personnel ayant eu lieu pour la première fois en 1986, les syndicats ne pouvaient se réclamer d'aucun usage, le tribunal n'a pas tenu compte de ce que des élections avaient été organisées en 1983, 1984 et 1985 dans chaque école ; alors, deuxièmement, que les articles L. 212-4-4 et L. 421-2 nouveaux du Code du travail ne peuvent s'appliquer qu'aux salariés à temps partiel, dont l'article L. 212-4-2 donne une définition limitative, en ses alinéas 2 et 3, applicables aux travailleurs dont " les horaires sont inférieurs d'au moins un cinquième à la durée légale du travail ou à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise " et qu'aucune convention n'existant en l'espèce, le tribunal devait logiquement déclarer que seule la durée légale du travail définie par l'article L. 212-1 du Code du travail devait s'appliquer aux enseignants intéressés, c'est-à-dire 39 heures d'enseignement hebdomadaires ; alors, troisièmement, que le tribunal ne pouvait appliquer les dispositions de l'article L. 212-4-4 du Code du travail sur le calcul des effectifs pour la représentation du personnel, sans rechercher si les contrats des enseignants concernés avaient été renouvelés ou conclus après la date d'application de l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 ; alors, quatrièmement, que l'article L. 212-2 du Code du travail subordonnant l'application de la réglementation de la durée du travail à la publication de décrets d'application dans le cadre des branches d'activité et aucun décret n'étant intervenu en ce qui concerne l'enseignement, le tribunal ne pouvait énoncer que l'article L. 212-1 du Code du travail fixant la durée légale du travail à 39 heures par semaine n'était pas conditionné à la publication de ce décret ; alors, cinquièmement,

qu'en énonçant l'absence de toute disposition légale, réglementaire ou conventionnelle applicable à l'association, il estimait, tout comme les parties en accord sur ce point, pouvoir se référer aux indications fournies par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille dans sa lettre du 7 avril 1987 au directeur de l'association, selon laquelle il convenait de multiplier par trois le nombre d'heures de cours des enseignants pour obtenir le nombre d'heures de travail à prendre en considération, le tribunal, d'une part, a méconnu que les syndicats n'avaient nullement donné leur accord sur ce point, d'autre part, s'est contredit en relevant à la fois l'absence de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles concernant l'association et en retenant l'application des articles L. 212-1 et L. 212-4-4 du Code du travail ; alors, sixièmement, que la cassation du jugement du 4 juin 1987 entraînera par voie de conséquence la cassation du jugement du 15 octobre 1987 ; alors, septièmement, que c'est inexactement que le juge du fond a énoncé que le syndicat FO avait soutenu que le protocole du 28 mars 1986 étant caduc, chacune des deux écoles reprenait le statut antérieur d'établissement distinct appliqué en 1983, 1984 et 1985, chaque enseignant étant décompté intégralement ; alors, huitièmement, que le tribunal ne pouvait estimer que l'enseignement dispensé dans les deux écoles était un enseignement secondaire ou technique, tandis qu'il résultait des documents que l'association utilisait l'appellation " enseignement supérieur ", voire " enseignement supérieur du second cycle " et que le jugement avait lui-même relevé qu'elle recrutait des étudiants titulaires du baccalauréat pour les préparer à des diplômes supérieurs ; alors, neuvièmement, que le tribunal ne pouvait prendre en considération les heures de cours durant l'année scolaire 1986-1987, ni faire le calcul globalement sur l'année, mais se prononcer au vu des trois années précédentes et effectuer le calcul pour chaque mois ; alors, dixièmement, que le nombre total d'heures de travail, soit le nombre d'heures de cours multiplié par trois, s'appliquait, pour l'année, à 47 semaines, soit 52 semaines moins cinq semaines de congés annuels, sans répondre au moyen tiré d'une lettre de l'inspection du travail du 1er juillet 1987 fixant la durée hebdomadaire du travail équivalant à l'horaire légal pour le calcul de l'effectif des enseignants concernés, en vue des élections professionnelles ; alors, onzièmement, que le juge du fond a dénaturé une réponse ministérielle du 11 mai 1987 sur la couverture sociale appliquée aux formateurs employés par des associations ; alors, douzièmement, que le tribunal a négligé le fait que si l'employeur n'avait pas apporté la preuve ordonnée par le jugement du 4 juin 1987, le syndicat FO avait produit une lettre de la caisse primaire d'assurance maladie du 4 août 1987 sur les textes relatifs à l'ouverture des droits concernant certaines catégories d'assurés sociaux et avait invoqué une lettre du 26 décembre 1968 de la direction de l'assurance maladie et des caisses de sécurité sociale sur l'assimilation des membres non fonctionnaires de l'enseignement supérieur à des travailleurs à temps complet ; alors, enfin, que le tribunal a appliqué les dispositions de l'article L. 421-2, alinéa 2, du Code du travail concernant " les salariés sous contrat à durée déterminée, les salariés sous contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition d'une

entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires... ", quand ces dispositions ne sont pas applicables aux enseignants intéressés ;

Mais attendu qu'ayant, hors de toute dénaturation des conclusions, apprécié la situation résultant de l'organisation pour la première fois en 1986 d'élections de délégués du personnel communs aux deux écoles, en application du protocole préélectoral du 28 mars 1986 qui n'avait été conclu que pour un an, le juge du fond a estimé que les syndicats ne pouvaient se réclamer d'aucun usage ;

Attendu que le moyen tiré de la date de renouvellement ou de conclusion des contrats de travail par rapport à la date d'application de l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 modifiant les modalités de prise en compte des salariés à temps partiel dans l'effectif de l'établissement est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est comme tel irrecevable ;

Attendu que si l'activité d'enseignement demeure, en l'absence de décret d'application au sens de l'article L. 212-2 du Code du travail, en dehors du champ d'application professionnel de la réglementation de la durée du travail, les enseignants dont la durée de travail mensuelle se révèle être inférieure d'au moins un cinquième à celle qui résulte de l'application, sur cette même période, de la durée légale du travail sont, à défaut d'horaire conventionnel spécifique à l'établissement privé d'enseignement dont ils relèvent, soumis aux dispositions des articles L. 421-2 et R. 212-1 du Code du travail fixant la prise en compte des salariés à temps partiel dans l'effectif de l'établissement, en vue des élections des délégués du personnel ;

Attendu toutefois qu'en raison du caractère spécifique du travail des personnels concernés, les conditions de leur prise en compte, en tant que travailleurs permanents ou salariés à temps partiel dans l'effectif de l'établissement en vue des élections des délégués du personnel, doivent être adaptées à leur situation particulière ; que le tribunal a donc pu, en recherchant, dans le cadre unique formé par les deux écoles, les critères permettant de caractériser leur collaboration, assimiler les enseignants intéressés aux membres de l'enseignement secondaire ou technique et retenir pour temps de travail l'équivalence, sur une année, de trois heures de travail pour une heure de cours ;

Attendu qu'appréciant, dans ces conditions, hors de toute dénaturation des documents produits et nonobstant toute référence inopérante à un prétendu accord des parties, les éléments de preuve qui lui étaient soumis, le tribunal a, sans se contredire, estimé que lesdits enseignants étaient salariés à temps partiel pour une durée permettant de les retenir à l'effectif à proportion de 7,52 ;

Qu'aucun des moyens n'est fondé et, partant, ne saurait justifier la cassation du jugement du 4 juin 1987, ni, par voie de conséquence, celle du jugement du 15 octobre 1987 ;

Mais sur le quatorzième moyen :

Vu l'article L. 423-1 du Code du travail ;

Attendu que pour décider, après avoir ajouté à la fraction représentative du personnel enseignant trois membres du personnel administratif, que l'effectif de l'association était inférieur à onze salariés, le jugement du 15 octobre 1987 a retenu que M. Jean-Marie X... " apparaissant comme le directeur de l'association ", il n'était pas possible de le prendre en compte dans l'effectif ;

Qu'en statuant par un motif qui ne suffit pas à caractériser les prérogatives de l'employeur qu'aurait, par délégation, exercées M. X... auprès des salariés, le tribunal d'instance n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois, en tant que formés contre le jugement rendu le 4 juin 1987 par le tribunal d'instance de Lille ;

CASSE ET ANNULE le jugement rendu le 15 octobre 1987, entre les parties, par ledit tribunal ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Cambrai


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 87-60246;87-60247;87-61780;87-61781
Date de la décision : 20/12/1988
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Nombre de sièges à pourvoir - Effectif de l'entreprise - Calcul - Salarié à temps partiel - Enseignant d'un établissement privé

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué syndical - Désignation - Conditions - Effectif minimum de l'entreprise - Détermination - Salariés à temps partiel

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'entreprise - Membres - Nombre - Effectif de l'entreprise - Calcul - Salariés à temps partiel

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué du personnel - Nombre - Détermination - Effectif de l'entreprise - Calcul - Salariés à temps partiel - Enseignants d'un établissement privé

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail à temps partiel - Délégué du personnel - Nombre de délégués à élire - Effectif de l'entreprise - Détermination

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail à temps partiel - Comité d'entreprise - Membres - Nombre - Effectif de l'entreprise - Détermination

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail à temps partiel - Délégué syndical - Désignation - Conditions - Effectif minimum des salariés de l'entreprise - Détermination

Les enseignants dont la durée de travail mensuelle se révèle être inférieure d'au moins un cinquième à celle qui résulte de l'application, sur cette même période, de la durée légale du travail sont, à défaut d'horaire conventionnel spécifique à l'établissement privé d'enseignement dont ils relèvent, soumis aux dispositions des articles L. 421-2 et R. 212-1 du Code du travail fixant la prise en compte des salariés à temps partiel dans l'effectif de l'établissement, en vue des élections des délégués du personnel . Toutefois, en raison du caractère spécifique du travail des personnels concernés, les conditions de leur prise en compte, en tant que travailleurs permanents ou salariés à temps partiel dans l'effectif de l'établissement en vue des élections des délégués du personnel, doivent être adaptées à leur situation particulière . Dès lors, un tribunal a pu, en recherchant les critères permettant de caractériser leur collaboration, assimiler les enseignants intéressés aux membres de l'enseignement secondaire ou technique et retenir pour temps de travail l'équivalence, sur une année, de trois heures de travail pour une heure de cours .


Références :

Code du travail L421-2, R212-1

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lille, 4 juin et, 15 octobre 1987


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 déc. 1988, pourvoi n°87-60246;87-60247;87-61780;87-61781, Bull. civ. 1988 V N° 676 p. 435
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 V N° 676 p. 435

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Cochard
Avocat général : Avocat général :M. Franck
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Valdès
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen et Georges, M. Choucroy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.60246
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