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10/05/1988 | FRANCE | N°86-92545

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mai 1988, 86-92545


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Christian, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 17 avril 1986 qui, dans les poursuites exercées contre Serge Y... pour recel de vol et après condamnation du prévenu de ce chef, s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 55 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, violation de la loi et défaut de réponse aux conclusions ;
" en

ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de X... tendant à la réparation de l...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Christian, partie civile,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 17 avril 1986 qui, dans les poursuites exercées contre Serge Y... pour recel de vol et après condamnation du prévenu de ce chef, s'est prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 55 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, violation de la loi et défaut de réponse aux conclusions ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de X... tendant à la réparation de la totalité de son préjudice résultant du vol ;
" aux motifs que " le jour des faits, Y... s'est rendu au domicile de X... et a acheté un certain nombre d'objets retrouvés pour leur totalité et restitués à la partie civile, que lui a présentés sur place un individu se faisant passer pour le propriétaire des lieux et qui, s'étant fait embaucher par le plaignant comme maître d'hôtel sous le nom de Z..., n'a pu être ni retrouvé ni identifié ; que ce jour-là, d'autres acquéreurs se sont présentés et ont acheté d'autres objets ; que, dès lors, les faits qui auraient pu être reprochés à l'auteur principal ne constituent pas un vol unique mais une série de vols successifs, correspondant à l'appropriation sur les lieux puis à la vente à des acquéreurs différents d'objets appartenant à la victime ; qu'ainsi Y... ne saurait être retenu comme solidaire de tous ces faits de vols mais seulement de ceux relatifs à la remise à lui faite des objets qu'il avait décidé d'acquérir " ; (cf. arrêt p. 4-5) ;
" alors que le receleur qui n'a reçu qu'une partie des objets provenant d'une série de vols est solidairement responsable avec l'auteur principal de la totalité des dommages-intérêts, lorsque ces vols multiples sont rattachés entre eux par un lien de connexité ; que les juges d'appel ont énoncé en l'espèce que l'auteur principal, se faisant passer pour le propriétaire d'un appartement, avait vendu le même jour, à plusieurs personnes, de nombreux objets qui le garnissaient ; que ces faits, pour constituer des vols successifs, n'en procédaient pas moins d'une conception unique et étaient ainsi rattachés entre eux par un lien de connexité ; que les juges d'appel devaient en déduire que Y... qui avait reçu un certain nombre d'objets à l'occasion de l'une de ces " ventes ", n'en était pas moins solidairement tenu, avec le voleur, pour la totalité des objets volés ou, à tout le moins, rechercher, en l'état de ces constatations, si les différents vols n'étaient pas rattachés entre eux par un lien de connexité ; qu'en se bornant dès lors à relever, pour rejeter la demande de la victime tendant à la réparation de la totalité de son préjudice résultant du vol, que les faits qui auraient pu être reprochés à l'auteur principal ne constituaient pas un vol unique mais une série de vols successifs, les juges d'appel ont violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y... a été déclaré coupable, par arrêt rendu le 28 octobre 1981 et devenu définitif, d'avoir, en 1979 et jusqu'au 16 octobre 1980, sciemment recelé des objets mobiliers provenant d'un vol commis, par un auteur n'ayant pu être identifié, au préjudice de X... ;
Attendu que statuant par l'arrêt attaqué sur les intérêts civils, les juges du second degré ont refusé de faire droit à la demande présentée par X..., constitué partie civile, et tendant à la condamnation de Y... à la réparation intégrale des dommages résultant des délits de vol et de recel commis à son détriment, par application des articles 55 du Code pénal et 203 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite des motifs de la décision justement critiqués par le moyen, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure ; qu'en effet, si le receleur qui n'a reçu qu'une partie des objets provenant du délit est solidairement responsable avec l'auteur principal de la totalité des dommages-intérêts, c'est à la condition que la condamnation s'applique tant à l'auteur identifié du délit qu'au receleur ; que tel n'était pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 428 du Code de procédure pénale, de l'article 1356 du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale ; violation de la loi, fausse interprétation d'une précédente décision :
" en ce que l'arrêt attaqué a décidé qu'il n'y avait lieu à réparation d'un préjudice matériel, la totalité des objets provenant du vol commis par l'auteur principal au profit du seul Y... ayant été restitués à leur légitime propriétaire ;
" aux motifs que, " sans qu'il soit besoin d'autres discussions sur les éventuelles limites de la solidarité résultant de la connexité entre le vol et le recel, les conditions dans lesquelles Y... s'est porté acquéreur des objets appartenant à X..., ne sont connues que par les déclarations mêmes du prévenu, déclarations sur lesquelles se sont fondés tant les premiers juges que la Cour pour retenir sa culpabilité et entrer en voie de condamnation ; que ces déclarations doivent donc être considérées comme sincères et indivisibles ; qu'il en résulte que le jour des faits, Y... s'est rendu au domicile de X... et a acheté un certain nombre d'objets retrouvés pour leur totalité et restitués à la partie civile, que lui a présentés sur place un individu se faisant passer pour le propriétaire des lieux et qui s'étant fait embaucher par le plaignant comme maître d'hôtel sous le nom de Z..., n'a pu être ni retrouvé ni identifié ; que ce jour-là d'autres acquéreurs se sont présentés et ont acheté d'autres objets " (cf. arrêt p. 4) ;
" alors que le principe de l'indivisibilité de l'aveu judiciaire est sans application en matière pénale ; que, pour tenir pour exacte la relation des faits fournie par Y..., notamment la pluralité des infractions commises et la restitution intégrale des objets " achetés " au voleur, les juges d'appel ont considéré que la vérité conférée par les décisions intervenues à l'aveu contenu dans les déclarations du prévenu devait s'étendre à l'ensemble de ces déclarations ; qu'en statuant de la sorte, les juges d'appel ont violé les textes visés au moyen ;
" alors qu'il ne résultait nullement des décisions précédemment intervenues sur la culpabilité de Y... que les juges avaient tenu pour sincères ni la relation des faits touchant la pluralité des infractions commises ni le caractère intégral de la restitution faite par le receleur à la victime ; qu'en décidant dès lors le contraire, les juges d'appel ont faussement interprété ces décisions, violant ainsi le principe visé au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que pour dire qu'il n'y avait pas lieu à réparation du préjudice matériel résultant, pour X..., du délit de recel imputable à Y..., la cour d'appel a énoncé que les conditions dans lesquelles ce dernier s'était porté acquéreur de biens d'origine frauduleuse n'étaient connues que par ses déclarations, sur lesquelles les juges s'étaient précédemment fondés pour retenir sa culpabilité ; qu'elle a ajouté que lesdites déclarations, qui établissaient que tous les objets recelés par Y... avaient été retrouvés et restitués à X..., devaient être considérées comme " sincères et indivisibles " ; qu'elle a enfin énoncé qu'en l'absence de préjudice matériel pouvant être réparé, il convenait de n'indemniser que le seul préjudice moral subi par la victime ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors que la règle de l'indivisibilité de l'aveu édictée par l'article 1356 du Code civil n'est applicable qu'à l'aveu judiciaire, et en matière pénale, que lorsqu'il s'agit de retenir un tel aveu comme preuve d'un contrat civil dont la violation est nécessaire pour caractériser le délit, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, les juges du second degré, qui étaient tenus de prendre en considération, pour se déterminer, tous les éléments de la procédure soumise à leur examen, n'ont pas justifié leur décision ;
Qu'ainsi, la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 17 avril 1986, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-92545
Date de la décision : 10/05/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SOLIDARITE - Domaine d'application - Infractions connexes ou indivisibles - Connexité - Vol et recel - Receleur n'ayant reçu qu'une partie des objets volés - Conditions.

1° RECEL - Solidarité - Condamnation solidaire avec l'auteur du crime ou du délit dont proviennent les objets recelés - Receleur n'ayant reçu qu'une partie des objets.

1° Si le receleur qui n'a reçu qu'une partie des objets provenant d'un délit est solidairement responsable avec l'auteur principal dudit délit de la totalité des dommages-intérêts, c'est à la condition que la réparation s'applique tant à l'auteur identifié de cette infraction qu'au receleur.

2° PREUVE - Aveu - Indivisibilité - Cas.

2° La règle de l'indivisibilité de l'aveu édictée par l'article 1356 du Code civil n'est applicable qu'à l'aveu judiciaire, et, en matière pénale, que lorsqu'il s'agit de retenir un tel aveu comme preuve d'un contrat civil dont la violation est nécessaire pour caractériser le délit. Tel n'est pas le cas en matière de délit de recel.


Références :

Code civil 1356
Code de procédure pénale 203
Code de procédure pénale 428
Code pénal 55

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 avril 1986

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1982-02-02 , Bulletin criminel 1982, n° 37, p. 88 (rejet), et les arrêts cités. (1) CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1974-03-20 , Bulletin criminel 1974, n° 123, p. 318 (rejet), et les arrêts cités. (2)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mai. 1988, pourvoi n°86-92545, Bull. crim. criminel 1988 N° 204 p. 535
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 204 p. 535

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Guirimand
Avocat(s) : Avocat :M. Parmentier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:86.92545
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