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22/03/1988 | FRANCE | N°85-96001

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 mars 1988, 85-96001


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le ministre de la Défense de la République islamique d'Iran, partie civile,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 21 novembre 1985 qui, dans une information suivie du chef d'escroquerie contre X... Ahmad et Y... Ahmad, a déclaré irrecevable son appel contre une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réponse, en duplique et triplique ;
Sur la recevabilité du pourvoi en la forme :
Attendu, d'une part, que le pourvoi a étÃ

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CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le ministre de la Défense de la République islamique d'Iran, partie civile,
contre un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris du 21 novembre 1985 qui, dans une information suivie du chef d'escroquerie contre X... Ahmad et Y... Ahmad, a déclaré irrecevable son appel contre une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense, en réponse, en duplique et triplique ;
Sur la recevabilité du pourvoi en la forme :
Attendu, d'une part, que le pourvoi a été formé au nom du ministre de la défense de la République islamique d'Iran par un avocat au barreau de Paris qui a produit une lettre du directeur de " Bureau for international legal service " (BILS) habilité, suivant une dépêche du ministre des Affaires Etrangères, à représenter en France les intérêts du demandeur et à ester la justice ; qu'il s'ensuit que le déclarant dont le pouvoir est annexé à l'acte de pourvoi est bien un fondé de pouvoir spécial au sens de l'article 576 du Code de procédure pénale ;
Que, d'autre part, ledit pouvoir, daté du jour où l'arrêt attaqué a été rendu, invitant expressément le mandataire à former un pourvoi en cassation pour le cas où la chambre d'accusation déclarerait irrecevable l'appel formé par le demandeur dans la procédure l'opposant à X... et Y..., établit sans équivoque la volonté dudit demandeur d'exercer un recours en cassation contre l'arrêt attaqué, rendu dans le sens prévu ;
Que, dès lors, le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 83, 89, 186 alinéa 4, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel formé le 18 juillet 1985 par le ministre de la défense de la République islamique d'Iran, partie civile, contre une ordonnance de non-lieu en date du 4 juillet 1985 rendue par un juge d'instruction non désigné par le président du tribunal de grande instance pour instruire sur les faits dénoncés par la plainte ;
" aux motifs que Me Ceccaldi dont la désignation comme conseil de la partie civile n'était pas contestée, était effectivement intervenu jusqu'à l'ordonnance critiquée en qualité de mandataire de la partie civile sans protestation de cette dernière ; que sa désignation, alors qu'il était territorialement compétent, entraînait élection de domicile en son cabinet, sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 89 du Code de procédure pénale qui ne concerne que la constitution initiale de partie civile ; que la constitution de cet avocat au nom de la partie civile résultait suffisamment de son intervention au procès-verbal du 4 février 1983 dressé par le magistrat instructeur, et ce, même si la personne physique qui avait dit être habilitée à intervenir n'avait-ce qui était articulé mais non prouvé-aucune qualité pour ce faire alors d'ailleurs que cette personne s'était antérieurement présentée devant le magistrat instructeur en compagnie du sous-secrétaire d'Etat au ministère de la défense de la République islamique d'Iran ; qu'ainsi l'élection de domicile chez Me Cheron qui n'était d'ailleurs pas intervenu après la constitution de Me Ceccaldi avait cessé de prendre effet à compter de cette constitution et que la signification de l'ordonnance du 4 juillet 1985 devait être faite à domicile élu chez Me Ceccaldi ; que, par conséquent cette signification régulière avait fait courir le délai d'appel ;
" alors, d'une part, que seul peut effectuer des actes d'instruction le juge d'instruction désigné par le président du tribunal de grande instance ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu du 4 juillet 1985 a été rendue par M. Michau qui n'a pas été désigné par le président du tribunal de grande instance ; que cette ordonnance, rendue par un magistrat incompétent, n'a pas d'existence juridique ; qu'il s'ensuit que la signification d'un acte juridiquement inexistant n'a pu faire courir le délai d'appel ; que dès lors, c'est à tort que la chambre d'accusation qui, en vertu de l'article 206 du Code de procédure pénale, est tenue d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises a déclaré irrecevable comme tardif l'appel du ministre de la défense de la République islamique d'Iran contre cette ordonnance ;
" alors, d'autre part, que l'élection de domicile prévue par l'article 89 du Code de procédure pénale-qui n'a pas lieu nécessairement chez un avocat-est distincte du choix par la partie civile du conseil chargé de la représenter ; qu'en outre, l'élection de domicile faite par acte au greffe ne peut être modifiée que par nouvel acte enregistré au greffe ; que, dès lors, l'élection de domicile au cabinet de Me Cheron, faite par acte au greffe au moment de la consignation, est demeurée valable, faute de tout acte contraire la dénonçant et que seule une signification à ce domicile élu aurait pu faire courir le délai d'appel ; qu'en déduisant de la simple intervention d'un nouveau conseil de la partie civile que celle-ci avait élu domicile chez ce nouveau conseil, l'arrêt attaqué a confondu la formalité substantielle de l'élection de domicile par acte au greffe et la simple intervention d'un avocat ;
" alors enfin et subsidiairement que, dans son mémoire régulièrement déposé, le ministre de la défense de la République islamique d'Iran avait souligné que M. Ahmad Z... n'avait jamais été le représentant légalement qualifié de la République islamique d'Iran puisqu'aucun pouvoir spécial à cet effet ne lui avait jamais été délivré ; qu'il résulte d'ailleurs du dossier de procédure que, malgré les demandes réitérées du magistrat instructeur de lui communiquer le pouvoir en vertu duquel M. Z... serait intervenu, ni Z... ni l'avocat constitué par lui n'ont jamais justifié de ce pouvoir ; que, dès lors, c'est à tort que l'arrêt attaqué a prétendu que cette qualité aurait résulté du seul fait que M. Z... s'était antérieurement présenté devant le magistrat instructeur en compagnie du sous-secrétaire d'Etat au ministère de la défense de la République islamique d'Iran " ;
Sur la deuxième branche du moyen ;
Vu les articles 89, 183, alinéa 3 et 186, alinéa 4, du Code de procédure pénale dans leur rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1985 ;
Attendu que de la combinaison desdits articles, il résulte que le délai de trois jours, alors imparti à la partie civile pour interjeter appel d'une ordonnance du juge d'instruction faisant grief à ses intérêts civils, partait du jour où cette décision avait été signifiée au domicile élu par cette partie civile, dès lors que celle-ci avait satisfait à cette formalité ;
Attendu qu'il ressort de l'examen de la procédure que, lors du dépôt de la plainte avec constitution de partie civile portée le 18 décembre 1981 au nom du ministre de la défense de la République Islamique d'Iran contre X... et Y..., du chef d'escroquerie, élection de domicile a été faite chez Me Cheron, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 89 du Code de procédure pénale dans sa rédaction alors applicable ; que le 4 février 1983 Z... se disant représentant du nouveau ministre de la défense d'Iran, ce qui est actuellement contesté, a fait connaître que Me Marcel Ceccaldi, également avocat au barreau de Paris, était dorénavant le seul conseil de la partie civile, sans néanmoins que soit modifiée l'élection de domicile précédemment déclarée ;
Que le magistrat instructeur ayant, le 4 juillet 1985, rendu une ordonnance de non-lieu cette décision a été signifiée le 8 juillet suivant chez Me Ceccaldi ; que le 18 juillet 1985 appel a été relevé au nom de la partie civile par un autre avocat au barreau de Paris, Me Jean-Michel Braunschweig ;
Attendu que, pour décider que cet appel était irrecevable parce qu'interjeté après expiration du délai de trois jours suivant la signification de l'ordonnance entreprise, la chambre d'accusation considère que la désignation de Me Ceccaldi " en remplacement du conseil chez qui domicile était élu entraînait élection de domicile en son cabinet et ce sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 89 du Code de procédure pénale qui ne concerne que la constitution de partie civile " ;
Mais attendu, d'une part, que l'élection de domicile prévue par l'ancien article 89 précité, qui n'était pas obligatoirement faite chez un avocat, lorsqu'elle l'était chez un tel auxiliaire de justice n'entraînait pas nécessairement la désignation de celui-ci comme conseil, pas plus que le choix d'un avocat pour assister la partie civile pendant l'information n'impliquait élection de domicile chez lui ; qu'à supposer que le demandeur ait effectivement remplacé le conseil désigné en premier lieu, ce changement, dès lors qu'il n'était pas assorti d'une nouvelle élection de domicile chez le second conseil, dans les formes édictées par ledit article 89, ne saurait avoir emporté renonciation à l'élection du domicile énoncée lors du dépôt de la plainte ;
Que, d'autre part, cette élection du domicile où devaient être faites les notifications et significations destinées à la partie civile continuait à produire ses effets pendant toute la procédure sauf déclaration contraire expresse ;
Qu'il s'ensuit que la chambre d'accusation, en considérant que l'ordonnance de non-lieu avait été valablement signifiée le 8 juillet 1985 et en en déduisant que le délai prévu par l'article 186 alinéa 4 ancien du Code de procédure pénale était expiré le 18 juillet 1985 a fait une fausse application de la loi ;
Que la cassation est ainsi encourue sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris en date du 21 novembre 1985, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Amiens.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-96001
Date de la décision : 22/03/1988
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Déclaration - Mandataire - Pouvoir spécial - Validité - Pouvoir établi par l'agent d'un Etat étranger.

1° ETAT - Etat étranger - Agent d'un Etat étranger - Actes par lui accomplis - Cassation - Pourvoi - Déclaration - Mandataire - Pouvoir spécial - Habilitation par le ministre des Affaires étrangères.

1° Est valable le pouvoir spécial établi en vue de former un pourvoi en cassation par l'agent d'un gouvernement étranger dont le ministre des Affaires étrangères fait connaître qu'il est habilité à agir en justice pour le compte de l'Etat représenté. Dès lors que le pouvoir concerne avec certitude la procédure en cause, il satisfait aux exigences de l'article 576 du Code de procédure pénale.

2° INSTRUCTION - Ordonnances - Appel - Appel de la partie civile - Délai - Point de départ - Signification - Signification à domicile élu - Changement de conseil - Portée.

2° Lorsqu'au moment de sa constitution, une partie civile, conformément aux prescriptions de l'article 89 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1985, a élu domicile chez son conseil, le choix d'un autre conseil, à défaut d'une déclaration expresse de cette partie civile, n'entraîne pas de modification dans l'élection de domicile initialement faite et les significations ou notifications destinées à ladite partie civile doivent, pendant la suite de la procédure, être opérées à ce domicile élu pour faire courir les délais d'appel.


Références :

Code de procédure pénale 576
Code de procédure pénale 89
Loi 85-1407 du 30 décembre 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre d'accusation), 21 novembre 1985

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1914-01-15 , Bulletin criminel 1914, n° 31, p. 51 (cassation) (1) CONFER : (2°). Chambre criminelle, 1979-02-06 , Bulletin criminel 1979, n° 54, p. 152 (irrecevabilité). (2)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 mar. 1988, pourvoi n°85-96001, Bull. crim. criminel 1988 N° 137 p. 354
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1988 N° 137 p. 354

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Robert
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet et Farge, M. Boullez, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:85.96001
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