Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article L. 781-1 du Code du travail : .
Attendu que M. et Mme X..., locataires-gérants d'une station-service de distribution d'essence appartenant à la société Total, aux droits de laquelle se trouve la compagnie française de distribution et de raffinage, font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnités compensatrices de congés payés, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si l'alinéa 2 de l'article L. 781-1 du Code du travail dispense le chef d'entreprise industrielle qui fournit les marchandises à vendre, de l'application, au profit des personnes visées à l'article L. 781-1 du Code du travail, des dispositions du livre II du Code du travail, ce n'est qu'autant que les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité du travail dans l'établissement n'ont pas été fixées par lui ou soumises à son agrément ; que cette disposition doit s'entendre en ce sens que le chef d'entreprise qui fournit des marchandises n'est pas dispensé de l'application du livre II vis-à-vis des personnes avec lesquelles il traite, et en particulier avec les gérants libres des stations-service, par cela seul que ceux-ci peuvent prendre dans leurs rapports avec leur propre personnel des dispositions relatives au travail, à l'hygiène et à la sécurité de celui-ci ; qu'en décidant que la société Total était dispensée de l'application du livre II du Code du travail pour la période postérieure au 5 décembre 1977 par le seul motif que les locataires-gérants pouvaient engager du personnel, la cour d'appel a violé l'article susvisé ; alors, d'autre part, que les locataires-gérants avaient fait valoir qu'ils étaient tenus d'ouvrir la station-service dans les conditions imposées par la société Total ; que cette société avait demandé au gérant d'ouvrir la station le dimanche matin et de réduire les jours de fermeture pour les congés, afin de dépasser les quantités jusqu'à présent vendues ; qu'il est donc manifestement inexact de soutenir que la société Total n'avait pas imposé des horaires d'ouverture, et que le secrétaire de la commission mixte institué par l'accord interprofessionnel de 1973 avait reconnu que l'exploitation normale était de 14 heures par jour ; qu'en ne procédant pas à un examen des circonstances de fait pour savoir si la société Total n'avait pas imposé en fait les horaires d'ouverture à M. et Mme X..., de telle sorte que ceux-ci n'étaient pas libres de déterminer leur travail comme ils l'entendaient, et en ne recherchant pas si les conditions d'exploitation de la station-service permettaient, en fait, aux locataires-gérants d'avoir recours à du personnel de complément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu qu'aux termes du contrat conclu entre les parties, si les locataires-gérants étaient tenus sur le plan commercial à un certain nombre d'obligations, notamment d'exploiter conformément aux usages de la profession le fonds de commerce loué, ils restaient maîtres de fixer librement, et sans être tenus de soumettre à l'agrément de l'entreprise bailleresse, l'organisation de leur propre travail notamment quant aux heures de présence et aux périodes de repos ou de congé, ayant par exemple la possibilité, dont il ne semble pas avoir usé, d'engager du personnel ; que dès lors en sa première branche le moyen manque en fait et en sa seconde, sous le couvert non fondé de défaut de base légale, ne tend qu'a remettre en discussion l'appréciation des éléments de preuve par les juges du fond ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le premier moyen ;
Mais sur le second moyen ;
Vu l'article 1382 du Code civil, l'article L. 241 du Code de la Sécurité sociale (ancien) et les articles 1er et 4 du décret n° 45-0179 du 29 décembre 1945 alors en vigueur ;
Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par eux du fait de leur non-affiliation par la société Total au régime général de la sécurité sociale, l'arrêt énonce que cette affiliation, non prévue par le Code du travail, seul visé par l'article L. 781-1 dudit Code, n'était pas de droit et que ne constituait pas une faute, l'abstention de l'employeur, alors que les locataires-gérants, qui en avaient le pouvoir, n'avaient pas demandé leur affiliation au régime général et s'étaient au contraire affiliés à un autre régime ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les gérants de stations-service doivent être obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale dès lors que leur activité entre, comme en l'espèce, dans les prévisions de l'article L. 781-1, 2° du Code du travail et alors que l'employeur sur lequel cette obligation pèse au premier chef ne saurait totalement s'exonérer de la faute résultant de son abstention en invoquant les initiatives que les intéressés ont prises ou auraient pu prendre pour en pallier les conséquences, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement du chef du préjudice pouvant résulter du défaut d'affiliation au régime général de la sécurité sociale l'arrêt rendu le 19 janvier 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens