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20/01/1987 | FRANCE | N°86-90934

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 1987, 86-90934


REJET ET CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

X... Marie-Thérèse, veuve Y..., Y... Elise, Y... Pierre, Y... Marie-Adèle, Z... Camille, C... Geneviève, épouse Z..., Z... Bernadette, Z... Jeanine, A... Jean, A... Denis, parties civiles, contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle) en date du 7 février 1986 qui, dans une procédure suivie contre B... des chefs d'homicide involontaire et de contravention au Code de la route, n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;


Sur le pourvoi en tant qu'il est formé par Marie-Adèle Y... :
Attendu...

REJET ET CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

X... Marie-Thérèse, veuve Y..., Y... Elise, Y... Pierre, Y... Marie-Adèle, Z... Camille, C... Geneviève, épouse Z..., Z... Bernadette, Z... Jeanine, A... Jean, A... Denis, parties civiles, contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble (chambre correctionnelle) en date du 7 février 1986 qui, dans une procédure suivie contre B... des chefs d'homicide involontaire et de contravention au Code de la route, n'a pas entièrement fait droit à leurs demandes.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le pourvoi en tant qu'il est formé par Marie-Adèle Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Sur le premier moyen de cassation, propre aux consorts Z... et A..., et pris de la violation des articles 1134 et 1382 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a écarté l'indemnisation des préjudices moraux des consorts Z... et A..., neveux et nièces de la victime ;
" au seul motif que la jurisprudence de la Cour n'accorde des préjudices moraux qu'à l'époux (l'épouse), les enfants, les grands-parents, les frères et soeurs du défunt ;
" alors, d'une part, que les juges du fond statuant sur les intérêts civils doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, ni le prévenu, ni son assureur n'invoquaient l'irrecevabilité de l'action civile des neveux et nièces du défunt ; que ces parties civiles sollicitaient, en revanche, une majoration de l'indemnité allouée ; que, dès lors, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine ;
" alors, d'autre part, que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que les neveux et nièces sont recevables à invoquer un préjudice moral ; que, par suite, la cour d'appel, qui statue par un motif d'ordre général, en se bornant à invoquer la jurisprudence de la cour d'appel de Grenoble, sans rechercher si ces parties civiles pouvaient justifier d'un préjudice personnel, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Sur la seconde branche du moyen :
Vu lesdits articles, ensemble l'article 5 du Code civil ;
Attendu que, selon l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
Attendu, en outre, qu'aux termes de l'article 5 du Code civil, il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ;
Attendu que statuant sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident de la circulation dont B..., reconnu coupable d'homicide involontaire sur la personne de Pierre-Roger Y..., avait été déclaré responsable, la cour d'appel, saisie par des neveux et petits-neveux de la victime d'actions en réparation du préjudice moral que leur avait causé le décès de leur oncle et grand-oncle, a écarté leurs demandes au seul motif " que la jurisprudence de la Cour n'accorde des préjudices moraux qu'à l'époux (l'épouse), les enfants, les grands-parents, les frères et soeurs du défunt " ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi par une simple référence à sa jurisprudence habituelle, sans rechercher, comme elle devait le faire, si l'infraction n'avait pas, en l'espèce, causé à chacun des demandeurs un préjudice moral, la juridiction du second degré a violé les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le second moyen de cassation, propre à Marie-Thérèse X..., veuve Y..., à Elise Y... et à Pierre-Casimir-Emilien Y..., et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'accorder la réparation du préjudice matériel subi par la veuve, le frère et la soeur du défunt ;
" aux motifs que le défunt, son frère et sa soeur mettaient leurs ressources en commun ; que tous quatre nécessitaient des soins permanents ; que Pierre s'occupait de sa femme, de sa soeur et de son frère, tous trois invalides, et les aidait dans leur genre de vie quotidienne ; que, si Pierre les a soignés tout seul, jusqu'au 14 septembre 1984, ils n'étaient pas matériellement à sa charge ; qu'il en sera de même à l'avenir pour Elise et Emilien ; quant à Marie-Thérèse, veuve, elle percevra la pension de réversion de Pierre, outre l'allocation du fonds national de solidarité ; qu'ainsi, compte tenu de la part que pouvait absorber Pierre de ces revenus, de son vivant, il conviendra d'écarter les préjudices économiques sollicités ;
" alors, d'une part, que les juges du fond doivent tenir compte de tous les chefs de dommage, aussi bien matériel que corporel ou moraux découlant des faits, objets de la poursuite, pour en réparer l'intégralité ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait sans se contredire nier l'existence d'un préjudice matériel, après avoir constaté que la victime avait soigné tout seul, jusqu'au 14 septembre 1984, sa femme, sa soeur et son frère, tous trois invalides nécessitant des soins constants, et qu'il les aidait dans leur vie quotidienne ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait davantage nier l'existence d'un préjudice économique, sans répondre aux conclusions des demandeurs dans lesquelles il était soutenu que la charge d'une tierce personne s'occupant du frère aveugle absorbait la quasi-totalité des revenus des parties civiles mis en commun, et que celles-ci ne disposaient plus que d'environ 5 000 francs par trimestre pour vivre " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si les juges apprécient souverainement le préjudice causé par l'infraction à celui qui s'en prétend victime, ils doivent tenir compte de tous les chefs de dommage découlant des faits objet de la poursuite pour en réparer l'intégralité ;
Attendu que saisie par la veuve, le frère et une soeur de Pierre-Roger Y... de demandes de réparation du préjudice patrimonial que leur causait le décès de ce dernier, la cour d'appel a notamment relevé que l'intéressé s'occupait de sa femme, de sa soeur et de son frère, tous trois âgés et invalides, les " aidait dans leur genre de vie quotidienne ", et les avait soignés seul jusqu'à la date de l'accident ; qu'elle a néanmoins rejeté les demandes au motif que les sommes dont pouvaient disposer les demandeurs depuis le décès de leur époux et frère n'étaient pas inférieures à ce qu'elles étaient auparavant ;
Mais attendu qu'en refusant, par ce motif inopérant, de réparer un dommage dont elle avait elle-même constaté la réalité et qui résultait pour les demandeurs de la privation de l'assistance que leur apportait la victime, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi en tant qu'il est formé par Marie-Adèle Y... ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble en date du 7 février 1986, mais seulement en ses dispositions afférentes à la réparation du préjudice moral des consorts Z... et A... et du préjudice patrimonial de Marie-Thérèse X... veuve Y..., d'Elise Y... et de Pierre-Casimir-Emilien Y..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Chambéry.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-90934
Date de la décision : 20/01/1987
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Evaluation - Appréciation souveraine des juges du fond - Principe - Limites - Référence à des règles établies à l'avance.

1° Selon l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction ; en outre, aux termes de l'article 5 du Code civil, il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Méconnaît ces principes la cour d'appel qui, par une simple référence à sa jurisprudence habituelle, refuse toute indemnité pour préjudice moral à certains ayants droit de la victime d'un accident mortel.

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Réparation intégrale - Nécessité - Homicide involontaire - Ayants droit de la victime - Privation de l'assistance apportée par celle-ci.

2° Si les juges apprécient souverainement le préjudice causé par l'infraction à celui qui s'en prétend victime, ils doivent tenir compte de tous les chefs de dommage découlant des faits objet de la poursuite pour en réparer l'intégralité. Méconnaît cette règle la cour d'appel qui refuse aux ayants droit de la victime d'un accident mortel toute indemnité au titre de leur préjudice patrimonial, bien qu'elle eût constaté qu'ils étaient désormais privés de l'assistance matérielle que leur apportait leur auteur.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 07 février 1986

(1°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1970-02-04, bulletin criminel 1970 N° 49 p. 115 (Cassation partielle). (1°) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1976-04-13, bulletin criminel 1976 N° 116 p. 286 (Rejet). (2°) CONFER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-11-08, bulletin criminel 1978 N° 306 p. 787 (Cassation) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jan. 1987, pourvoi n°86-90934, Bull. crim. criminel 1987 N° 25 p. 59
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 25 p. 59

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bruneau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Clerget
Rapporteur ?: Rapporteur :M. de Bouillane de Lacoste
Avocat(s) : Avocats :MM. Choucroy et Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.90934
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