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04/07/1985 | FRANCE | N°83-17155

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 04 juillet 1985, 83-17155


Mme veuve X... et ses enfants se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 6 juillet 1977 rendu au profit de la Banque Rothschild, devenue L'Européenne de Banque.

Cet arrêt ayant été cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation à la date du 5 février 1980, la cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Reims qui a statué par arrêt du 11 octobre 1983.

L'Européenne de Banque s'est pourvue contre ce dernier arrêt en formulant un moyen unique, identique à celui qui avait été invoqué contre la d

écision de la Cour d'appel de Paris.

Par ordonnance du 11 février 1985, Mme l...

Mme veuve X... et ses enfants se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 6 juillet 1977 rendu au profit de la Banque Rothschild, devenue L'Européenne de Banque.

Cet arrêt ayant été cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation à la date du 5 février 1980, la cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Reims qui a statué par arrêt du 11 octobre 1983.

L'Européenne de Banque s'est pourvue contre ce dernier arrêt en formulant un moyen unique, identique à celui qui avait été invoqué contre la décision de la Cour d'appel de Paris.

Par ordonnance du 11 février 1985, Mme le Premier Président de la Cour de cassation a renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière.

Le moyen unique invoqué devant cette assemblée est ainsi conçu :

"Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande en réparation du préjudice que leur avait causé la Société Européenne de Banque en exécutant des actes de disposition portant sur des valeurs indivises, sur les seules instructions de Mme veuve X....

AUX MOTIFS que si la présomption édictée par l'article 221 alinéa 2 du Code civil, qui est un effet du mariage, ne saurait interdire aux héritiers du conjoint du titulaire du compte, marié sous le régime de la communauté légale, de se prévaloir de la présomption d'acquêts édictée par l'article 1402 du Code civil, la dissolution du mariage ne saurait cependant obliger le banquier dépositaire ayant connaissance du décès à prendre l'initiative d'un blocage du compte personnel du survivant et d'un refus d'exécution des ordres de celui-ci tant que le blocage du compte ne lui aura pas été demandé par des héritiers justifiant de leur qualité et qu'aucun des héritiers de Félix X... ne justifie avoir demandé le blocage du compte de Mme veuve X... à la banque Rothschild.

ALORS QUE, D'UNE PART, la présomption édictée par l'article 221 du Code civil selon laquelle "l'époux déposant est réputé, à l'égard du dépositaire, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt" cesse de produire ses effets lors de la dissolution du mariage si bien qu'en décidant que la banque qui avait eu connaissance du décès d'un époux demeurait protégée par cette présomption tant que le blocage du compte ne lui avait pas été demandé par les héritiers justifiant de leur qualité, la Cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé.

ET ALORS, D'AUTRE PART, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par les conclusions des consorts X..., si la banque Rothschild n'avait pas commis une faute en exécutant des actes de disposition sur des valeurs, dont elle connaissait le caractère indivis, sur les instructions d'un seul des indivisaires et sans en informer les autres, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décison au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil".

Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation pr la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat des consorts X....

Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour,

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., mariée en 1909 sans contrat de mariage, s'était fait ouvrir, en son nom personnel, un compte de titres à la Banque Rothschild, devenue depuis l'Européenne de Banque ; qu'après le décès, en août 1973, de son mari Félix X..., elle a vendu seule, en octobre 1973, des titres de rente et a acquis, en remplacement, des bons de caisse ; que, l'opération s'étant révélée désavantageuse, les héritiers de Félix X... ont assigné la banque en dommages-intérêts en soutenant qu'ayant eu connaissance du décès, la banque n'aurait pu procéder à cette opération sans leur accord ; que l'arrêt confirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation, a rejeté cette demande, sur le fondement de l'article 221, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, pour critiquer cette décision, les consorts X... soutiennent, en premier lieu, que la règle édictée par cet article cesse de produire effet lors de la dissolution du mariage, de sorte que la Cour d'appel n'aurait pas dû en accorder le bénéfice à la banque, qui avait eu connaissance du décès ; qu'il est prétendu, en second lieu, que la Cour d'appel aurait dû rechercher si la banque n'avait pas commis une faute en exécutant des actes de disposition sur des valeurs dont elle connaissait le caractère indivis, sur les instructions d'un seul des indivisaires et sans en informer les autres ;

Mais attendu que l'article 221, alinéa 2, du Code civil, aux termes duquel l'époux déposant est réputé, à l'égard du dépositaire, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt, dispense le dépositaire de procéder à toute vérification de propriété ou de pouvoir au moment où ces fonds ou titres sont déposés et tient en échec à son égard la présomption de communauté ; que cette dispense ne peut être remise en cause rétroactivement par le décès de l'un des époux ; qu'en effet, si la règle de l'article 221 précité cesse d'être applicable après la dissolution du mariage, les effets qu'elle a produits antérieurement doivent être respectés ; que. s'il n'a pas reçu opposition des héritiers, le dépositaire ne peut donc prendre aucune initiative en ce qui concerne le fonctionnement du compte ;

Et attendu qu'en l'absence d'une telle opposition, la banque était fondée à considérer les titres comme appartenant à Mme veuve X... et que les juges n'avaient donc pas à rechercher si elle avait commis une faute en exécutant sur eux des actes de disposition décidés par sa cliente ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 83-17155
Date de la décision : 04/07/1985
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

MARIAGE - Effets - Compte de titres ouvert par un époux en son nom personnel - Libre disposition - Présomption à l'égard du dépositaire - Décès du conjoint - Absence d'opposition des héritiers - Portée.

* BANQUE - Compte - Compte de titres - Compte de titres ouvert par un époux en son nom personnel - Libre disposition - Présomption à l'égard du dépositaire - Décès du conjoint - Absence d'opposition des héritiers - Effets.

* COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Dissolution - Effets - Compte de titres ouvert par un époux en son nom personnel - Présomption de libre disposition à l'égard du dépositaire - Absence d'opposition des héritiers - Portée.

* VALEURS MOBILIERES - Compte de titres ouvert par un époux en son nom personnel - Libre disposition - Présomption à l'égard du dépositaire - Décès du conjoint - Absence d'opposition des héritiers - Effets.

L'article 221, alinéa 2, du Code civil aux termes duquel l'époux déposant est réputé, à l'égard du dépositaire, avoir la libre disposition des fonds et des titres en dépôt, dispense le dépositaire de procéder à toute vérification de propriété ou de pouvoir au moment où ces fonds ou titres sont déposés et tient en échec à son égard la présomption de communauté. Cette dispense ne peut être remise en cause rétroactivement par le décès de l'un des époux et les effets résultant de l'application de cette règle, produits antérieurement à la dissolution du mariage, doivent être respectés. Par suite, ne saurait être recherchée, en l'absence d'opposition des héritiers du mari, la responsabilité de la banque qui a exécuté sur les titres, déposés sur le compte de titres ouvert par la femme, des actes de disposition décidés par sa cliente devenue veuve.


Références :

Code civil 221 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, audience solennelle, 11 octobre 1983

Cour de Cassation, chambre commerciale, 1980-02-05, Bulletin 1980 IV n° 62 p. 49 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 04 jui. 1985, pourvoi n°83-17155, Bull. civ. 1985 A.P. N. 4 p. 7
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1985 A.P. N. 4 p. 7

Composition du Tribunal
Président : P.Pdt. Mme Rozès
Avocat général : P.Av.Gén. M. Cabannes
Rapporteur ?: Rapp. M. Ponsard
Avocat(s) : Av. demandeur : SCP Lyon-Caen Fabiani et Liard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1985:83.17155
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