LA COUR DE CASSATION, statuant en assemblée plénière, a rendu l'arrêt suivant :
M. et Mme X... se sont pourvus en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel d'Agen, en date du 12 mai 1980. Le Premier Président de la Cour de Cassation, constatant que le pourvoi pose la question de savoir s'il est possible d'imputer à un enfant, auteur de blessures involontaires, l'entière responsabilité de l'accident sans rechercher si cet enfant avait un discernement suffisant pour être l'objet d'une telle imputation ; qu'il s'agit d'une question de principe et que les juges du fond divergent sur la solution susceptible d'être apportée à ce problème a, par ordonnance du 17 mars 1983, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière. M. et Mme X... invoquent, devant cette assemblée, le moyen unique de cassation suivant :
"Pris de ce que l'arrêt attaqué a déclaré un enfant âgé de trente mois responsable sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil, par ces motifs que l'insuffisance de discernement tenant à un très jeune âge en ce qu'elle lui était propre ne saurait être regardée comme une cause extérieure ou étrangère, exonératoire de sa responsabilité de gardien du morceau de bois, alors que l'imputation d'une responsabilité présumée implique la faculté de discernement ; que la Cour a donc violé par fausse application l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil". Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au Secrétariat-Greffe de la Cour de Cassation par la société civile professionnelle Lemanissier et Roger, avocat de M. et Mme X.... Un mémoire en défense et un mémoire complémentaire a été produit par la société civile professionnelle Boré, Capron et Xavier, avocat de M. Y... ès qualités. Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour, statuant en Assemblée plénière, Sur le rapport de M. le Conseiller Fédou, les observations de la société civile professionnelle Lemanissier et Roger, avocat de M. et Mme X..., de la société civile professionnelle Boré et Xavier, avocat de M. Y... ès qualités, les conclusions de M. Cabannes, Premier Avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré en Chambre du Conseil,
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 mai 1980), que le 30 juin 1975, l'enfant Eric X..., alors âgé de 3 ans, en tombant d'une balançoire improvisée constituée par une planche qui se rompit, éborgna son camarade Philippe Y... avec un bâton qu'il tenait à la main ; que M. Lucien Y..., agissant en qualité d'administrateur légal des biens de son fils, assigna ses parents, les époux X..., en tant qu'exerçant leur droit de garde, en responsabilité de l'accident ainsi survenu ; Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré Eric X... responsable sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, alors, selon le moyen, que l'imputation d'une responsabilité présumée implique la faculté de discernement ; que la Cour d'appel a donc violé par fausse application l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil ; Mais attendu qu'en retenant que le jeune Eric avait l'usage, la direction et le contrôle du bâton, la Cour d'appel qui n'avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement, a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 12 mai 1980 par la Cour d'appel d'Agen ;