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10/07/2025 | FRANCE | N°22VE01944

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 22VE01944


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes émis par la commune de Wissous le 13 mai 2016 pour un montant de 17 886 euros, correspondant au remboursement de ses indemnités de fonction en tant qu'adjointe au maire, pour la période comprise entre avril 2011 et septembre 2013, et de prononcer la décharge intégrale de cette somme.



Par un jugement n° 1606332 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Versa

illes a annulé ce titre de recettes et a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes émis par la commune de Wissous le 13 mai 2016 pour un montant de 17 886 euros, correspondant au remboursement de ses indemnités de fonction en tant qu'adjointe au maire, pour la période comprise entre avril 2011 et septembre 2013, et de prononcer la décharge intégrale de cette somme.

Par un jugement n° 1606332 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé ce titre de recettes et a déchargé l'intéressée de l'obligation de payer cette somme de 17 886 euros.

Par une ordonnance n° 18VE04305 du 22 janvier 2021, le président assesseur de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Wissous contre ce jugement.

Par une ordonnance n° 450944 du 1er août 2022, le conseiller d'Etat désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 18VE04305, le 25 décembre 2018 et le 27 mai 2020, puis par des mémoires enregistrés après cassation et renvoi de l'affaire devant la cour, sous le n° 22VE01944, le 27 février 2023 et le 3 mai 2023, la commune de Wissous, représentée par Me Beaulac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1606332 du 25 octobre 2018 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener à 365,11 euros la somme due par Mme A... ;

4°) et de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'a pas été signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, dès lors que les versements mensuels d'indemnités accordés à Mme A... n'ont pas constitué des décisions individuelles créatrices de droit mais de simples mesures de liquidation fondées sur la délibération instituant le régime indemnitaire des élus de la commune du 31 mars 2011 ;

- l'auteur du titre de recettes en litige disposait d'une délégation de signature suffisamment claire et précise, sur le fondement d'un arrêté régulièrement publié ; le bordereau de titres comporte la signature ainsi que le nom et le prénom du maire ; le titre de recettes et le bordereau de titres de recettes ont été signés par la même personne ;

- Mme A... ne bénéficiait d'aucun droit acquis au versement d'une indemnité sur le fondement des précédentes délibérations du 2 avril 2008 et du 19 mai 2008, dès lors que ces délibérations avaient été adoptées dans des circonstances de fait et de droit différentes, le nombre d'adjoints et de conseillers municipaux en fonction ayant évolué ;

- le recouvrement des indemnités perçues depuis avril 2011 n'est pas contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la perception d'indemnités de fonction dans le cadre d'un mandat électif ne saurait se rattacher à un bien patrimonial ;

- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée, aucune faute ne lui étant imputable et le préjudice allégué n'étant pas établi.

Par des mémoires en défense enregistrés, sous le n°18VE04305, le 27 septembre 2019, puis sous le n° 22VE01944, le 14 octobre 2022 et le 31 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête, et à la mise à la charge de la commune de Wissous de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- les carences fautives de l'administration ayant conduit à l'existence d'un trop-perçu peuvent ouvrir droit à une réparation des préjudices qui en résultent ; dans cette hypothèse, le juge administratif, saisi d'une demande dirigée contre un titre de perception, peut, dans le cadre de son office de juge de plein contentieux, procéder à une compensation entre la dette de l'agent telle qu'elle résulte du trop-perçu et celle de l'administration résultant de sa carence, alors même qu'il n'est pas formellement saisi de conclusions indemnitaires ; en application de cette jurisprudence, Mme A... ne saurait être tenue de rembourser l'intégralité de cette somme et il sera fait une juste appréciation de la somme qu'elle doit rembourser en la limitant à celle versée en dépassement du montant maximal indemnitaire légal, soit une somme excédentaire de 365,11 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 avril 2025.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Beaulac pour la commune de Wissous et de Me Goldnadel pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été adjointe au maire de la commune de Wissous, à compter d'avril 2008, jusqu'à sa démission acceptée par le préfet le 10 septembre 2013. Par une délibération du 31 mars 2011, le conseil municipal de la commune de Wissous a décidé de fixer un nouveau montant brut mensuel de l'indemnité de fonctions des élus de la commune, en remplacement du régime indemnitaire précédemment voté, en deux temps, par une délibération du 2 avril 2008 s'agissant du maire et de ses adjoints, puis par une délibération du 19 mai 2008 s'agissant des conseillers municipaux titulaires d'une délégation du maire. Le préfet de l'Essonne a formé un déféré préfectoral contre cette délibération du 31 mars 2011, qui a été annulée par le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1104898 du 3 juillet 2014, lequel est devenu définitif faute d'appel, au motif que le plafond légal des indemnités susceptibles d'être allouées aux élus de la commune avait été dépassé. Plusieurs conseillers municipaux de la commune de Wissous, dont Mme A..., non appelés en la cause devant le tribunal administratif, ont formé tierce opposition contre le jugement du 3 juillet 2014, qui a été rejetée en dernier lieu par un arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 2022, n° 452223. Avant cette intervention du Conseil d'Etat, le nouveau maire de la commune de Wissous, élu en mars 2014, a entendu tirer les conséquences du jugement précité du tribunal administratif et a émis le 13 mai 2016 à l'encontre de Mme A..., comme par ailleurs à l'encontre des autres élus municipaux concernés, un titre exécutoire en vue du recouvrement des sommes perçues par l'intéressée en qualité d'adjointe au maire entre avril 2011 et septembre 2013. Par un jugement n° 1606332 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé le titre de recettes n° 42-354 et a prononcé la décharge de la somme de 17 886 euros. Par une ordonnance du 22 janvier 2021, le président assesseur de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Wissous contre ce jugement. Par une ordonnance du 1er août 2022, le conseiller d'Etat désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature de la présidente de la formation de jugement, du rapporteur ainsi que celle du greffier d'audience, conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature de ce jugement manque en fait et doit être écarté.

Sur la légalité du titre de recettes du 13 mai 2016 et la créance y afférente :

En ce qui concerne le motif d'annulation et de décharge de l'obligation de payer retenu par les premiers juges :

4. Pour annuler le titre de recettes en litige et décharger Mme A... de l'obligation de payer la somme de 17 886 euros, les premiers juges ont estimé que le versement mensuel au bénéfice de l'intéressée d'une indemnité de fonctions, entre avril 2011 et septembre 2013, devait être regardé comme révélant autant de décisions individuelles créatrices de droits et qu'en conséquence, l'annulation définitive par le tribunal administratif de Versailles de la délibération du 31 mars 2011 établissant le régime indemnitaire des élus de la commune de Wissous ne pouvait avoir eu pour effet d'autoriser la commune à recouvrer le montant des indemnités déjà versées au-delà d'un délai de quatre mois suivant leur versement.

5. Cependant, d'une part, la délibération du 31 mars 2011, annulée par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 2014, qui est devenu définitif, doit être réputée n'être jamais intervenue. D'autre part, les versements intervenus entre avril 2011 et septembre 2013 au bénéfice de Mme A... constituaient de simples mesures de liquidation fondée sur cette délibération réputée n'être jamais intervenue. Ces versements ne pouvaient donc être regardés comme autant de décisions constitutives de décisions individuelles créatrices de droit. Par suite, la commune de Wissous est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit sur ce point pour annuler le titre de recettes n° 42-354 du 13 mai 2016 et accorder la décharge correspondante.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Versailles et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués à fin d'annulation du titre de recettes du 13 mai 2016 et à fin de décharge :

7. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

S'agissant de la créance de la commune :

8. En premier lieu, le tribunal administratif de Versailles a annulé, par un jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014, la délibération du 31 mars 2011 fixant le nouveau régime indemnitaire des élus de la commune de Wissous. Si ce jugement n'a pas été frappé d'appel, plusieurs élus du conseil municipal de Wissous, dont Mme A..., non appelés en la cause, ont formé une tierce opposition. Celle-ci a toutefois été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1606329 du 25 octobre 2018. L'appel formé contre ce jugement a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles n° 18VE04315 du 4 mars 2021. Le pourvoi en cassation contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt du Conseil d'Etat n°452223 du 1er juillet 2022. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le titre de recettes en litige, émis en considération de l'annulation de la délibération du 31 mars 2011, serait privé de base légale.

9. En deuxième lieu, Mme A... ne saurait se prévaloir du caractère créateur de droits de la délibération du 31 mars 2011, laquelle doit être réputée n'être jamais intervenue du fait de son annulation par un jugement définitif du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 2014.

10. En troisième lieu, l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales dispose : " Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites ". Aux termes de l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au litige : " I.- Les indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maires et adjoints au maire des communes, de conseillers municipaux des communes de 100 000 habitants et plus, de présidents et membres de délégations spéciales faisant fonction d'adjoint sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique (...). ". L'article L. 2123-23 et le I de l'article L. 2123-24 du même code prévoient les plafonds, calculés en pourcentage du traitement de référence, applicables pour le calcul des indemnités des maires et adjoints en fonction de la population de la commune. Le II de l'article L. 2123-24 du même code dispose que : " L'indemnité versée à un adjoint peut dépasser le maximum prévu au I, à condition que le montant total des indemnités maximales susceptibles d'être allouées au maire et aux adjoints ne soit pas dépassé ". L'article L. 2123-24-1 du même code prévoit en outre que : " (...) II. - Dans les communes de moins de 100 000 habitants, il peut être versé une indemnité pour l'exercice effectif des fonctions de conseiller municipal dans les limites prévues par le II de l'article L. 2123-24 (...) / III. - Les conseillers municipaux auxquels le maire délègue une partie de ses fonctions en application des articles L. 2122-18 et L. 2122-20 peuvent percevoir une indemnité allouée par le conseil municipal dans les limites prévues par le II de l'article L. 2123-24 (...) ". L'article L. 2123-20-1 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose que : " I. - Lorsque le conseil municipal est renouvelé, la délibération fixant les indemnités de ses membres en application de la présente sous-section intervient dans les trois mois suivant son installation (...). / II. - (...) Toute délibération du conseil municipal concernant les indemnités de fonction d'un ou de plusieurs de ses membres est accompagnée d'un tableau annexe récapitulant l'ensemble des indemnités allouées aux membres du conseil municipal ". Enfin, aux termes de l'article L. 2321-2 du même code dans sa version en vigueur : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment (...) 3° Les indemnités de fonction prévues à l'article L. 2123-20, les cotisations au régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 2123-25-2, les cotisations aux régimes de retraites en application des articles L. 2123-27 et L. 2123-28, les cotisations au fonds institué par l'article L. 1621-2 ainsi que les frais de formation des élus mentionnés à l'article L. 2123-14 ".

11. Il résulte de ces dispositions, qui ne prescrivent l'adoption d'aucune nouvelle délibération fixant les indemnités des membres du conseil municipal sinon à l'occasion du renouvellement de ce conseil, qu'à moins qu'elle n'ait été elle-même adoptée expressément pour une durée limitée, toute délibération fixant de telles indemnités demeure en vigueur, aussi longtemps qu'elle n'a pas été retirée, abrogée ou annulée, jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal, sans que la circonstance que des changements aient été apportés à la liste des adjoints et conseillers municipaux bénéficiant d'une délégation de fonctions implique, par elle-même, que la délibération cesse de recevoir application.

12. Il ne résulte pas de l'instruction que les délibérations du conseil municipal de Wissous du 2 avril 2008 et du 19 mai 2008, prises dans les trois mois suivant l'installation du conseil municipal à la suite des élections de mars 2008, auraient uniquement trouvé à s'appliquer pour l'année 2008. Dans ces conditions, il résulte de ce qui a été dit au point précédent, que n'ayant pas été retirées, abrogées ou annulées, elles avaient vocation à rester en vigueur jusqu'au prochain renouvellement du conseil municipal. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que l'annulation de la délibération du 31 mars 2011 a eu pour effet de remettre en vigueur celles des 2 avril 2008 et du 19 mai 2008. Par suite, la créance litigieuse révélée par le titre exécutoire contesté, correspondant à l'intégralité des indemnités versées à Mme A... en sa qualité d'adjointe au maire au cours de la période d'avril 2011 à septembre 2013, est illégale en tant seulement qu'elle porte sur le remboursement d'une somme excédant la différence entre le montant des indemnités nettes que l'intéressée a perçues sur le fondement de la délibération annulée du 31 mars 2011 et le montant des indemnités nettes qu'elle aurait perçues sur le fondement de la délibération remise en vigueur du 2 avril 2008 relative à l'indemnité de fonction des adjoints au maire de la commune de Wissous.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

14. Le droit, reconnu par les stipulations précitées, de toute personne physique ou morale au respect de ses biens ne saurait faire obstacle à ce qu'une collectivité territoriale assure la répétition de sommes qu'elle lui aurait indûment versées et qui ne lui sont pas définitivement acquises. Par suite, en émettant un titre exécutoire à l'encontre de Mme A... et en demandant à cette dernière le paiement de cette somme, la commune de Wissous s'est bornée à constater une créance et à initier une procédure organisée légalement en vue d'en obtenir le recouvrement. Ce faisant, la commune de Wissous ne saurait être regardée comme ayant porté atteinte au respect des biens de Mme A..., au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... doit être déchargée de l'obligation de payer toute somme excédant la différence entre le montant des indemnités nettes qu'elle a perçues sur le fondement de la délibération annulée du 31 mars 2011 et celui des indemnités nettes qu'elle aurait perçues sur le fondement de la délibération remise en vigueur du 2 avril 2008.

S'agissant de la régularité en la forme du titre de recettes :

16. Aux termes du 4° l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur : " (...) En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. "

17. Il résulte de ces dispositions d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur. Lorsque le bordereau est signé non par l'ordonnateur lui-même mais par une personne ayant reçu de lui une délégation de compétence ou de signature, ce sont, dès lors, les noms, prénoms et qualité de cette personne qui doivent être mentionnés sur le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.

18. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire en litige, qui indique expressément qu'il est une " copie destinée au débiteur formant avis des sommes à payer ", émis le 13 mai 2016 et notifié à Mme A..., comporte la mention de l'identité et de la qualité de son émetteur, M. B... C..., maire adjoint chargé des finances. Si la circonstance que cet acte n'est pas signé par son émetteur est sans incidence sur sa régularité, il résulte en revanche de l'instruction que le bordereau de titres de recettes correspondant a été signé par M. E..., maire de la commune, en qualité d'ordonnateur. Mme A... est ainsi fondée à soutenir que le titre exécutoire attaqué est entaché d'une irrégularité en la forme, dès lors que contrairement à ce qu'affirme la commune le signataire du bordereau de titre de recettes diffère de l'émetteur du titre exécutoire en litige, en méconnaissance des exigences énoncées par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

19. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué en appel à l'appui de ce qui doit être regardé comme des conclusions indemnitaires, présentées à titre subsidiaire dans l'hypothèse où d'autres moyens ne seraient pas accueillis au niveau des conclusions principales, que la commune de Wissous n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, annulé le titre exécutoire du 13 mai 2016 émis à l'encontre de Mme A.... Elle est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déchargé Mme A... de l'obligation de payer les sommes qui lui sont réclamées par la commune de Wissous, en n'excluant pas de cette décharge la partie excédant le montant des indemnités de fonction nettes qu'elle aurait dû percevoir sur le fondement de la délibération du conseil municipal de Wissous du 2 avril 2008.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Wissous au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Wissous une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Mme A... est déchargée de l'obligation de payer toute somme correspondant à la différence entre le montant des indemnités nettes qu'elle a perçues sur le fondement de la délibération annulée du 31 mars 2011 et celui des indemnités nettes qu'elle aurait perçues sur le fondement de la délibération du 2 avril 2008 du conseil municipal de Wissous.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1606332 du 25 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Wissous versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Wissous et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

H. CozicLe président,

B. Even

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22VE01944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01944
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Dispositions relatives aux élus municipaux - Indemnités.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;22ve01944 ?
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