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10/07/2025 | FRANCE | N°22VE01035

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 10 juillet 2025, 22VE01035


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner la commune de Wissous à lui verser les sommes de 7 503,86 euros en réparation de son préjudice matériel, et de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, nés des fautes commises par la commune dans le calcul et le versement de ses indemnités de fonction en tant que conseillère municipale d'avril 2011 à avril 2014, et d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Wissous u

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, de condamner la commune de Wissous à lui verser les sommes de 7 503,86 euros en réparation de son préjudice matériel, et de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, nés des fautes commises par la commune dans le calcul et le versement de ses indemnités de fonction en tant que conseillère municipale d'avril 2011 à avril 2014, et d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Wissous une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune aux dépens.

Par un jugement n° 1906995 du 3 mars 2022 le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Wissous à verser à Mme A... la somme correspondant au montant déjà acquitté du remboursement de ses indemnités de fonction, arrêté à la date de notification dudit jugement, et a mis à la charge de la commune de Wissous la somme de 1 000 euros à verser à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, la commune de Wissous, représentée par Me Beaulac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en attendant que le Conseil d'Etat se prononce sur la légalité des titres de recettes émis à l'encontre des élus de la commune de Wissous ;

3°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'a pas été signée par les premiers juges, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que les premiers juges ont estimé que le versement mensuel des indemnités à Mme A... pendant trois ans constituait une décision individuelle et que la commune ne pouvait en demander le remboursement au-delà du délai de quatre mois ;

- la commune de Wissous n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente que soit rendu l'arrêt du Conseil d'Etat sur le pourvoi qu'elle a formé contre les ordonnances de la cour administrative d'appel de Versailles rendues le 22 janvier 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, Mme A... demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1906995 du 3 mars 2022 en tant qu'il rejette sa demande visant à la réparation de ses préjudices moraux ;

2°) de condamner la commune de Wissous à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices moraux ;

3°) et de mettre à la charge de la commune de Wissous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'une somme de 2 575 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité, dès lors que seule la minute et non l'ampliation du jugement notifié aux parties doit être signée ;

- la responsabilité de la commune de Wissous doit être engagée du fait des fautes commises par elle ; la délibération du 31 mars 2011 fixant le montant de l'indemnité de fonction de certains élus de la commune, qui est une décision créatrice de droits, a été annulée par un jugement définitif du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 2014 en raison de son illégalité ; la commune ne pouvait pas demander le remboursement des sommes versées sur le fondement de cette délibération plus de cinq ans après que le délai de quatre mois pour retirer ladite délibération a expiré ; elle-même n'a pas eu de comportement qui exonèrerait, en tout ou partie, la commune de sa responsabilité ;

- la responsabilité de la commune de Wissous doit également être engagée sans faute, pour rupture d'égalité devant les charges publiques ;

- la commune a bénéficié d'un enrichissement sans cause ;

- Mme A... a subi un préjudice matériel à hauteur de 7 503,86 euros, du fait de la demande de remboursement faite par la commune ;

- elle a également subi un préjudice moral à hauteur de 3 000 euros, du fait de l'atteinte à son honneur et à sa réputation.

La clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Cozic,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Beaulac pour la commune de Wissous et de Me Delpech pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été conseillère municipale de la commune de Wissous titulaire d'une délégation du maire à la suite des élections municipales de 2008, jusqu'au renouvellement du conseil municipal en 2014. Par une délibération du 31 mars 2011, le conseil municipal de la commune de Wissous a décidé de fixer un nouveau montant brut mensuel de l'indemnité de fonctions des élus de la commune, en remplacement du régime indemnitaire précédemment voté en deux temps, par délibération du 2 avril 2008 s'agissant du maire et de ses adjoints, puis par délibération du 19 mai 2008, s'agissant des conseillers municipaux titulaires d'une délégation du maire. Le préfet de l'Essonne a formé un déféré préfectoral contre cette délibération du 31 mars 2011, qui a été annulée par le jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014 du tribunal administratif de Versailles, devenu définitif faute d'appel, au motif que le plafond légal des indemnités susceptibles d'être allouées aux élus de la commune a été dépassé. Plusieurs conseillers municipaux de la commune de Wissous, non appelés en la cause devant le tribunal, ont formé tierce opposition contre le jugement du 3 juillet 2014, qui a été rejetée en dernier lieu par un arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 2022, n° 452223. Avant même l'intervention de cet arrêt, le nouveau maire de la commune de Wissous, élu en mars 2014, a entendu tirer les conséquences du jugement précité du tribunal et a émis le 13 mai 2016 à l'encontre de Mme A..., comme par ailleurs à l'encontre des autres élus municipaux concernés pour ce qui les concerne, un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme de 7 503,86 euros au titre du remboursement de l'intégralité des indemnités de fonctions perçues par l'intéressée entre avril 2011 et avril 2014, en qualité de conseillère municipale déléguée, que cette dernière n'a pas contesté. Par une lettre reçue le 20 juin 2019, Mme A... a demandé à la commune de Wissous de lui verser la somme de 7 503,86 euros, en réparation de son préjudice matériel, et à hauteur de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral. L'administration a conservé le silence plus de deux mois sur cette demande, faisant ainsi naître une décision implicite de rejet. Le tribunal administratif de Versailles a, par un jugement n° 1906995 du 3 mars 2022, condamné la commune à verser à Mme A... la somme correspondant à ce que l'intéressée a déjà effectivement remboursée à la commune à la date du jugement sur le fondement du titre exécutoire du 13 mai 2016 et a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice moral. En appel, la commune de Wissous demande l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de Mme A.... Cette dernière demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement et la condamnation de la commune de Wissous à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'un sursis à statuer :

2. Il résulte de l'instruction que, à la date du présent arrêt, le Conseil d'Etat a rendu un arrêt et des ordonnances sur le pourvoi formé par la commune de Wissous à l'encontre des ordonnances du président assesseur de la 2e chambre de la cour administrative d'appel de Versailles du 22 janvier 2021, rejetant l'appel formé par la commune de Wissous à l'encontre des jugements du tribunal administratif de Versailles du 25 octobre 2018. Les conclusions susvisées sont par suite devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute du jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait. La commune de Wissous n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement qu'il attaque est entaché d'irrégularité sur ce point.

4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur de droit qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué sur le terrain de la régularité.

Sur l'appel principal de la commune de Wissous :

5. La commune se borne à soutenir qu'elle n'a pas commis de faute et que la demande indemnitaire présentée par Mme A... doit en conséquence être rejetée.

6. Il résulte de l'instruction que, par un jugement devenu définitif, daté du 31 juillet 2014, le tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 31 mars 2011 par laquelle le conseil municipal de Wissous a fixé les indemnités des élus de la commune, au motif que le plafond légal des indemnités, prévu à l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales, avait été dépassé. La commune de Wissous a, sur le fondement de cette délibération, versé pendant trois ans à Mme A..., d'avril 2011 à avril 2014, une indemnité mensuelle de fonctions, d'un montant légèrement supérieur à celui qu'elle percevait jusqu'alors sur le fondement de la délibération du conseil municipal du 19 mai 2008. Il est constant que Mme A... a assumé avec constance ses fonctions de conseillère municipale déléguée et qu'elle n'a pas été informée de l'erreur de calcul entachant la délibération du 31 mars 2011. Ainsi, contrairement à ce que la commune de Wissous soutient, le versement mensuel au bénéfice de Mme A... d'indemnités de fonctions, sur une période aussi longue, sur le fondement d'une délibération entachée d'une erreur de calcul, dont il ne saurait être fait grief à l'intéressée de ne pas l'avoir identifiée et dénoncée, est bien constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Wissous n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à Mme A... une somme en réparation des préjudices subis du fait de cette faute qui est de nature à engager sa responsabilité.

Sur l'appel incident de Mme A... :

8. Mme A... se borne, par son appel incident, à demander la condamnation de la commune de Wissous à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi, du fait de l'atteinte à son honneur et à sa réputation résultant de la faute commise par la commune. Elle soutient que cette faute a conduit les habitants de Wissous à croire, sous l'influence de la nouvelle majorité municipale, qu'elle avait " détourné de l'argent public ". Toutefois, les assertions de la requérante sur ce point sont imprécises et ne sont assorties d'aucune pièce en vue de les étayer. La réalité du préjudice allégué par Mme A... ne saurait ainsi être regardée comme établi. Ces conclusions indemnitaires ne peuvent par suite qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Wissous à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle allègue avoir subi.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Wissous demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Wissous une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Wissous est rejetée.

Article 2 : L'appel incident formé par Mme A... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Wissous présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La commune de Wissous versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Wissous et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025 à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Mornet, présidente assesseure,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

Le rapporteur,

H. CozicLe président,

B. Even

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22VE01035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01035
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Dispositions relatives aux élus municipaux - Indemnités.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : SCP GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;22ve01035 ?
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