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09/07/2025 | FRANCE | N°23VE00314

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 09 juillet 2025, 23VE00314


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Immovesle a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2017.



Par un jugement n° 2008058 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 14 novembre 2023, la SAS Immovesle, représentée par Me Rude...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Immovesle a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2017.

Par un jugement n° 2008058 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 février et 14 novembre 2023, la SAS Immovesle, représentée par Me Rudeaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé ses écritures de première instance en répondant à un moyen relatif à l'interprétation de la doctrine administrative, qui n'était pourtant pas soulevé ;

- en s'écartant de la lettre de l'article 219 du code général des impôts et en retenant, pour l'appréciation de la prépondérance immobilière des sociétés civiles immobilières (SCI) Carroblandin et Voblandin, les biens donnés en crédit-bail sans distinguer selon qu'ils sont inscrits à leur actif ou non, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- en jugeant que la mise à disposition des immeubles pris en crédit-bail aux sociétés Espace location et Auto Avenir Distribution faisait obstacle à leur affectation par les SCI à leur propre exploitation, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- les dispositions de l'article 219 du code général des impôts font obstacle à ce que les SCI soient qualifiées de sociétés à prépondérance immobilière, dès lors que les droits afférents aux contrats de crédit-bail litigieux ne figuraient pas à leur actif à la clôture de l'exercice litigieux et ne devaient pas y figurer dès lors qu'aucune levée d'option n'était intervenue ;

- à titre subsidiaire, les droits afférents aux contrats de crédit-bail litigieux étaient affectés à l'exercice par les SCI d'une profession non commerciale de sous-location et étaient, à ce titre, exclus du champ des dispositions du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts ;

- à titre infiniment subsidiaire, les droits à prendre en compte pour la détermination du ratio de prépondérance immobilière ne peuvent être que des droits à caractère immobilier et cette condition ne permet pas d'obtenir en l'espèce un ratio de prépondérance immobilière supérieur à 50%.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 juillet 2023 et 28 mai 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Immovesle ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameau,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Dumeril, représentant la SAS Immovesle.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Immovesle, société holding animatrice de groupe, détenait des participations dans les sociétés civiles immobilières (SCI) Carroblandin et Voblandin, qu'elle a cédées en totalité le 28 mars 2017. Elle a ainsi réalisé une plus-value de cession de titres, d'un montant de 3 880 152 euros, qu'elle a soumise au régime des plus-values à long terme au taux de 0 %. La SAS Immovesle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2015 à 2017, à l'issue de laquelle l'administration a requalifié les titres cédés en titres de sociétés à prépondérance immobilière. Le service a, par conséquent, remis en cause l'application du régime des plus-values à long terme et imposé la plus-value de 3 880 152 euros au taux normal de l'impôt sur les sociétés. Des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés en ont résulté, mises en recouvrement le 31 janvier 2020, que la SAS Immovesle a contestées le 18 février 2020. Sa réclamation ayant été rejetée le 25 septembre suivant, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Versailles qui a rejeté sa demande par un jugement du 15 décembre 2022. Elle fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. A supposer que la SAS Immovesle ait entendu se prévaloir des erreurs de droit qui entacheraient le jugement ou de la dénaturation de ses écritures qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué, elle ne le ferait donc pas utilement.

3. A supposer que la SAS Immovesle ait entendu contester la régularité du jugement en soutenant que le tribunal avait soulevé d'office un moyen tiré du caractère opposable de la doctrine fiscale qui n'était ni soulevé, ni d'ordre public, elle ne le ferait pas valablement, dès lors que ce moyen, d'ailleurs inopérant, a été écarté par les juges de première instance qui ce faisant, n'ont entaché leur jugement d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1. / Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : / (...) / a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Une quote-part de frais et charges égale à 12 % du montant brut des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / (...) / a sexies-0 bis) Le régime des plus et moins-values à long terme cesse de s'appliquer à la plus ou moins-value provenant des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées réalisées à compter du 26 septembre 2007. Sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d'autres sociétés à prépondérance immobilière. Pour l'application de ces dispositions, ne sont pas pris en considération les immeubles ou les droits mentionnés à la phrase précédente lorsque ces biens ou droits sont affectés par l'entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale. (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ".

5. En premier lieu, les dispositions précitées prévoient que les droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier, c'est-à-dire portant sur un bien immobilier à usage professionnel, doivent être pris en compte pour apprécier la prépondérance immobilière de la société non cotée dont les titres ont été cédés. Si, en application du droit comptable, le contrat de crédit- bail ne constitue pas un élément de l'actif du crédit-preneur initial et que seul le contrat de crédit-bail acquis auprès d'un précédent crédit-preneur doit être immobilisé et inscrit à l'actif de son bilan, il reste que les plus-values réalisées lors de la cession de tels contrats par des entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés sont soumises à cet impôt au taux normal. Dans la mesure où les dispositions du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts rappelées ci-dessus répondent, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires à la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 dont est issu le a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts, à un souci de neutralité fiscale et ont pour objet de soumettre les plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière à un taux d'imposition identique à celui applicable lorsque la cession porte sur un bien immobilier, il n'y a pas lieu, pour l'application de ces dispositions, de distinguer, selon que le contrat de crédit-bail a été conclu ou acquis par la société dont les titres ont été cédés. Par suite, la SAS Immovesle n'est pas fondée à soutenir, à titre principal, qu'il n'y avait pas lieu, pour apprécier si les SCI Carroblandin et Voblandin étaient ou non des sociétés à prépondérance immobilière, de tenir compte des contrats de crédit-bail immobilier qu'elles avaient conclus et qui ne figuraient pas à l'actif de leurs bilans, ni que la prépondérance immobilière telle que définie par les dispositions du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts ne doit s'apprécier qu'au regard des seuls éléments inscrits à l'actif de la société.

6. En deuxième lieu, pour l'application des dispositions du I de l'article 219 du code général des impôts, les immeubles affectés par l'entreprise à sa propre exploitation s'entendent exclusivement de ses moyens permanents d'exploitation, à l'exclusion des immeubles qui sont l'objet même de cette exploitation ou qui constituent des placements en capitaux. Il résulte de l'instruction que les deux sociétés civiles exerçaient la seule activité de location de biens immobiliers à des sociétés exploitant une carrosserie et une concession automobile. Dès lors, pour la mise en œuvre des dispositions précitées, ces immeubles ne pouvaient être regardés comme affectés exclusivement à l'exploitation des SCI. L'activité des SCI Carroblandin et Voblandin ne s'analyse donc pas comme l'exercice d'une profession non commerciale au sens du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts, à laquelle ces sociétés auraient pu affecter les droits de crédit-bail qu'elles avaient conclus. Par suite, la SAS Immovesle n'est pas fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que les droits afférents aux contrats de crédit-bail litigieux étant affectés à l'exercice, par les SCI Carroblandin et Voblandin, d'une " profession non commerciale de sous-location ", ils devaient être exclus du champ des dispositions du a sexies-0 bis du I de l'article 219 du code général des impôts.

7. En dernier lieu, la société soutient que les droits résultant de la conclusion d'un crédit-bail immobilier doivent être décomposés entre le droit au bail et le droit au bénéfice de la promesse de vente. Selon elle, le premier, qui présente le caractère d'un droit mobilier, ne devrait donc pas être pris en compte au numérateur du ratio de prépondérance immobilière. Si le second présente, quant à lui, le caractère d'un droit immobilier, sa valeur est nulle avant la levée de l'option d'achat. Elle en déduit qu'en l'espèce, le ratio de prépondérance immobilière n'était pas supérieur à 50 %. Toutefois, les droits résultant de la conclusion par les SCI Carroblandin et Voblandin de contrats de crédit-bail immobilier, même ainsi décomposés, étaient en tout état de cause afférents, au sens de l'article 219 a sexies-0 bis précité, à ces contrats et devaient être inclus dans leur actif pour déterminer leur ratio de prépondérance immobilière, ce que l'administration a donc fait à bon droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Immovesle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin de décharge doivent ainsi être rejetées, ainsi, par voie de conséquence, que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Immovesle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié la SAS Immovesle et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Hameau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2025.

La rapporteure,

M. HameauLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23VE00314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00314
Date de la décision : 09/07/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : DELOITTE, SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-09;23ve00314 ?
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