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08/07/2025 | FRANCE | N°24VE00816

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 08 juillet 2025, 24VE00816


Vu les autres pièces du dossier.



Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.



Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.



Les parties ont été

régulièrement averties du jour de l'audience.



Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience p...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... ressortissant nigérian, né le 4 juin 1993, a déclaré être entré sur le territoire français en janvier 2020. Il a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile qui lui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) du 25 novembre 2020. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 10 novembre 2021. M. A... a ensuite sollicité une demande de réexamen le 26 avril 2022, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité en date du 13 mai 2022. Par la suite, M. A... a présenté une nouvelle demande de réexamen au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de Nanterre. L'Office français de protection des réfugiés et apatride (OFPRA) ayant rejeté sa demande de réexamen, il a ensuite formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 novembre 2023. Par un arrêté du 19 décembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 27 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de l'éloignement et lui interdisant le retour sur ce territoire pour une durée de deux ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles les décisions en litige sont fondées, permettant à M. A... d'en critiquer utilement les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné, de manière circonstanciée et précise, la situation administrative, personnelle, professionnelle et familiale de M. A.... Le requérant ne remet pas en cause les faits de violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours ni l'existence d'une mesure d'éloignement prononcée le 20 juillet 2021 à son encontre. Dès lors, l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur de fait qui révélerait que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin :/ 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes :/ a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ;/ c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; / e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 2° Lorsque le demandeur : / a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ;/ b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ;/ c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (...) ".

5. M. A... soutient que le préfet a retenu à tort qu'il était dépourvu de titre de séjour alors qu'ayant sollicité le statut de réfugié, il était en droit de bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour. Toutefois il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile par une décision du 25 novembre 2020, laquelle a été confirmée par la CNDA le 10 novembre 2021. L'intéressé a présenté trois demandes de réexamens, lesquelles ont toutes été jugées irrecevables par des décisions du directeur de l'OFPRA rendues les 13 mai 2022, 14 octobre 2022 et 23 octobre 2023. Cette décision d'irrecevabilité a été confirmée par la CNDA le 11 janvier 2023 de sorte que le requérant, en application des dispositions de l'article L. 542-2 précité ne bénéficiait plus d'un droit au maintien sur le territoire français. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché son arrêté d'illégalité en retenant l'absence de titre de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour et n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation dans l'édiction de sa mesure d'éloignement. Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1 - Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

7. Le requérant se prévaut de la présence de son ex-compagne et de ses trois filles vivant sur le territoire allemand. Toutefois, ses trois enfants sont de nationalité allemande et il ne justifie pas de la réalité de sa contribution à l'éducation et à leur entretien, et n'établit pas entretenir des liens avec elles. En effet, à l'exception des actes de naissances produits, ainsi que des titres de séjours, l'ensemble des pièces qu'il verse à l'instance ne permettent pas de justifier, de façon précise et probante, la nature de ses relations avec ses filles. Dans ces conditions, eu égard de l'absence de preuve des liens qu'il entretiendrait avec ses filles et surtout à la circonstance qu'elles résident en Allemagne, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en édictant les arrêtés attaqués, n'a pas porté au droit du requérant au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ces arrêtés en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ni méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. M. A... soutient que la décision fixant le pays de destination contenue dans l'arrêté contesté l'expose à des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, en se bornant à se prévaloir d'éléments généraux quant à sa situation au Nigéria, sans produire aucun élément précis et circonstancié, il n'établit pas qu'il serait effectivement et personnellement exposé à des risques de subir des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Et, aux termes de l'article L.612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

11. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente, en l'absence de circonstance humanitaire, doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour qu'elle entend prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit, d'une part, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs et, d'autre part, attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger et de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

12. M. A... soutient qu'aucune circonstance ne justifiait la décision de lui interdire le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. Toutefois, dès lors qu'il n'a pas été accordé au requérant un délai de départ volontaire et compte tenu de la courte durée de séjour sur le territoire français ainsi que de la circonstance que ses enfants résident en Allemagne, M. A... ne peut être regardé comme pouvant se prévaloir de l'existence de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'édiction de toute interdiction de retour.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2025.

Le rapporteur,

J.-E. PilvenLe président,

F. Etienvre

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24VE0816002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00816
Date de la décision : 08/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : MOPO KOBANDA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-08;24ve00816 ?
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