Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le maire de Gennevilliers lui a ordonné de procéder à l'évacuation des occupants de l'immeuble situé 51 rue Pierre Timbaud, de condamner l'accès à la parcelle et de renforcer la sous-face de l'escalier menant au premier étage, tout en subordonnant la réintégration des lieux à la réalisation de travaux complémentaires.
Par un jugement n° 2006742 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Marceau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gennevilliers une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction dans ses motifs, d'une dénaturation des faits et d'une erreur de droit ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors que l'état du bâtiment ne présentait pas de risque particulièrement grave et imminent justifiant que le maire intervienne au titre de ses pouvoirs de police générale pour prescrire de nouvelles mesures et ordonner l'évacuation des lieux ; en effet, les mesures urgentes préconisées par l'expert désigné par le tribunal administratif et prescrites par l'arrêté de péril imminent avaient toutes été réalisées à la date du 12 juin 2020, les autres professionnels ayant examiné l'immeuble n'ont pas conclu à une situation d'extrême urgence et le temps mis par la commune pour réagir après que l'exposante l'ait informée que les travaux prescrits avaient été réalisés démontre qu'il n'y avait aucune urgence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, la commune de Gennevilliers, représentée par Me Salaün, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté attaqué du 12 juin 2020 a été abrogé par un arrêté du maire du 12 mars 2021 ;
- l'argument tiré de ce que, hormis l'architecte du patrimoine qu'elle avait mandaté pour contrôler l'état de l'immeuble à la suite des demandes de mainlevées formées par la requérante, les autres professionnels intervenus sur le site n'auraient constaté aucune situation d'urgence, est inopérant et, en tout état de cause, infondé ;
- il est permis de douter de l'impartialité ou, a minima, de la compétence de M. D... ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivité territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bahaj,
- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Montagne, pour la commune de Gennevilliers.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... est propriétaire d'un immeuble situé 51 rue Pierre Timbaud à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Ce bâtiment, de type R+2, comprend un restaurant au rez-de-chaussée ainsi que deux logements locatifs par étage. Par un arrêté de péril imminent du 9 mars 2020, pris sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, le maire de la commune a mis en demeure, d'une part, l'exploitant du restaurant, de faire mettre en sécurité le réseau électrique du faux-plafond de son établissement dans un délai de 24 heures et, d'autre part, Mme C..., de faire mettre en sécurité le réseau électrique de la cave et de procéder à la dépose d'un volet du premier étage dans le même délai de 24 heures. Par cet arrêté, le maire a également enjoint à Mme C... de faire réaliser par un bureau d'études techniques, dans un délai de dix jours, une étude de conception d'un renforcement provisoire du bâtiment puis de mettre en œuvre les travaux de renforcement ainsi préconisés dans un délai de deux semaines à compter de la réception du rapport. Mme C... ayant demandé, par deux fois, la mainlevée du péril imminent, la commune de Gennevilliers a mandaté un architecte du patrimoine pour se rendre sur les lieux le 9 juin 2020. Sur la base des premières conclusions de ce dernier reçues le 11 juin 2020, le maire a, par un arrêté du 12 juin 2020 pris sur le fondement des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, enjoint à Mme C... d'évacuer et reloger l'ensemble des occupants de l'immeuble et de condamner l'accès à la parcelle dans un délai de 48 heures ainsi que de renforcer la sous-face de l'escalier menant au premier étage dans un délai de 72 heures. Par cet arrêté, le maire a également subordonné la réintégration des lieux par les occupants à la réalisation de travaux complémentaires, comprenant notamment l'étaiement du mur pignon [droit] ainsi que la vérification de la résistance du plancher bas du logement du premier étage porte gauche et du plancher haut de la cave et leur renforcement en cas d'insuffisance. Mme C... relève appel du jugement du 7 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché de contradiction dans ses motifs, de dénaturation des faits ou d'erreur de droit. Les moyens soulevés en ce sens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. D'une part, l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " I.- Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. (...) / Si l'état du bâtiment, ou d'une de ses parties, ne permet pas de garantir la sécurité des occupants, le maire peut assortir l'arrêté de péril d'une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux qui peut être temporaire ou définitive. (...) / V.- Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire de procéder à cette exécution dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti par la mise en demeure, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, rendue à sa demande. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3 de ce code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. (...) / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. ".
5. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions citées au point 3 des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres. Toutefois, en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l'exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées, y compris la démolition de l'immeuble.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble en litige présente un problème structurel global au niveau de son extrémité Sud, qu'ont unanimement relevé l'experte judiciaire désignée par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 28 février 2020, le bureau d'études techniques mandaté par Mme C... en exécution de l'arrêté de péril imminent du 9 mars 2020, ainsi que l'architecte du patrimoine chargé par la commune d'examiner à nouveau l'état du bâtiment le 9 juin 2020. Les différents rapports ainsi rédigés font état d'un enfoncement du pignon Sud et de son angle côté rue, se traduisant par de nombreuses fissures et un phénomène de décrochage intérieur. Ces désordres, qui seraient dus aux différences affectant la profondeur des fondations des différents murs du bâtiment, sont non seulement évolutifs, mais sont également aggravés par l'humidité largement présente dans la maçonnerie. Si, ainsi que l'avait préconisé le bureau d'études précité, un étaiement du mur pignon Sud avait été réalisé lorsque l'architecte du patrimoine s'est rendu sur place le 9 juin 2020, ce dernier a néanmoins estimé que cet " étaiement [était] à reprendre en intégralité ", dès lors que la contrefiche mise en place s'arrêtait au droit du plancher haut du rez-de-chaussée et que le sol d'assise de l'étayage était affaibli en raison des fuites d'eaux provenant des réseaux enterrés. Cet homme de l'art a ainsi conclu, dans son rapport de visite du 9 juin 2020, à l'existence d'un péril imminent concernant l'effondrement du pignon Sud, indiquant que " le relogement de l'ensemble des occupants de l'immeuble [était] donc impératif pour la conservation des personnes ". Il a également relevé, en page 18 de son rapport, qu'en raison de l'état ruiniforme du mur sur lequel l'escalier de l'immeuble prenait appui, ce dernier était également affecté d'un risque d'effondrement imminent. Par suite, compte tenu du risque immédiat d'effondrement affectant plusieurs éléments structurants de l'immeuble ainsi que de sa destination, le maire de Gennevilliers a pu légalement prescrire, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, l'évacuation des lieux et subordonner leur réintégration à la réalisation de nouveaux travaux. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le maire en se fondant sur ses pouvoirs de police administrative générale pour prendre l'arrêté attaqué doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gennevilliers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à la commune en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera à la commune de Gennevilliers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., veuve A... et à la commune de Gennevilliers.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président assesseur,
Mme Bahaj, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
C. Bahaj
La présidente,
C. Signerin-Icre
La greffière,
C. Richard
La greffière,
A. GAUTHIER ou C. RICHARD
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23VE00978