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26/06/2025 | FRANCE | N°23VE00479

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 26 juin 2025, 23VE00479


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 111 308 euros en réparation de ses préjudices résultant des fautes commises lors de sa prise en charge dans cet établissement le 25 juin 2014, la somme de 1 300 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 20033

22 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 111 308 euros en réparation de ses préjudices résultant des fautes commises lors de sa prise en charge dans cet établissement le 25 juin 2014, la somme de 1 300 euros au titre des frais d'expertise et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003322 du 10 janvier 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, a rejeté les conclusions présentées par l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 300 euros, à la charge du centre hospitalier de Gonesse.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Lienard-Leandri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Gonesse à lui verser la somme de 111 308 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Gonesse le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa demande de première instance était recevable ; son courrier du 2 mars 2015 adressé à la commission de conciliation n'a pas lié le contentieux ; son courrier du 22 janvier 2019 n'est pas confirmatif ; il invoque pour la première fois la cause de la demande, à savoir les fautes de l'hôpital tenant au choix et à l'exécution des actes de soin et à l'information qui lui a été apportée ; il ignorait en 2015 l'ampleur des dommages et la date de consolidation de son état de santé ; ces éléments n'ont été révélés que par l'expertise judiciaire ;

- une faute médicale a été commise ; le traitement des ganglions a été particulièrement extensif sans qu'aucun bilan complémentaire ne soit réalisé et sans que l'utilité de cette mesure ne soit préalablement vérifiée ;

- un défaut d'information est également imputable à l'hôpital qui ne l'a pas informé du risque encouru d'atteinte au nerf spinal ou accessoire avant l'intervention ;

- il est fondé à demander la condamnation de l'hôpital à lui verser les sommes de 3 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 10 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, 32 908 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 30 000 euros au titre de la perte de chance d'exercer le métier de cuisinier pour l'hôpital, 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément et 10 000 euros au titre du préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Welsh, demande à la cour :

1°) de le mettre hors de cause ;

2°) de mettre à la charge de tout succombant le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Gonesse est engagée ; aucune indemnisation au titre de la solidarité nationale ne peut être retenue ; en tout état de cause, les seuils de gravité ne sont pas atteints.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, le centre hospitalier de Gonesse représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, demande à la cour de rejeter la requête de M. B....

Il soutient que :

- le jugement attaqué est régulier, le courrier du 2 mars 2015 ayant lié le contentieux ; le courrier du 22 janvier 2019 n'a pas fait courir un nouveau délai de recours contentieux en l'absence d'aggravation des préjudices après la décision de rejet du 13 avril 2015 ou de révélation de la totalité de leur ampleur après cette date ;

- il n'a pas commis de faute ; l'atteinte du nerf spinal est exceptionnelle et fait partie de l'aléa thérapeutique ;

- il n'y a pas eu de manquement au devoir d'information ;

- le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à 1 370,85 euros, les souffrances endurées à 3 000 euros, le préjudice esthétique à 1 500 euros, le déficit fonctionnel permanent à 12 000 euros ; les conclusions au titre du préjudice d'agrément, du préjudice d'établissement et de l'incidence professionnelle doivent être rejetées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2005-2013 du 2 mars 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 10 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, comme tardive, sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Gonesse à lui verser une indemnité de 111 308 euros en réparation de ses préjudices résultant de fautes commises lors de sa prise en charge médicale dans cet établissement le 25 juin 2014.

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

3. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

4. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation.

5. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.

6. Il n'est fait exception à ce qui est dit au point précédent que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 2 mars 2015, M. B... a informé le centre hospitalier de Gonesse qu'à la suite de sa prise en charge du 25 juin 2014 dans cet établissement, il se retrouvait handicapé d'un bras et qu'il était dans l'attente d'un " dédommagement ". Par un courrier du 13 avril 2015, le centre hospitalier de Gonesse a informé M. B... qu'en l'absence de faute et de lien de causalité, il rejetait sa demande et que l'intéressé pouvait saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision ou de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Par une demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 11 juin 2015, M. B... a demandé au juge des référés de désigner un expert. Il a été fait droit à cette demande par une ordonnance du 15 décembre 2015. Il n'est pas contesté que l'expert a établi son rapport le 29 mai 2016 et a notifié ce dernier aux parties le lendemain. Par un courrier du 18 janvier 2019 établi par son conseil, M. B... a demandé au centre hospitalier de Gonesse de lui verser une indemnité de 172 808 euros en réparation de ses préjudices résultant de la faute médicale commise lors de l'intervention du 25 juin 2014. Enfin, il a saisi le tribunal administratif le 17 mars 2020.

8. A l'appui de sa requête, M. B... soutient que son courrier du 2 mars 2015 ne peut être qualifié de demande préalable aux motifs qu'il a été adressé à la commission de conciliation et non à l'hôpital, qu'il ne précisait pas la cause juridique de cette demande et qu'il ignorait à cette date l'ampleur de ses dommages et la date de consolidation de son état de santé, lesquels n'ont été révélés que par l'expertise judiciaire.

9. Toutefois, d'une part, alors même que le courrier du 2 mars 2015 a été adressé à la commission de conciliation du centre hospitalier de Gonesse, instituée dans chaque établissement de santé jusqu'à l'abrogation des dispositions de l'article L. 710-1-2 du code de la santé publique et la mise en place des commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge par le décret du 2 mars 2005 susvisé, cette saisine doit être regardée, au sens et pour l'application du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, comme une demande préalable formée devant l'établissement de santé. D'ailleurs et ainsi qu'il a été dit au point 7, le centre hospitalier de Gonesse a rejeté la demande préalable de M. B... dans son courrier du 13 avril 2015.

10. D'autre part, dans son courrier du 2 mars 2015, M. B... a notamment indiqué qu'il n'était " pas normal de se faire opérer d'un cancer localisé et de se retrouver handicapé d'un bras " de sorte qu'il attendait un dédommagement. Il a ainsi suffisamment précisé la cause juridique de sa demande indemnitaire. D'ailleurs, dans son courrier précité du 13 avril 2015, le centre hospitalier a contesté l'existence d'une faute et d'un lien de causalité.

11. Enfin, si M. B... fait valoir qu'il ne connaissait pas l'ampleur de ses préjudices et la date de consolidation de son état de santé lorsqu'il a saisi l'administration le 2 mars 2015 et que ces éléments n'ont été révélés que par le rapport d'expertise du 29 mai 2016, la saisine du juge des référés devant le tribunal administratif d'une demande d'expertise médicale aux fins de rechercher les causes de dommages imputés au service public hospitalier a interrompu le délai de recours contentieux contre la décision de l'établissement hospitalier rejetant expressément la demande d'indemnité de M. B... et ce délai a commencé à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l'expert. Faute d'avoir saisi le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de cette notification, M. B... était tardif lorsque sa demande a été enregistrée au greffe du tribunal en 2020.

12. Il résulte de ce qui précède que le courrier de M. B... du 2 mars 2015 a lié le contentieux pour les préjudices dont il sollicite réparation. Ainsi, sa nouvelle réclamation préalable du 18 janvier 2019 ayant fait naître une décision confirmative de la décision du 13 avril 2015, M. B... était tardif lorsqu'il a saisi le tribunal administratif de sa demande indemnitaire le 17 mars 2020.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de même nature présentées par l'ONIAM et par le centre hospitalier de Gonesse.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ONIAM et par le centre hospitalier de Gonesse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier de Gonesse, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Bahaj, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.

Le rapporteur,

G. Camenen

La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00479
Date de la décision : 26/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL VERPONT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-26;23ve00479 ?
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