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24/06/2025 | FRANCE | N°23VE00821

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 24 juin 2025, 23VE00821


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL ERTP a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée, au titre de l'exercice clos en 2014

, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.



Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL ERTP a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée, au titre de l'exercice clos en 2014, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2100963 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2023, la SARL ERTP, représentée par Me Lécussan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 ;

2°) de prononcer la décharge ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et amende en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que sa comptabilité, qui ne comportait pas de graves irrégularités, n'aurait pas dû être rejetée ;

- le tribunal a omis de répondre à la contestation relative à la remise en cause, par le service, du montant des dépenses de carburant ;

- le tribunal a écarté à tort le moyen tiré de ce qu'un unique bilan ayant été établi au titre de la période allant du 12 août 2012 au 31 décembre 2013, l'ensemble des cotisations supplémentaires et rappels établis au titre de la période du 12 août 2012 au 31 décembre 2013 doit être déchargé ;

- le tribunal a écarté à tort la contestation de la régularité de la procédure à l'issue de laquelle lui a été infligée l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;

- le tribunal a écarté à tort la contestation du bien-fondé de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

- l'avis de vérification ne lui a pas été adressé, mais l'a été à son gérant, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée sur le chef de redressement relatif aux dépenses de carburant ;

- l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période du 12 août au 31 décembre 2012 n'étaient pas visés dans l'avis de vérification ; or, un unique bilan ayant été établi au titre de la période du 12 août 2012 au 31 décembre 2013, l'ensemble des cotisations supplémentaires et rappels établis au titre de la période du 12 août 2012 au 31 décembre 2013 doit être déchargé ;

- la comptabilisation de certaines des dépenses de carburant engagées en 2012 n'a été régularisée que par une écriture passée au titre de l'exercice clos en 2013 ; or, l'exercice clos en 2012 n'a pas été vérifié ; ces dépenses ne pouvaient donc être remises en cause ;

- sa comptabilité, qui ne comportait pas de graves irrégularités, n'aurait pas dû être rejetée ;

- de façon incohérente, le service admet la déduction de dépenses de carburant dont il évalue le montant, mais n'admet pas la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

- en remettant en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses de carburant effectuées en espèces, le service n'a pas tenu compte de la réalité des conditions d'exploitation ;

- les rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas fondées, le service ne pouvait pas constater l'existence d'un profit sur le Trésor d'un montant égal à celui des droits sur la taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

- en remettant en cause la déduction en charge des dépenses de carburant effectuées en espèces, le service n'a pas tenu compte de la réalité des conditions d'exploitation ;

- par réalisme économique, le service aurait dû considérer comme une provision pour créance douteuse la somme de 193 070,31 euros qu'il a réintégrée, à tort, à son résultat de l'exercice clos en 2014, alors que cette somme due par la société Sade Telecom n'a pas été payée par cette dernière et n'avait donc pas à être comptabilisée en produits ;

- par réalisme économique, le service aurait dû considérer comme une provision pour créance douteuse la somme de 104 201,66 euros qu'il a réintégrée, à tort, à son résultat de l'exercice clos en 2013, alors que c'est par erreur que cette somme avait été comptabilisée comme perte sur créance irrécouvrable ;

- les dispositions de l'article 117 du code général des impôts sont contraires à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mise en œuvre de cette procédure a été prématurée ; le principe du contradictoire garanti par la charte du contribuable vérifié s'en est trouvé méconnu ;

- elle n'a pas désinvesti, ni donc distribué, de façon occulte les sommes que lui devait la société Sade Telecom, puisque ces sommes ne lui ont jamais été versées ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées car elle n'a pas eu l'intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL ERTP ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés

fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameau,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) ERTP, qui exerce une activité de travaux de maçonnerie générale, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée en ont résulté, qui ont été notifiées à la société par proposition de rectification du 18 octobre 2016. Par ailleurs, faute pour la société d'avoir désigné les bénéficiaires de distributions occultes, l'administration lui a indiqué, par lettre du 12 septembre 2017, que lui était infligée, au titre de l'exercice clos en 2014, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 17 juillet 2018. La SARL ERTP a réclamé contre celles-ci le 19 décembre 2019. Sa réclamation a été rejetée le 30 novembre 2020. La SARL ERTP fait appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions en décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Le tribunal a répondu, aux points 11, 17 et 26 du jugement attaqué, aux moyens tirés de ce que la comptabilité de la SARL ERTP, qui ne comportait pas de graves irrégularités, n'aurait pas dû être rejetée, et de ce que le service aurait, à tort, remis en cause la réalité des dépenses de carburant que la société soutient avoir effectuées en espèces. L'appelante n'est donc pas fondée à se prévaloir d'omissions à répondre sur ces points de son argumentation.

4. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La critique formulée par la SARL ERTP portant sur les motifs par lesquels le tribunal a écarté les moyens qu'elle avait soulevés devant lui, en tant qu'elle a trait au bien-fondé du jugement et non à la régularité de celui-ci, est inopérante et doit être écartée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité (...) ne peut être engagé[e] sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. (...) ".

6. L'administration a pu régulièrement, sans méconnaître ces dispositions, adresser l'avis de vérification daté du 19 mai 2016 au gérant de la SARL ERTP. Cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que faute de lui avoir adressé cet avis, l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure de rectification.

7. A supposer même que la présentation de la comptabilité de la société au titre de l'exercice clos en 2013 sous la forme d'un bilan commun à l'exercice clos en 2012, ait pu conduire l'administration à vérifier non seulement l'exercice clos en 2013, comme annoncé dans l'avis de vérification en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, mais aussi l'exercice clos en 2012, quant à lui non compris dans les exercices annoncés comme étant vérifiés, cette circonstance serait en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la vérification, dès lors qu'il résulte de l'instruction que le redressement a été limité aux exercices clos de 2013 à 2015 et à la période correspondante. De la même façon, l'appelante ne conteste pas utilement la remise en cause, au titre de l'exercice clos en 2013, de charges de carburant dont elle prétend qu'elles auraient en fait été engagées au cours de l'exercice clos en 2012, dès lors qu'en tout état de cause, la remise en cause de ces charges n'a abouti à des rectifications qu'au titre de l'exercice clos en 2013.

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 18 octobre 2016 adressée au gérant de la SARL ERTP mentionne que les rectifications sont proposées en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2015 et en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante. Elle précise le montant en base des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés, du profit sur le trésor constaté en conséquence, et des rectifications apportées au résultat de la société. Elle expose les motifs des rectifications proposées. Elle décrit en particulier, aux pages 8 et 9, les modalités adoptées par la SARL ERTP pour comptabiliser ses dépenses de carburant, les incohérences relevées entre les écritures passées et les justificatifs fournis, pointe les justificatifs manquants et déduit de ces constats que les charges comptabilisées à ce titre ne peuvent être admises en déduction, avant de préciser les montants ainsi réintégrés aux produits. La proposition de rectification doit être regardée comme suffisamment motivée.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

10. Par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal et exposés au point 11 du jugement attaqué, le moyen, à l'appui duquel la SARL ERTP ne fait état d'aucun élément nouveau en appel, tiré de ce que le service ne démontre pas qu'en raison de graves irrégularités la comptabilité qu'elle a présentée lors des opérations de contrôle était privée de valeur probante, doit être écarté.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

11. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...). / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exercice, par un redevable, de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée est conditionné, notamment, par le fait qu'il soit en possession d'une facture sur laquelle figure la taxe qu'il entend déduire.

12. Il résulte de l'instruction que l'administration a constaté que la SARL ERTP a déduit, tout au long de la période vérifiée, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des achats de carburant. Il n'a pourtant été justifié, par des tickets, que de certains de ces achats, réglés par carte bancaire de janvier à juillet 2013, pour un montant de 13 116,45 euros hors taxe. L'administration a donc admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces tickets, pour un montant de 2 570,82 euros. En revanche, elle n'a pas admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée qui n'était mentionnée sur aucune facture, en particulier celle relative à des achats prétendument effectués en espèces. Si, par réalisme économique, l'administration a considéré que la requérante a effectivement supporté des dépenses de carburant au cours de la période vérifiée restante, soit d'août 2013 à décembre 2015, elle en a déterminé le montant par projection de celui de 13 116,45 euros dont il a été justifié pour la période de janvier à juillet 2013, et non en tenant compte des achats en espèces, injustifiés, dont allègue la requérante. C'est sans commettre d'erreur qu'en l'absence de tout justificatif, en particulier de factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 du code général des impôts, le service n'a pas admis la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui y aurait correspondu.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

13. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée devant être maintenus pour les motifs précédemment exposés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le profit sur le Trésor doit être réduit à due proportion de la décharge de ces rappels.

14. Compte tenu des éléments exposés au point 12, et alors qu'il appartient toujours au contribuable de justifier tant du montant de ses charges que de leur exacte inscription en comptabilité, la requérante, qui ne justifie pas avoir effectivement supporté les dépenses de carburant qu'elles a comptabilisées, n'est pas fondée à soutenir qu'en remettant en cause la déduction en charges des dépenses de carburant effectuées en espèces, le service n'a pas tenu compte de la réalité des conditions d'exploitation.

15. Il est constant qu'au cours des exercices clos en 2013 et 2014, l'appelante a émis des factures auprès de sa cliente, la société Sade Telecom, à concurrence des montants hors taxe de 104 201,66 euros au titre de 2013 et de 193 070,31 euros en 2014. Or, la société Sade Telecom a cessé de s'acquitter de ces factures à compter du mois de novembre 2013. L'appelante a comptabilisé, en 2013, la somme de 104 201,66 euros comme perte irrécouvrable, et en 2014, n'a pas comptabilisé la somme de 193 070,31 euros. L'une et l'autre sommes ont été réintégrées au résultat imposable de la SARL ERTP par le service. Celui-ci a en effet estimé qu'en tant que créances certaines, elles auraient dû, dans le contexte litigieux marqué par le défaut de paiement de la cliente de la requérante, être comptabilisées comme provisions pour créances douteuses, ce que l'appelante ne conteste pas. Toutefois, l'erreur, commise en 2013, qu'a constitué la comptabilisation d'une provision en perte, et le défaut de comptabilisation, en 2014, d'une provision constituent des erreurs comptables ayant conduit à une minoration de l'actif. En tant que telles, elles sont opposables à la société contribuable qui n'est, dès lors, pas fondée à en demander la rectification ni à reprocher au service, au nom du réalisme économique, de ne pas avoir opéré spontanément cette rectification.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

16. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

17. Pour établir, comme il lui revient de le faire en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, le caractère intentionnel du manquement de la SARL ERTP à son obligation déclarative, l'administration se fonde notamment sur les graves irrégularités constatées dans la comptabilité de la requérante et sur l'importance des manquements constatés, tout au long de la période vérifiée. Ainsi, l'administration indique que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 s'élèvent après contrôle à 57 584 euros, soit au quadruple du montant déclaré. Ceux prononcés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 s'élèvent à 51 285 euros, alors que la société n'avait déclaré qu'un crédit de 649 euros. Enfin, ceux prononcés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 s'élèvent à 28 136 euros, soit à un montant quinze fois supérieur à celui déclaré. L'administration indique également que l'appelante a éludé la totalité des cotisations d'impôt sur les sociétés dont elle aurait dû s'acquitter au titre de l'exercice clos en 2013, tandis que son résultat imposable au titre de l'exercice suivant a été multiplié par sept à l'issue des opérations de vérification dont elle a fait l'objet. En soutenant que l'essentiel des rectifications résulte de l'erreur formelle de comptabilisation de la créance qu'elle détenait sur son client la société Sade, qu'elle a également commis des erreurs comptables à son propre détriment, et que les justificatifs requis sont difficiles à fournir pour une entreprise comme elle, agissant notamment comme sous-traitante et dont les effectifs sont faibles, l'appelante ne conteste pas sérieusement ce qui précède. L'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère délibéré du manquement constaté, justifiant l'application de la majoration litigieuse.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

18. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale (...), celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ".

19. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration a pu régulièrement et sans méconnaître le principe du contradictoire garanti notamment par la charte du contribuable vérifié, l'inviter, sur le fondement des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, dès l'envoi de la proposition de rectification du 18 octobre 2016 et sans attendre d'avoir établi l'impôt sur les sociétés ni recueilli ses observations, à désigner les bénéficiaires des distributions résultant de rehaussements d'impôt sur les sociétés auxquels elle se proposait de procéder.

20. Les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ont pour objet et pour effet d'inciter une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés à révéler, à la demande de l'administration présentée sur le fondement de l'article 117 du même code, l'identité des bénéficiaires de l'excédent des distributions auxquelles elle a procédé afin de permettre à l'administration d'imposer entre les mains des bénéficiaires ces distributions en raison de la prise en charge par la personne morale de telles dépenses. Elles n'obligent pas cette personne morale à s'incriminer elle-même et, par suite, ne méconnaissent pas le droit au procès équitable les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en tant que ces stipulations sont regardées comme garantissant le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. La SARL ERTP n'est donc pas fondée à soutenir qu'en faisant usage de cette procédure, l'administration aurait méconnu ce droit, garanti par les stipulations mentionnées.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende :

21. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. "

22. La requérante ne soutient pas utilement que les recettes omises réintégrées par le vérificateur ne lui auraient jamais été effectivement versées, n'auraient donc jamais été désinvesties ni distribuées, de telle sorte qu'elle ne pouvait se voir infliger une amende pour non-désignation du bénéficiaire de distributions inexistantes, dès lors qu'il n'est pas contesté que ces recettes n'ont pas été comptabilisées comme telles et qu'elles avaient donc le caractère de revenus distribués par l'effet de la présomption résultant du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

23. Il résulte de ce qui précède que la SARL ERTP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL ERTP est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ERTP et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Hameau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.

La rapporteure,

M. HameauLa présidente,

F. VersolLa greffière,

C. Drouot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE00821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00821
Date de la décision : 24/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : LÉCUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-24;23ve00821 ?
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