Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2025.
Vu :
- le code général de la fonction publique,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984,
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Salaün, représentant la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été recrutée par la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois à compter du 1er juillet 2002, en qualité d'agent non titulaire, pour exercer des fonctions d'agent d'entretien. Nommée stagiaire de la fonction publique le 1er février 2007, elle a été titularisée dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux à compter du 1er février 2008. Par deux arrêtés du 21 juin 2021, le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois l'a placée en congé de longue maladie du 3 octobre 2016 au 2 octobre 2019 et l'a maintenue en demi-traitement à compter du 3 octobre 2019, jusqu'à l'avis de la commission de réforme s'agissant de son admission à la retraite pour invalidité. Mme E... demande à la cour d'annuler le jugement du 16 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à ce qu'une mesure d'expertise médicale soit ordonnée avant dire droit, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois a refusé de lui accorder un congé de longue durée, à l'annulation de l'arrêté de ce maire du 21 juin 2021 la plaçant à demi-traitement à compter du 3 octobre 2019, et à l'annulation de la décision du 7 novembre 2022 par laquelle le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois l'a placée en disponibilité d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme E... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite par laquelle le maire de Sainte-Geneviève-des-Bois a refusé de lui accorder un congé de longue durée étaient irrecevables, dès lors qu'en l'absence d'une demande formelle, une telle décision était inexistante.
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58. / (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Sauf dans le cas où le fonctionnaire ne peut être placé en congé de longue maladie à plein traitement, le congé de longue durée ne peut être attribué qu'à l'issue de la période rémunérée à plein traitement d'un congé de longue maladie. Cette période est réputée être une période du congé de longue durée accordé pour la même affection. Tout congé attribué par la suite pour cette affection est un congé de longue durée. / Sur demande de l'intéressé, l'administration a la faculté, après avis du comité médical, de maintenir en congé de longue maladie le fonctionnaire qui peut prétendre à un congé de longue durée ; (...) ". Et aux termes de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987 : " Pour bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée le fonctionnaire en position d'activité, ou son représentant légal, doit adresser à l'autorité territoriale une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant spécifiant qu'il est susceptible de bénéficier des dispositions de l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le médecin traitant adresse directement au secrétaire du comité médical compétent un résumé de ses observations et les pièces justificatives qui peuvent être prescrites dans certains cas par l'arrêté visé à l'article 39 du présent décret. / Au vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L'avis du comité médical est transmis à l'autorité territoriale qui, en cas de contestation de sa part ou du fonctionnaire intéressé, le soumet pour avis au comité médical supérieur visé à l'article 5 du présent décret. (...) ".
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... aurait formellement présenté auprès de son employeur, la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article 25 du décret du 30 juillet 1987, une demande de congé de longue durée prévu par les dispositions du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. Les courriers qu'elle a adressés au maire les 9 décembre 2017, 6 avril 2018 et 4 mai 2018 se bornaient à mentionner un congé de longue maladie, dont elle a finalement obtenu le bénéfice, et elle ne justifie ensuite d'aucune demande expresse de congé de longue durée, le certificat médical de son médecin traitant du 29 janvier 2021 indiquant que son état nécessitait un congé de longue durée pour six mois à compter du 1er janvier 2021 ne pouvant à lui seul tenir lieu d'une telle demande, comme l'ont relevé les premiers juges. De même, si le comité médical, dont l'avis du 20 mai 2021 indiquait comme seul " motif de présentation " une demande d'octroi d'un congé de longue maladie, a de manière surabondante précisé, au titre de ses " observations ", que Mme E... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un congé de longue durée, cette circonstance ne saurait valoir demande formelle d'un tel congé, laquelle doit être adressée à l'autorité territoriale.
5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité en ce qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation d'une décision implicite de refus de congé de longue durée au motif qu'aucune demande de l'intéressée n'avait pu faire naître une telle décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du maire de Sainte-Geneviève-des-Bois du 21 juin 2021 maintenant Mme E... à demi-traitement à compter du 3 octobre 2019 :
6. Aux termes de l'article 37 du décret du 30 juillet 1987 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Pendant toute la durée de la procédure requérant soit l'avis du comité médical, soit l'avis de la commission de réforme, soit l'avis de ces deux instances, le paiement du demi-traitement est maintenu jusqu'à la date de la décision de reprise de service ou de réintégration, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".
7. Il ressort de l'arrêté litigieux que le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois a fait application des dispositions qui précèdent après avoir constaté le terme du congé de longue maladie de Mme E..., accordé du 3 octobre 2016 au 2 octobre 2019 sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, citées au point 2 du présent arrêt. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit aux points 3 et 4 du présent arrêt qu'aucune décision implicite de refus d'octroi d'un congé de longue durée à Mme E... n'est née, faute de demande présentée en ce sens auprès de l'autorité territoriale. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté du 21 juin 2021 la maintenant à demi-traitement à compter du 3 octobre 2019, date d'expiration du congé de longue maladie, serait dépourvu de base légale du fait de l'illégalité d'une telle décision.
En ce qui concerne la décision du maire de Sainte-Geneviève-des-Bois du 7 novembre 2022 plaçant Mme E... en disponibilité d'office à compter du 27 septembre 2022 :
8. En premier lieu, la requérante soutient à nouveau en appel que la décision en litige ne serait pas suffisamment motivée, sans apporter d'argument ou d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges à cet égard. Il y a lieu par suite d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le jugement attaqué en son point 12.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois se serait cru lié par l'avis du conseil médical supérieur, qui a estimé le 27 septembre 2022 que Mme E... était totalement et définitivement inapte à toutes fonctions, pour prendre la décision du 7 novembre 2022 plaçant l'intéressée en disponibilité d'office dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité. Le maire s'est borné à tirer les conséquences de l'épuisement de ses droits à congés et de son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions.
10. En troisième lieu, Mme E... soutient qu'elle n'avait pas épuisé ses droits à congés dès lors qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier du congé de longue durée prévu par les dispositions du 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, après le terme de son congé de longue maladie. Toutefois, par un avis du 20 mai 2021, le comité médical a estimé qu'elle était devenue, au cours de son congé de longue maladie, définitivement inapte à toutes fonctions. Comme il a été dit au point qui précède, cet avis a été confirmé le 27 septembre 2022 par le comité médical supérieur. Mme E... ne pouvait dès lors prétendre à l'octroi d'un congé de longue durée, qui ne peut être accordé qu'aux agents susceptibles d'être reconnus aptes à la reprise d'un emploi.
11. En quatrième lieu, si les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir, l'administration peut, s'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, et par dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, le maire de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois était tenu de placer Mme E... dans une position régulière dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité. Compte tenu de l'épuisement de ses droits à congés et dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur ce dernier point, il a donc pu légalement, par la décision litigieuse du 7 novembre 2022, placer l'intéressée en disponibilité d'office de manière rétroactive.
12. En dernier lieu, Mme E... ne peut utilement soutenir que l'autorité territoriale aurait méconnu son obligation de recherche d'un reclassement professionnel, dès lors qu'elle a été reconnue inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions. Ce moyen doit donc être écarté comme inopérant.
Sur la demande d'expertise :
13. Il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de Mme E..., qui souffre d'un état dépressif, a fait l'objet de plusieurs expertises par un médecin agréé, dans le cadre des avis émis par le comité médical le 20 mai 2021 et par le comité médical supérieur le 27 septembre 2022, qui ont estimé qu'elle était inapte totalement et définitivement à toutes fonctions. Alors qu'il était loisible à l'intéressée de produire, à l'occasion de l'examen de son dossier par ces comités, toutes pièces ou document médical qu'elle jugeait utiles, Mme E... n'établit pas, devant la cour comme en première instance, qu'il existerait un doute quant à une amélioration possible de son état de santé susceptible de laisser entrevoir la reprise d'un emploi. Contrairement à ce qu'elle soutient, le certificat médical du docteur B... C..., daté du 6 avril 2021, ne laisse entrevoir aucune perspective d'amélioration, décrivant une maladie profondément installée depuis une dizaine d'années et envisageant une " retraite pour invalidité à l'issue de ses droits ". Si une expertise produite par Mme E..., datée du 25 mars 2023, évoque une hypothétique amélioration en cas d'adaptation du traitement, ce seul élément, postérieur aux décisions en litige, ne suffit pas à établir l'utilité, en l'espèce, d'une mesure d'expertise.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et à la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. A..., premier vice-président, président de chambre,
- Mme Mornet, présidente assesseure,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure,
G. MornetLe président,
B. A...
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24VE00986