Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, de condamner cette communauté d'agglomération à lui verser une somme de 45 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de ce licenciement ainsi que des agissements de harcèlement moral dont elle estime avoir été victime.
Par un jugement n° 1708957 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 19VE02464 du 20 juin 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de Mme A..., annulé la décision du président de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud du 16 octobre 2017, réformé le jugement attaqué en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt, mis à la charge de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une lettre, enregistrée le 10 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Netry, avocat, a saisi la cour administrative d'appel de Versailles d'une demande tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt du 20 juin 2023.
Par une ordonnance du 20 mars 2024, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution de l'arrêt du 20 juin 2023.
Par des mémoires, enregistrés les 31 décembre 2024 et 17 avril 2025, Mme A..., représentée par Me Netry, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'enjoindre à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud de procéder à sa réintégration juridique ;
2°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Paris Sud à lui verser les sommes, d'une part, de 302 134, 55 euros au titre de la reconstitution des traitements dont elle a été privée, et, d'autre part, de 10 774, 51 euros au titre de la reconstitution de ses congés payés ;
3°) de condamner la communauté d'agglomération Grand Paris Sud à lui verser les sommes, d'une part, de 17 380 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subis du fait de la non-exécution de l'arrêt du 20 juin 2023, et, d'autre part, de 3 760 euros au titre du préjudice résultant de la perte de chance d'évolution professionnelle qu'elle estime avoir subie ;
4°) et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêt rendu par la cour n'a pas été exécuté en ce qui concerne les conséquences de l'annulation de la décision du 16 octobre 2017.
Par des mémoires, enregistrés les 11 décembre 2024 et 17 mars 2025, la communauté d'agglomération Grand Paris Sud, représentée par Me Tabone, avocate, conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les demandes présentées par Mme A..., ou, à titre subsidiaire, au rejet de ces demandes, et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les demandes présentées par Mme A... sont infondées, l'intéressée faisant elle-même obstacle, par ses demandes excessives, à l'exécution de l'arrêt rendu le 20 juin 2023 par la cour.
Par un courrier du 16 avril 2025, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme A... au titre du préjudice résultant de la perte de chance d'évolution professionnelle qu'elle estime avoir subie, dès lors qu'elles soulèvent un litige distinct.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Netry pour Mme A..., et de Me Tabone pour la communauté d'agglomération Grand Paris Sud.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée par la communauté d'agglomération Grand Paris Sud par un contrat à durée déterminée de trois années, pour exercer les fonctions de directrice du réseau des conservatoires de cette communauté d'agglomération à compter du 26 août 2015. Par une décision du 16 octobre 2017, le président de la communauté d'agglomération a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 20 mai 2019. Par un arrêt du 20 juin 2023, devenu définitif, la cour a annulé la décision du président de la communauté d'agglomération et réformé le jugement attaqué en ce qu'il avait de contraire à cet arrêt. Mme A... a présenté une demande tendant à l'exécution de cet arrêt de la cour le 10 octobre 2023. Par une ordonnance du 20 mars 2024, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de statuer sur cette demande.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Si la communauté d'agglomération Grand Paris Sud soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme A... dès lors que l'intéressée fait, par ses demandes déraisonnables, elle-même obstacle à l'exécution de l'arrêt rendu par la cour le 20 juin 2023, elle ne conteste pas ce faisant ne pas avoir exécuté cet arrêt quant aux conséquences à tirer de l'annulation prononcée par la cour de la décision du 16 octobre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération a licencié Mme A... pour insuffisance professionnelle, les frais mis à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ayant en revanche été versés à Mme A.... Par suite, l'arrêt de la cour n'ayant été que partiellement exécuté, l'exception de non-lieu opposée par la communauté d'agglomération Grand Paris Sud ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fins d'exécution de l'arrêt du 20 juin 2023 :
3. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
4. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
5. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
6. En premier lieu, si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue, dès lors qu'un agent public n'a aucun droit au renouvellement de son contrat.
7. Il résulte de l'instruction que le contrat à durée déterminée qui liait Mme A... à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud prenait fin le 25 août 2018, et était donc parvenu à son terme à la date de l'arrêt du 20 juin 2023, sans que l'intéressée ne puisse se prévaloir d'un droit au renouvellement de celui-ci. Cette circonstance faisant obstacle à la réintégration effective de Mme A... dans les effectifs de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud, l'exécution de l'arrêt rendu par la cour implique seulement que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud réintègre juridiquement la requérante pour la période comprise entre la date d'effet de son éviction illégale et le 25 août 2018, date de l'échéance normale de son contrat.
8. En second lieu, un agent public irrégulièrement évincé a droit en principe, non pas au versement du traitement dont il a été privé, mais à la réparation du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Cependant, en l'espèce, il ressort des termes de l'arrêt du 20 juin 2023 que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A..., tendant à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son licenciement illégal, ont été rejetées comme irrecevables en l'absence de demande préalable. Dès lors, l'exécution de cet arrêt n'implique pas qu'il soit enjoint à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud de verser les traitements dont la requérante a été privée durant sa période d'éviction illégale, ni à la délivrance des bulletins de salaire qu'elle réclame, ni de réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction illégale.
9. En troisième lieu, compte-tenu des clauses du contrat dont Mme A... était titulaire et du fait qu'elle n'était pas fonctionnaire lorsqu'elle était en poste à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud, la requérante ne pouvait prétendre à un déroulement de carrière. Dans ces conditions, l'exécution de l'arrêt rendu par la cour le 20 juin 2023 n'implique aucune reconstitution de carrière.
10. En quatrième lieu, l'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale.
11. Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud n'a pas procédé à la reconstitution, avec effet rétroactif, des droits sociaux de Mme A..., qui n'a pas bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi du fait de son licenciement irrégulier incluant les sommes correspondantes. En l'espèce, la reconstitution des droits sociaux de la requérante implique nécessairement le versement aux organismes compétents des cotisations sociales, en particulier des cotisations patronales et sociales nécessaires à la reconstitution des droits à pension de retraite, sur la période allant de la date d'effet de son licenciement, au 25 août 2018, terme du contrat dont elle était titulaire.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à demander que soit prescrite à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud l'obligation, dans un délai de deux mois, de la réintégrer juridiquement sur la période allant de la date de prise d'effet du licenciement illégal dont elle a fait l'objet au 25 août 2018, ainsi que l'obligation, dans le même délai, de reconstituer ses droits sociaux et de verser en conséquence aux organismes compétents les cotisations sociales correspondant aux rémunérations que Mme A... aurait perçues sur cette même période.
Sur les autres conclusions indemnitaires :
13. En premier lieu, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... au titre du préjudice résultant de la perte de chance d'évolution professionnelle qu'elle estime avoir subie soulèvent un litige distinct de celui relatif à l'exécution de l'arrêt du 20 juin 2023. Elles ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
14. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment aux demandes manifestement déraisonnables exprimées par Mme A..., que l'absence d'exécution de l'arrêt du 20 juin 2023 en ce qui concerne les conséquences de l'annulation de l'éviction illégale dont la requérante a fait l'objet, soit exclusivement imputable à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud, dont le comportement fautif ne peut ainsi être regardé comme établi. En outre, si Mme A... soutient que l'absence d'exécution de l'arrêt du 20 juin 2023 lui a causé un préjudice moral, dès lors que cette situation porte atteinte à sa dignité ainsi qu'à ses droits, et à des incidences sur sa santé mentale, elle n'étaye ces allégations d'aucun élément permettant d'en apprécier la réalité. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées sur ce point par Mme A... doivent être également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que la communauté d'agglomération Grand Paris Sud demande au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud de réintégrer juridiquement Mme A... pour la période allant de la date d'effet de son licenciement au 25 août 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 2 : Il est enjoint à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud de verser aux organismes compétents les cotisations sociales correspondant aux rémunérations que Mme A... aurait perçues sur la période de la date d'effet de son licenciement au 25 août 2018, en particulier les cotisations patronales et sociales nécessaires à la reconstitution de ses droits à pension de retraite, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté d'agglomération Grand Paris Sud.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Gaëlle Mornet, présidente assesseure,
M. Cozic, premier conseiller
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
Le président-rapporteur,
B. Even
La présidente assesseure,
G. Mornet
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne à la préfète de l'Essonne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24VE00781