Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une réclamation, soumise d'office par l'administrateur des finances publiques en charge de la direction des vérifications nationales et internationales en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales, M. et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer, à titre principal, la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de prélèvements sociaux mis à leur charge au titre des années 2010 à 2014, pour un montant total de 1 741 994 euros en droits, majorations et intérêts de retard et d'ordonner, à titre subsidiaire, la restitution des prélèvements sociaux acquittés en 2012 sur les dividendes libérés par la société Demeter, assortis des intérêts moratoires au taux légal, le cas échéant par voie de compensation.
Par un jugement no 2107655 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a accordé à M. et Mme E... la restitution des prélèvements sociaux acquittés au titre de l'année 2012 pour un montant de 80 794 euros et a rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier 2023 et 15 mars 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Cruveilher, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il leur est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2014 et restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme E... font valoir que :
- l'intention de M. E... de participer aux actes réalisés au Luxembourg par la société CGSA constitutifs d'un abus de droit fiscal n'est pas démontrée ; n'étant ni dirigeant ni administrateur des sociétés françaises CGSA, CGL, CDIF, ou luxembourgeoises CDIL et CIL, il n'est pas établi qu'il avait connaissance du caractère artificiel du dispositif mis en place par son employeur CGSA, ni qu'il aurait pris part à la mise en place de celui-ci, en vue de réduire sa charge fiscale personnelle ;
- l'intention de M. E... d'atténuer ses charges fiscales normales en souscrivant à la société CDIF n'est pas établie par l'administration ;
- l'administration n'était pas fondée à écarter la société CDIF sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, afin d'imposer les dividendes versés par cette société en tant que salaires dès lors qu'il n'est pas établi que les actions de promotion s'inscrivaient dans le cadre de la fonction salariée de M. E... ; la participation de M. E... à des activités de promotion des fonds à l'international, distinctes de ses activités de gestion de fonds auxquelles elle n'est pas nécessairement liée, ne s'est pas effectuée dans le cadre du contrat de travail le liant à la CGSA, et s'exerçait en dehors de tout lien de subordination avec la société CGSA, alors même qu'elle était actionnaire majoritaire de la société CDIF ; l'administration n'a pas justifié l'existence d'un tel lien de subordination ; le fait que les activités de promotion aient été exercées par les gérants de CGSA dès l'année 2009, soit antérieurement à la constitution de la CDIF, en 2010, ne démontre pas que ces actions s'inscrivaient nécessairement dans le cadre de leurs fonctions salariées ;
- la rémunération sous forme de dividendes en fonction des performances des associés est légalement possible et ne peut être remise en cause sur le fondement de l'abus de droit ; la répartition des bénéfices d'une SAS peut être déconnectée du pourcentage de capital détenu par les associés et dépendre de l'apport en industrie de chacun d'entre eux ; l'absence de risque sur investissement ne saurait être avancée par l'administration pour écarter la qualification de dividendes ;
- la société CDIF a fait l'objet d'un contrôle qui s'est achevé par un avis d'absence de redressement ;
- les actes réalisés en France concernant la société Demeter, à laquelle M. E... a apporté ses actions de la société CDIF ne sauraient être constitutifs d'un montage pouvant être qualifié d'abus de droit dès lors que la constitution de cette société, qui répondait à des objectifs patrimoniaux et organisationnels, n'a pas permis d'éluder une imposition, mais de la différer soit à la date de la distribution de dividendes par cette société, soit à celle de la liquidation de cette dernière ; la vérification de comptabilité de cette société s'est soldée par une absence de rectification, sans contestation de l'application du régime mère-fille aux dividendes reçus de CDIF ; une société ayant une activité patrimoniale peut bénéficier d'un tel régime sur les dividendes perçus d'une société de capitaux ; la seule détention par la société Demeter d'actions de CDIF ne peut permettre de requalifier les sommes perçues de cette dernière en traitements et salaires ;
- la majoration de 40 % pour abus de droit n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 août 2023 et 18 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par M. et Mme E... ne sont pas fondés.
- à titre subsidiaire, si la qualification en traitements et salaires n'était pas retenue, ou l'interposition de la SC Demeter ne procéderait pas d'un abus de droit, il sollicite, dès lors que la SC Demeter n'a pas régulièrement opté pour l'impôt sur les sociétés, que les sommes reçues par cette société de CDIF soient imposées entre les mains de ses associés, en raison du régime fiscal des sociétés de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Danielian,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de contrôles sur pièces de la situation fiscale de M. et Mme E... au titre de l'impôt sur le revenu des années 2010 à 2014, consécutifs à des vérifications de comptabilité des sociétés Carmignac Gestion (CGSA) et Carmignac Distribution Internationale France (CDIF) portant sur les exercices clos entre 2009 et 2014, l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales pour remettre en cause l'imposition, comme dividendes, des sommes que M. E... avait indirectement perçues de la société CDIF par l'interposition de la société Demeter, et imposé ces sommes dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de ses fonctions de salarié de la société CGSA. Par un jugement du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a accordé à M. et Mme E... la restitution des prélèvements sociaux acquittés au titre de l'année 2012 pour un montant de 80 794 euros et a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus mises à leur charge au titre des années 2010 à 2014, ainsi que des majorations pour abus de droit dont elles ont été assorties, à hauteur de la somme totale de 1 741 994 euros. M. et Mme E... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il leur est défavorable.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.
3. Créée en 1989, la société française Carmignac Gestion (CGSA), qui est intégralement détenue par ses dirigeants et salariés et dont M. C... Carmignac est le président directeur général et M. A... D... le directeur général délégué, exerçait au titre des années d'imposition en litige une activité de gestion de fonds d'investissement commercialisés en France et à l'international. Cette société détenait, d'une part, 99,9 % du capital de la société luxembourgeoise Carmignac Gestion Luxembourg (CGL), créée en 1998 et ayant pour activité l'organisation du réseau de distributeurs tiers des fonds d'investissement gérés par la société CGSA commercialisés hors de France et, d'autre part, 53 % du capital de la société par actions simplifiée de droit français Carmignac Distribution Internationale France (CDIF) créée en décembre 2009. La SAS CDIF, dont les autres titres étaient détenus notamment par M. Carmignac, qui en était par ailleurs le président, par M. D..., directeur général, ainsi que par dix gérants salariés de la société CGSA, dont M. E..., associé à hauteur de 5 %, via la société patrimoniale Demeter qu'il avait créée, avait pour activité la prise, la détention et la cession de toute participation directe ou indirecte, sous quelque forme que ce soit, dans toute entreprise ou société ayant pour objet le développement à l'international de la marque Carmignac Gestion et de la distribution des fonds. Toujours au titre des mêmes années, la SAS CDIF détenait elle-même l'intégralité du capital des sociétés de droit luxembourgeois Carmignac Distribution Internationale Luxembourg (CDIL) créée en décembre 2009, et puis Carmignac International Luxembourg (CIL) créée en décembre 2010 pour lui succéder, l'une et l'autre ayant pour objet social, au Luxembourg et à l'étranger, le développement et la promotion à l'international de la marque Carmignac Gestion ainsi que le développement et la promotion des fonds gérés par la société CGSA et plus généralement toute activité concourant au développement international de la marque et des produits Carmignac Gestion, la prise de participations dans d'autres entreprises luxembourgeoises ou étrangères, l'acquisition par achat, souscription, ou de toute autre manière ainsi que l'aliénation par vente, échange, ou de toute autre manière de titres, obligations, créances, billets et autres valeurs de toutes espèces, ainsi que la possession, l'administration, la mise en valeur et la gestion de ces participations. Il résulte de l'instruction, d'une part, qu'entre 2010 et 2014, la société française CGSA a rémunéré la société luxembourgeoise CGL au titre de son activité d'organisation du réseau de distribution des fonds d'investissement gérés par la société CGSA hors de France, d'autre part, que la société CGL a rémunéré les sociétés luxembourgeoises CDIL, en 2010, et CIL, entre 2011 et 2014, au titre d'une prestation de promotion commerciale à l'international de ces fonds qu'elle leur avait confiés, et, enfin que les recettes ainsi perçues par ces dernières ont été reversées, après déduction de charges, à la SAS CDIF, qui détenait l'intégralité de leur capital et dont le chiffre d'affaires était exclusivement composé des distributions effectuées par les sociétés CDIL et CIL. Le bénéfice réalisé par la SAS CDIF était, par la suite, réparti entre ses actionnaires, par le comité des résultats, composé de MM. Carmignac, D... et de Mme Guillier, secrétaire générale de l'équipe de direction de la société CGSA, selon sept critères comprenant, notamment, l'implication des associés dans les activités de développement international, l'existence d'un réseau professionnel actif à l'international, la participation aux actions de promotion et de communication conduites par les filiales de la SAS CDIF. Par ailleurs, M. E..., salarié de la société CGSA, a constitué le 6 avril 2010 la société familiale de droit français SC Demeter, par apport de la participation qu'il détenait, à hauteur de 5 %, dans le capital de la SAS CDIF. La société Demeter a ainsi perçu des dividendes distribués par la SAS CDIF, à hauteur de 525 00 euros en 2010, 700 000 euros en 2011, 473 000 euros en 2012, 907 500 euros en 2013 et 251 000 euros en 2014.
4. Pour établir l'existence d'un abus de droit ayant consisté, pour M. E..., à percevoir une partie de sa rémunération sous la forme de revenus de participations dans un but exclusivement fiscal, l'administration fait valoir, en premier lieu, que les revenus de l'activité de promotion à l'international des fonds Carmignac ont été localisés artificiellement dans ses sociétés étrangères. L'activité de promotion internationale en cause a été effectivement et exclusivement exercée à Paris par l'équipe de gestion de la société CGSA, à savoir ses salariés et ses mandataires sociaux, dont M. E..., tandis que les sociétés CDIL et CIL, à qui la société CGL avait confié la réalisation de cette prestation de promotion commerciale, n'étaient pas en mesure de l'exercer, eu égard à leurs moyens matériels et humains limités, n'employant ni gérants de portefeuille ni salariés, sans lesquels cette activité ne peut être conduite, ne disposant que de moyens administratifs et organisationnels très limités, et n'ayant comptabilisé aucune charge de personnel ou de sous-traitance liée à cette activité. Les autorités fiscales luxembourgeoises ont d'ailleurs confirmé, en réponse à une demande d'assistance administrative, que les sociétés CDIL et CIL exerçaient des fonctions uniquement administratives. Il résulte en outre de l'instruction que les sociétés CDIF, CDIL et CIL ont été créées, la première en France, la seconde au Luxembourg, à la fin du mois de décembre 2009, et la troisième, également au Luxembourg, à la fin du mois de décembre 2010, alors que les opérations de promotion à l'international des fonds Carmignac étaient déjà réalisées par les membres de l'équipe de gestion de portefeuille de la société CGSA, dont M. E.... Par ailleurs, les sociétés CDIL et CIL ont perçu de la société CGL en 2009 et en 2010, au titre de cette activité, une rémunération hors de proportion eu égard à leurs dates de création respectives, en décembre 2009 et en décembre 2010. Malgré l'absence d'activité commerciale sur l'essentiel de l'année 2009 compte tenu de sa constitution le 21 décembre 2009, la société CDIL a ainsi comptabilisé à la clôture de cet exercice et au titre des sommes versées par la société CGL, des revenus d'un montant de 32 100 000 euros, alors qu'elle a seulement comptabilisé une somme de 907 484 euros à titre de charges sur ce même exercice. Il est également constant, ainsi qu'il a déjà été indiqué, que le résultat de la SAS CDIF était exclusivement composé des distributions effectuées par les sociétés CDIL et CIL, elles-mêmes rémunérées par la société CGL, cette dernière étant quant à elle rémunérée par la société CGSA.
5. L'administration soutient en deuxième lieu, que l'activité de promotion internationale des produits de la société CGSA, assurée en réalité depuis la France par ses mandataires sociaux et ses salariés, l'a été dans le cadre de leur contrat de travail et en particulier, pour M. E..., dans le cadre de ses fonctions de direction (" Portfolio advisor " et " managing director "), de membre du comité de développement stratégique et de membre du comité d'investissement CGSA. Contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, il ne résulte pas de l'instruction que cette activité de promotion à l'international des fonds était distincte de celle inhérente aux fonctions des gérants de portefeuille salariés et des mandataires sociaux de la société CGSA, d'ailleurs effectivement exercée par ces derniers avant la création des sociétés luxembourgeoises CGL, CDIL et CIL et de la société CDIF. En outre et surtout, la répartition des dividendes, aux associés de la société CDIF, n'était pas fonction du pourcentage de détention capitalistique des bénéficiaires mais était décidée par un comité des résultats, constitué de M. Carmignac, président directeur général de la société CGSA et président de la société CDIF, de M. D..., directeur général délégué de la société CGSA et directeur général de la société CDIF, et de la secrétaire générale de l'équipe de direction de la société CGSA, en fonction de sept critères, ainsi qu'il a été dit au point 3, relevant de la performance personnelle des membres de l'équipe de gestion caractérisant une rémunération de salarié et témoignant, contrairement à ce qui est soutenu, de ce que l'exercice de l'activité de promotion internationale s'exerçait dans le cadre d'un lien de subordination avec la société CGSA.
6. L'administration a enfin estimé, ainsi que l'a relevé le tribunal, que l'objectif poursuivi par les salariés et mandataires sociaux de la société CGSA était de bénéficier d'une économie d'impôt en appréhendant des revenus de nature salariale sous l'apparence de dividendes, ces derniers ayant ainsi bénéficié du régime fiscal applicable à cette catégorie de revenus du capital, soit en l'espèce le régime mère-fille, plus favorable que celui applicable aux traitements et salaires. Elle indique, à cet égard et sans être contestée sur ce point, que, alors que les revenus litigieux auraient dû faire l'objet d'une imposition au barème au taux de 41 %, ils n'ont été imposés qu'à hauteur de 5 % au titre de la quote-part de frais et charges prévue par les dispositions de l'article 216 du code général des impôts. Il résulte d'ailleurs d'une convention judiciaire d'intérêt public conclue entre le procureur financier près le tribunal de grande instance de Paris et la société CGSA le 20 juin 2019, et signée par le directeur général délégué de cette dernière, que celle-ci a " admis la réalité des faits dénoncés comme abusifs par l'administration fiscale et pris acte que cette dernière les considère comme susceptible de constituer un abus du régime mère-fille ".
7. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence d'un montage artificiel ayant pour unique objet de soustraire les sommes qui avaient été versées à M. E... par la société CGSA au titre des actions de promotion commerciale à l'international des fonds Carmignac, inhérentes à ses fonctions de salarié de cette société, à leur imposition comme revenus salariaux et d'entrer artificiellement dans les prévisions du régime d'imposition des dividendes, ce qui lui avait permis de bénéficier de l'application du régime mère-fille prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts.
8. Si M. E... fait valoir qu'il n'avait pas connaissance du caractère artificiel d'un tel montage, dont il n'aurait tiré aucun avantage, il résulte toutefois de l'instruction, qu'eu égard à ses fonctions de directeur, à sa qualité de membre du comité de développement stratégique dont le rôle est de " définir les orientations stratégiques et piloter l'ensemble des projets de la maison ", et d'associé de la société CDIF, il ne pouvait ignorer l'organisation du groupe Carmignac, et a participé à ce montage, qu'il a complété, de sa propre initiative par l'interposition de la société Demeter. En se bornant à soutenir que la constitution de cette société, qui répondait à des objectifs patrimoniaux et organisationnels, n'a pas permis d'éluder, mais de différer une imposition qui devait intervenir, soit lors de la distribution de dividendes par cette société, soit lors de la liquidation de cette dernière, les appelants ne contestent pas sérieusement le caractère probant et concordant des éléments relevés par l'administration. Enfin, la circonstance que la société CDIF ait fait l'objet d'un contrôle qui s'est achevé par un avis d'absence de redressement n'implique en tout état de cause aucune prise de position opposable à l'administration et relative à la situation de M. E... au regard de l'interposition décrite ci-dessus.
9. Ainsi, dès lors que M. et Mme E... ne démontrent pas que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales qui auraient normalement pesé sur eux, c'est, par suite, à bon droit que le service a, en application de la procédure de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, requalifié ces sommes et les a imposées à l'impôt sur le revenu au titre des années 2010 à 2014, dans la catégorie des traitements et salaires.
Sur les pénalités
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; / (...) ".
11. Compte tenu de l'abus de droit constitué dans les conditions rappelées aux points 4 à 8, l'administration justifie l'application à M. E... de la majoration de 40 % prévue au b. de l'article 1729 du code général des impôts en cas d'abus de droit, dès lors qu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire, mais qu'il résulte de l'instruction, notamment de ce qui a été dit au point 8, que l'intéressé a participé consciemment et de manière active au montage litigieux, par la création d'une holding familiale destinée à recevoir les rémunérations versées sous forme de dividendes par la société CDIF, lesquels ont bénéficié du régime mère-fille. En se bornant à faire valoir qu'il n'a pas commis de manquement délibéré et qu'il n'a pas activement participé aux faits qui lui sont reprochés, en contradiction avec les faits relevés plus haut, M. E... ne conteste pas valablement les pénalités qui lui ont été appliquées.
12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juin 2025.
La rapporteure,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-Ledey
La greffière,
T. Tollim
Le rapporteur,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-Ledey
La greffière,
T. Tollim
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23VE00183