Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Lon a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la délibération du 14 décembre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonesse a approuvé la cession d'un immeuble situé 17 rue de Paris, à la société Euro France Concept, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé à la suite de son recours gracieux exercé le 4 février 2021, d'enjoindre à la commune de lui céder cet immeuble au prix de 210 000 euros et de la condamner à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 2107125 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2023, la société Lon, représentée par Me Ayrole, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette délibération, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Gonesse de lui céder le bien litigieux au prix de 210 000 euros ;
4°) de condamner la commune de Gonesse à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
5°) et de mettre à la charge de la commune de Gonesse la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle dispose d'un intérêt à agir ;
- les décisions contestées sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que la commune n'établit pas avoir cherché un repreneur pour le fonds de commerce, en méconnaissance des dispositions des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme ;
- elles sont entachées d'un détournement de procédure, dès lors que la délibération n° 345-2009 du 17 décembre 2009 par laquelle le conseil municipal avait approuvé la cession de l'immeuble à son bénéfice n'a pas été exécutée par le maire ;
- elles sont entachées de favoritisme, dès lors que la valeur de cession du bien litigieux est inférieure à celle estimée par l'avis du service des domaines ;
- la commune a contribué à la dépréciation de la valeur de l'immeuble dès lors qu'elle s'est abstenue de trouver un nouvel exploitant du fonds de commerce ;
- elle a subi un préjudice certain, dès lors que la commune l'a privée de la jouissance paisible du fonds de commerce dont elle était propriétaire, et qu'elle a subi une perte de chance de pouvoir acquérir le bien litigieux et d'exploiter de nouveau le fonds de commerce qu'elle détenait.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024, la commune de Gonesse, représentée par Me Le Boulch, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête, et, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions présentées par la société Lon et à ce que soit mise à la charge de cette dernière une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions à fin d'annulation ne sont assorties d'aucun moyen dirigé contre les décisions attaquées ;
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables, dès lors qu'il ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative d'adresser des injonctions de ce type à l'administration ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, dès lors que le préjudice dont la société requérante se prévaut n'est pas identifié et que les conclusions formulées sont hypothétiques ;
- la société requérante ne dispose pas d'un intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une ordonnance du 18 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2025, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Boulch pour la commune de Gonesse.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de la commune de Gonesse a, par une délibération du 14 décembre 2020, approuvé la cession de l'immeuble situé 17 rue de Paris, à la société Euro France Concept. Par un courrier du 4 février 2021, réceptionné le 8 février 2021 par la commune, la société Lon, qui exploitait le fonds de commerce situé dans cet immeuble, a demandé l'annulation de cette délibération, que l'immeuble lui soit cédé pour un montant de 210 000 euros, ou, à défaut, d'être indemnisée d'un montant de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. En l'absence de réponse de la commune, une décision implicite de rejet est née le 9 avril 2021. La société Lon fait appel du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Gonesse de lui céder l'immeuble au prix de 210 000 euros, et à la condamnation de cette dernière à lui verser une somme de 400 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 14 décembre 2020 et de la décision de rejet du recours gracieux :
2. En premier lieu, la société requérante se borne à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure du fait de la méconnaissance des dispositions des articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme. Par suite, il y'a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, au point 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, la cession par une commune d'un bien immobilier à des particuliers pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé, lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes.
4. Pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d'illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d'intérêt général. Si tel est le cas, il lui appartient ensuite d'identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c'est-à-dire les avantages que, eu égard à l'ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s'assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité. Il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé.
5. D'une part, si la société Lon fait valoir que les décisions attaquées seraient entachées d'un " détournement de procédure " dès lors que la délibération n° 345-2009, adoptée le 17 décembre 2009, par laquelle le conseil municipal de la commune de Gonesse avait approuvé la cession de l'immeuble à son bénéfice, n'a pas été exécutée, il n'est pas contesté par la société requérante qu'elle a elle-même fait échec à son exécution par un courrier du 2 avril 2010, par lequel le gérant de la société Lon a signifié au maire son intention que la vente se réalise au bénéfice d'une société tierce, dont il était associé. Il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que la délibération n° 345-2009 a été annulée par une délibération n° 314-2014 du 18 décembre 2014 et que la société requérante a expressément renoncé à l'acquisition de l'immeuble litigieux le 15 mai 2015, lors de la cession du fonds de commerce, situé dans cet immeuble et dont elle était propriétaire, à la commune de Gonesse. Ainsi, à la date des décisions en litige, la commune de Gonesse n'était tenue par aucun engagement de lui céder l'immeuble. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un " détournement de procédure " ne peut qu'être écarté.
6. D'autre part, il ressort des termes de la délibération contestée du 14 décembre 2020 que la cession de l'immeuble litigieux a été approuvée pour un montant de 210 000 euros, soit un prix inférieur à sa valeur estimée à la somme de 230 000 euros, par l'avis du service des domaines du 5 octobre 2020. Toutefois, il ressort des termes du procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 14 décembre 2020, que le projet porté par la société acquéreuse consiste en la réhabilitation totale du bâtiment, inoccupé depuis 2015 et en état de dégradation avancé, en vue de la création d'un local commercial à usage de brasserie en rez-de-chaussée, ayant vocation à assurer un service de restauration lors de la pause méridienne et en soirée, ainsi que de trois logements de type F3 et un quatrième de type F4, situés en étage. Le projet s'inscrit ce faisant dans un objectif de redynamisation du centre-ville ainsi que de diversification de l'offre commerciale et de logement en centre-ville. La cession de l'immeuble litigieux répond ainsi à des motifs d'intérêt général. Il ressort en outre des termes de la délibération contestée que la cession doit faire l'objet d'une promesse de vente, par laquelle la société acquéreuse s'engagera à obtenir un permis de construire portant sur ce projet précis. Ainsi, la cession litigieuse doit être regardée comme justifiée par des motifs d'intérêt général et comportant des contreparties suffisantes.
7. Si la société requérante soutient que la commune aurait contribué à la dépréciation de la valeur de l'immeuble en s'abstenant de chercher un nouvel exploitant pour le fonds de commerce, en n'assortissant au demeurant cette allégation d'aucun élément de nature à l'étayer, il ressort des termes non sérieusement contestés du procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 14 décembre 2020 que la commune n'est pas parvenue à trouver un repreneur pour le fonds de commerce. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient entachées de favoritisme dès lors que la cession du bien litigieux a été approuvée pour un prix inférieur à sa valeur, doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité, que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Lon doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées à fin d'injonction.
Sur les conclusions indemnitaires :
9. En premier lieu, d'une part, la société requérante n'établit pas qu'elle aurait subi une perte de chance d'acquérir le bien litigieux, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune de Gonesse aurait commis une illégalité fautive en s'abstenant de procéder à la cession de l'immeuble à son bénéfice, eu égard au courrier du 2 avril 2010 par lequel son gérant a déclaré son intention que la cession se réalise au profit d'une société tierce, à la déclaration de cession du fonds de commerce soumis au droit de préemption signifiée à la commune de Gonesse le 15 décembre 2014, ainsi qu'à l'acte de cession de ce fonds de commerce du 15 mai 2015, par lequel la société Lon a expressément renoncé à l'acquisition du bien litigieux. D'autre part, la société requérante ne saurait davantage se prévaloir d'une perte de chance d'exploiter à nouveau le fonds de commerce dont elle était auparavant propriétaire, dès lors qu'il ne résulte ni de l'instruction, ni d'une quelconque disposition législative ou réglementaire que la commune était tenue par une obligation de le lui rétrocéder.
10. En deuxième lieu, s'il est constant que la commune a procédé à la démolition de l'escalier situé en façade arrière du bâtiment, qui faisait office d'issue de secours de la salle de réception située au premier étage, il ne résulte pas de l'instruction que cette salle était effectivement exploitée par la société Lon ni que la commune aurait, ce faisant, adopté un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée, que les conclusions indemnitaires présentées par la société Lon doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gonesse, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y'a lieu de mettre à la charge de la société Lon la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Gonesse au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Lon est rejetée.
Article 2 : La société Lon versera à la commune de Gonesse une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lon et à la commune de Gonesse.
Copie en sera adressée à la société Euro France Concept.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. A..., premier vice-président, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
B. Aventino
Le président,
B. A...
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23VE02625