Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juin 2023 et le 27 août 2024, la société par actions simplifiée (SAS) L'Immobilière Castorama, représentée par Me Encinas, demande à la cour :
1°) de constater l'irrecevabilité du recours préalable obligatoire exercé par la société par actions simplifiée (SAS) " Dis Tours Nord " devant la commission nationale d'aménagement commercial ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2023 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a rejeté sa demande tendant à la création d'un ensemble commercial situé sur la commune de Saint-Cyr-sur-Loire, par réduction de la surface commerciale d'un magasin exploité sous l'enseigne " Brico Dépôt ", et la création d'un magasin nouveau exploité sous l'enseigne " Centrakor " ;
3°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer sa demande, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) et enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours administratif préalable obligatoire exercé par la société " Dis Tours Nord " était irrecevable, dès lors que celle-ci ne justifie pas d'un intérêt à agir ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi que la procédure d'envoi des convocations à la Commission nationale d'aménagement commercial, fixée par l'article R. 752-35 du code de commerce, a bien été respectée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le projet, qui n'emporte aucune extension de la surface de vente du magasin déjà existant, n'avait pas à être évalué au regard des critères relatifs au développement durable, tels que mentionnés au 2° de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- la commission a, en tout état de cause, entaché sa décision d'erreurs d'appréciation dès lors qu'elle n'a pas tenu compte de l'ensemble des mesures prévues pour améliorer la qualité environnementale du bâtiment, de telle sorte que le projet répond aux critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- la décision litigieuse est entachée d'erreurs d'appréciation, dès lors que l'intégration fonctionnelle du projet avec la zone d'activité commerciale voisine est assurée par des voies adaptées à la circulation piétonne et que la route départementale RD801 qui dessert le projet bénéficie de réserves de capacité satisfaisantes, de telle sorte que le projet n'aura qu'un impact limité sur la fluidité du trafic routier ;
- le projet, qui s'inscrit dans un environnement dépourvu de sensibilité particulière, répond au critère d'intégration paysagère et architecturale dès lors que le bâtiment sera modernisé et que le site bénéficie déjà d'un traitement paysager satisfaisant ;
- elle n'était pas tenue de déposer sa déclaration préalable de travaux concomitamment à la demande d'autorisation d'exploitation commerciale.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2024, la commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la société " Dis Tours Nord " qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 7 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Danzé pour la société L'Immobilière Castorama.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) L'Immobilière Castorama a sollicité la délivrance d'une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial, d'une surface de vente totale de 12 500 m2, sur le territoire de la commune de Saint-Cyr-sur-Loire, résultant de la réduction de la surface de vente de 12 500 m2 à 9 805 m2 d'un magasin exploité sous l'enseigne " Brico Dépôt " et de la création d'un magasin exploité sous l'enseigne " Centrakor ", d'une surface de vente de 2 695 m2, dont 300 m2 situés en extérieur du bâtiment. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Indre-et-Loire a rendu un avis favorable sur ce projet le 10 octobre 2022. La commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), saisie sur recours formé par la société " Dis Tours Nord ", exploitant un magasin à l'enseigne " E. Leclerc " sur le territoire de la commune de Tours, a, par une décision du 9 mars 2023, prise sur avis défavorable du ministre chargé du commerce du 27 février 2023, et avis favorable du ministre en charge de l'urbanisme du 8 mars 2023, rejeté la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société L'Immobilière Castorama. Par la présente requête, la société L'Immobilière Castorama demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la recevabilité de la saisine de la commission nationale d'aménagement commercial :
2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce :" I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / II.- Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d'un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial rend une décision qui se substitue à celle de la commission départementale. En l'absence de décision expresse de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, la décision de la commission départementale d'aménagement commercial est réputée confirmée. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire au recours contentieux. (...) ". Et aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".
3. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 752-17 du code de commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale d'aménagement commercial puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la commission nationale d'aménagement commercial, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
4. La société requérante soutient que la société " Dis Tours Nord " n'avait pas intérêt à agir devant la CNAC, dès lors qu'elle ne démontre pas que son activité, à dominante alimentaire, est susceptible d'être impactée par le projet litigieux, qui porte sur la création d'un magasin spécialisé dans la vente d'équipement de maison. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'analyse d'impact du projet rendu par un cabinet habilité au mois de juillet 2022, que la zone de chalandise du projet porté par la société requérante a été délimitée sur la base d'un temps de trajet en voiture compris entre vingt et vingt-cinq minutes. Elle englobe ainsi le territoire de vingt-six communes, au nombre desquelles figure celle de Tours, sur le territoire de laquelle se situe le supermarché à l'enseigne " E. Leclerc " exploité par la société " Dis Tours Nord ", distant de 1,6 kilomètre du site du projet litigieux, que le rapport d'analyse d'impact recense au demeurant comme étant un concurrent situé dans le voisinage du projet. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des catalogues commerciaux du supermarché exploité par la société " Dis Tours Nord ", que celui-ci, bien qu'exerçant une activité commerciale à dominante alimentaire, commercialise des produits d'équipement et d'ameublement intérieur. Dans ces conditions, le projet en litige doit être regardé comme étant susceptible d'exercer une influence sur l'activité de la société " Dis Tours Nord ". Par suite, le moyen tiré de ce que la CNAC n'aurait pas été régulièrement saisie faute de justification de l'intérêt à agir de la société " Dis Tours Nord " doit être écarté.
En ce qui concerne la procédure suivie devant la commission nationale d'aménagement commercial :
5. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, conformément aux exigences réglementaires rappelées ci-dessus, l'ensemble des membres de la CNAC se sont vus communiquer, à leur adresse électronique, le 21 février 2023, par le tiers de confiance " e-convocations ", une convocation en vue de la 565ème réunion de la CNAC, prévue le 9 mars 2023, au cours de laquelle a été examiné le projet en cause. Il ressort également de deux copies d'écran du site de la plateforme de téléchargement " SOFIE ", qu'un fichier intitulé " CNAC 565 et 566 du 9 mars " a été mis en partage avec les membres de la commission le 2 mars 2023 à 18h33. Ces éléments sont corroborés par une attestation de la directrice de projet d'aménagement commercial, assurant le secrétariat de la CNAC, relevant de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie et des finances, qui certifie que les convocations pour les séances du 9 mars 2023 ont bien été transmises aux membres de la CNAC via le site " www.e-convocations.com ", et que ceux-ci ont bien eu à leur disposition divers documents, via la plateforme d'échanges " SOFIE " le 2 mars 2023, à savoir l'avis de la commission départementale, le procès-verbal de la réunion de la commission départementale, le rapport des services instructeurs départementaux, le recours formé à l'encontre de l'avis de la commission départementale, le rapport du service instructeur de la commission nationale accompagné des cartes du projet et des éventuelles annexes. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de convocation des membres de la CNAC doit être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation portée sur le projet par la commission nationale d'aménagement commercial :
7. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet :1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; / 3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 mètres carrés. Ce seuil est ramené à 1 000 mètres carrés lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ; / 4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
9. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la société L'Immobilière Castorama, la CNAC a retenu, premièrement, que le projet ne faisait preuve que de peu d'efforts s'agissant de la perméabilisation du site, deuxièmement qu'il ne prévoyait aucun système de production d'énergie renouvelable, alors que le bâtiment n'est pas conforme à la réglementation thermique dite " RT 2012 " visant à optimiser la performance énergétique des bâtiments et que son isolation ne sera pas améliorée, troisièmement que le projet ne traite pas son intégration fonctionnelle avec la zone d'activités commerciales (ZAC) voisine de la Ménardière-Lande-Pinauderie, notamment au regard des cheminements en mobilités douces, quatrièmement que la route départementale RD801 desservant le projet connait des ralentissements en heure de pointe, qui seront aggravés par la réalisation du projet, et, enfin, qu'aucune action n'est prévue afin d'améliorer l'insertion paysagère et architecturale du bâtiment.
S'agissant de l'objectif relatif à l'aménagement du territoire :
10. D'une part, si la CNAC a indiqué que le projet n'avait pas traité son intégration fonctionnelle avec la ZAC de la Ménardière-Lande-Pinauderie, notamment au regard des cheminements en mobilités douces, il ressort des pièces du dossier que le site du projet litigieux est desservi par plusieurs voies équipées de cheminements sécurisés pour les piétons ainsi que les cyclistes, au nombre desquelles figurent la rue de la Pinauderie qui relie directement le site à la ZAC de la Ménardière. En outre, le projet prévoit la création d'une aire de stationnement réservée aux deux-roues, d'une capacité de trente-trois places, qui s'ajoutera à l'aire déjà existante, d'une capacité de douze places. D'autre part, s'il est constant que le projet litigieux entrainera une augmentation du trafic routier sur les axes desservant son site d'implantation, il ressort toutefois des constatations de l'étude de trafic réalisée, non contestées, que si cette augmentation entrainera une diminution de la réserve de capacité allant de 5 à 10 % selon les axes routiers concernés, cette réserve de capacité s'établira cependant à 19,6 % pour l'axe le plus fréquenté, la route départementale RD 801 dans le sens Nord-Ouest. Cette diminution ne devrait entrainer de potentiels ralentissements qu'aux heures d'hyperpointe, notamment le vendredi midi, sans toutefois atteindre le seuil de gêne de la circulation fixé, et l'étude réalisée conclut ainsi à un impact limité sur la circulation, avec une absence de dégradation récurrente des conditions dans lesquelles celle-ci s'exercera. Par suite, la société L'Immobilière Castorama est fondée à soutenir que la CNAC a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quant au respect par le projet en cause de l'objectif relatif à l'aménagement du territoire.
S'agissant de l'objectif relatif au développement durable :
11. En premier lieu, il est constant que le projet en litige a pour objet la création d'un ensemble commercial d'une surface totale de vente de 12 500 m2, résultant de la réduction de la surface de vente du magasin actuellement exploité sous l'enseigne " Brico Dépôt ", celle-ci devant atteindre 9 805 m2, afin de permettre la création d'un second magasin d'une surface de vente de 2 695 m2, exploité sous l'enseigne " Centrakor ". Il résulte des dispositions énoncées au point 7 du présent arrêt qu'une telle opération est soumise à une autorisation d'exploitation commerciale, sur laquelle la commission nationale d'aménagement commercial doit se prononcer en prenant notamment en considération le respect par le projet des critères liés à l'objectif relatif au développement durable. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet litigieux serait dispensé d'évaluation au regard des critères de l'objectif relatif au développement durable, au motif que celui-ci n'emporte pas d'extension de la surface de vente du magasin déjà existant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la CNAC en évaluant le projet au regard des critères de l'objectif relatif au développement durable doit être écarté.
12. En second lieu, il est constant que le projet porté par la société requérante ne prévoit aucun système de production d'énergie renouvelable, dès lors qu'une telle installation est, ainsi qu'il en ressort de l'étude rendue le 21 février 2023 par le Groupement étude pour l'habitat le commerce et l'industrie (GEHCI), peu envisageable tant par la pose de panneaux photovoltaïques en toiture, du fait de la trop faible solidité de la charpente du bâtiment qui impliquerait une réfection totale de celle-ci, que par la pose d'ombrières photovoltaïques sur le parc de stationnement, du fait de l'implantation de lignes haute tension sur ce dernier, risquant ainsi de compromettre le bon fonctionnement des ombrières. En outre, il n'est pas contesté que le bâtiment accueillant le projet, construit en 2002, n'est pas conforme à la réglementation dite " RT 2012 ", bien qu'il bénéficie de la certification " ISO 50001 ". Toutefois, il est constant que le projet en cause n'implique aucune construction nouvelle ni imperméabilisation supplémentaire des sols, alors qu'il est prévu que 52 places de stationnement soient transformées en revêtement perméable et que la surface dédiée aux espaces verts de pleine terre, couvrant 46,95 % de l'assiette foncière du projet et accueillant 148 arbres de hautes et moyennes tiges ainsi que des moutons dans le cadre d'un dispositif d'éco-pâturage, restera inchangée. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la mise en place de diverses mesures visant à améliorer la qualité environnementale du bâtiment, par l'installation d'un système de récupération des eaux de pluie, en vue de leur réutilisation lors du nettoyage du site, d'un éclairage à diode électroluminescente (LED) faiblement consommateur, avec système de détection des mouvements dans les couloirs et locaux techniques, de robinets poussoirs dans l'ensemble du bâtiment, ainsi que de pompes à chaleur afin de remplacer l'actuelle chaudière à gaz équipant le bâtiment, dans un objectif de décarbonation. Enfin, le projet prévoit l'installation d'une large façade vitrée pour le magasin " Centrakor ", dans le but de maximiser l'éclairage naturel de celui-ci. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la CNAC a porté sur le projet une appréciation erronée au regard du critère de sa qualité environnementale.
13. En troisième lieu, si la CNAC a retenu qu'aucune action n'était prévue dans le but d'améliorer l'intégration paysagère et architecturale du bâtiment, alors que l'impact visuel du parc de stationnement est massif et peu harmonieux, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le site du projet est entouré par de nombreux arbres qui demeureront et permettent notamment l'isolation visuelle du bâtiment des habitations voisines, et, d'autre part, qu'il se situe dans une zone d'activité ne présentant pas d'intérêt patrimonial particulier, le site étant entouré par des magasins ainsi que par une route départementale et un cimetière. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'une réfection totale de la façade du bâtiment accueillant le projet est prévue, comprenant la pose de bardage bois par endroits, de vitrage en ce qui concerne la façade du magasin à l'enseigne " Centrakor ", ainsi qu'une peinture de couleur rouge en ce qui concerne la façade du magasin à l'enseigne " Brico Dépôt ". Par suite, la société L'Immobilière Castorama est fondée à soutenir que la CNAC a porté sur le projet une appréciation erronée au regard du critère de son intégration paysagère et architecturale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que tous les motifs de la décision rendue par la CNAC le 9 mars 2023 sont entachés d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce. Cette décision doit, par suite, être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
16. En l'espèce, les motifs de la décision défavorable rendue par la CNAC le 9 mars 2023 ne concernaient que certains des critères d'évaluations d'une partie des objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, l'annulation de cette décision implique seulement que la CNAC, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, prenne une nouvelle décision sur le projet dans un délai de quatre mois.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y'a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 9 mars 2023 refusant d'autoriser le projet de la société L'Immobilière Castorama est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial de prendre une nouvelle décision, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la demande de la société L'Immobilière Castorama.
Article 3 : L'Etat versera à la société L'Immobilière Castorama une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée L'Immobilière Castorama, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commission nationale d'aménagement commercial.
Copie en sera adressée à la société " Dis Tours Nord ".
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. A..., premier vice-président, président de chambre,
Mme Mornet, présidente-assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le président-rapporteur,
B. A...
La présidente assesseure,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23VE01222