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28/05/2025 | FRANCE | N°22VE02631

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 28 mai 2025, 22VE02631


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association pour la sauvegarde de l'environnement d'Orsay (ASEOR) a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler le " protocole d'accord encadrant la cession des biens acquis dans le cadre du projet Ilôt de la Poste à Orsay " conclu le 12 décembre 2019 entre la commune d'Orsay, l'établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) et la société Développement réalisation assistance maîtrise d'ouvrage (DREAM) et, à titre subsidiaire, de le

résilier, au besoin avec effet différé.



Par un jugement n° 2001735 du 23 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la sauvegarde de l'environnement d'Orsay (ASEOR) a demandé au tribunal administratif de Versailles, à titre principal, d'annuler le " protocole d'accord encadrant la cession des biens acquis dans le cadre du projet Ilôt de la Poste à Orsay " conclu le 12 décembre 2019 entre la commune d'Orsay, l'établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) et la société Développement réalisation assistance maîtrise d'ouvrage (DREAM) et, à titre subsidiaire, de le résilier, au besoin avec effet différé.

Par un jugement n° 2001735 du 23 septembre 2022, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 novembre 2022 et 25 juin 2024, l'ASEOR, représentée par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler cette convention ;

3°) à titre subsidiaire, de la résilier, au besoin avec effet différé ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Orsay, de l'EPFIF et de la société DREAM une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché de dénaturation des faits ;

- elle justifie, compte tenu de son objet social, d'un intérêt à agir contre le contrat litigieux, dès lors que celui-ci confie à la société DREAM la réalisation d'un programme immobilier de 7 560 mètres carrés, prévoit la suppression d'un parking public d'une quarantaine de places ainsi que la cession d'un terrain appartenant au domaine public de la commune et impacte les finances et le patrimoine communaux ;

- le contrat litigieux constitue une concession d'aménagement au sens de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme et, compte-tenu du risque assumé par la société DREAM, une concession au sens du code de la commande publique ; il aurait donc dû être attribué conformément aux règles de publicité et de mise en concurrence y afférent ;

- sa passation n'a pas été précédée de la publication d'un avis de concession, conformément aux dispositions de l'article R. 300-5 du code de l'urbanisme et des articles L. 3122-1, R. 3122-1 et R. 3122-2 du code de la commande publique ;

- les critères d'analyse des offres prévus en page 30 du cahier des charges de la consultation méconnaissent les dispositions des articles L. 3124-5 et R. 3124-4 du code de la commande publique dès lors qu'ils sont imprécis, non pondérés et ne comptent aucun critère social ou relatif à l'innovation ; les dispositions de l'article R. 3124-6 de ce code ont été méconnues dès lors que rien ne permet de vérifier que l'offre de la société DREAM répondait mieux à ces critères que ses concurrents ;

- la passation du contrat litigieux est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article R. 300-9 du code de l'urbanisme, dès lors que la commission chargée d'émettre un avis sur les propositions reçues n'a pas été consultée, que le conseil municipal n'a pas désigné de personne habilitée à engager les discussions avec la société DREAM et qu'il n'a pas choisi lui-même le concessionnaire ;

- à titre subsidiaire, pour le cas où la qualification de concession d'aménagement ne serait pas retenue, le contrat litigieux a été conclu en méconnaissance des principes généraux du droit de la commande publique, ce qui a directement lésé ses intérêts ;

- à titre encore subsidiaire, pour le cas où la consultation menée par la commune serait considérée comme étant facultative, rien ne permet de vérifier que les critères qu'elle avait elle-même définis pour l'attribution du contrat ont été respectés ;

- en tout état de cause, le contrat en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 3112-4 du code général de la propriété des personnes publiques, dès lors, d'une part, qu'il comporte une promesse de vente portant sur des terrains appartenant au domaine public de la commune d'Orsay conclue avant que ne soit intervenue une décision de désaffectation et, d'autre part, qu'il ne comporte aucune clause prévue par le deuxième alinéa de cet article ; une telle irrégularité affecte directement ses missions statutaires ;

- les irrégularités ainsi commises lèsent ses intérêts, dès lors qu'elles sont de nature à empêcher la désignation de l'opérateur portant le meilleur projet en termes de qualité de vie et qu'elles sont porteuses d'insécurité juridique pouvant avoir un impact financier important pour la commune ; en tout état de cause, elle peut utilement invoquer les vices d'une gravité telle que le juge doive les relever d'office ;

- compte tenu de la gravité des vices affectant tant ses conditions d'attribution que son contenu, il conviendra d'annuler le contrat litigieux ou, à défaut, de le résilier si besoin avec un effet différé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, la société DREAM, représentée par Me Tabouis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ASEOR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ; la contestation de l'analyse faite par les juges de première instance de l'intérêt à agir de l'ASEOR se rapporte en réalité au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité ;

- le moyen tiré de la dénaturation du contrat litigieux, qui ne relève pas de l'office du juge d'appel mais de celui du juge de cassation, est inopérant ; en tout état de cause, il est infondé et l'argumentation avancée par l'appelante se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué ;

- la demande de première instance était irrecevable, l'ASEOR n'étant pas lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine ; ses statuts lui confient une mission trop générale ; le protocole contesté n'est qu'un accord préliminaire, dépourvu de toute valeur normative ou obligatoire ; il n'a pas vocation à supprimer ou modifier l'offre de stationnement ; ses incidences financières sur le budget communal ne sont pas démontrées et, en tout état de cause, n'emporteraient pas d'effets négatifs spécifiques sur l'association requérante et les intérêts qu'elle défend ; l'ASEOR ne saurait se prévaloir d'intérêts que pourrait faire valoir une autre catégorie de requérants plus directement concernée, telle que les candidats évincés ;

- le contrat litigieux ne constitue pas une concession d'aménagement au sens des dispositions combinées des articles L. 300-4 et R. 300-4 du code de l'urbanisme et L. 1121-1 et L. 3111-1 du code de la commande publique ; il ne répond à aucun besoin exprimé par la commune d'Orsay, ne lui confère aucun pouvoir de contrôle et ne comporte pour elle aucun intérêt économique direct au sens de la directive 2004/18 ; l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai dont se prévaut la requérante est isolé et non transposable en l'espèce ; le protocole attaqué se borne à encadrer la procédure de maitrise foncière de l'opération et de cession des biens acquis par l'EPFIF ; il ne constitue pas davantage un contrat de la commande publique ;

- la convention attaquée n'a, dès lors, pas le caractère d'un contrat administratif et le recours de l'ASEOR a été porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ; la seule participation d'une entité publique à un projet immobilier avec un opérateur privé sélectionné après appel à projets ne suffit pas à qualifier ledit protocole de contrat relevant de la commande publique ; le contrat par lequel une personne publique cède un bien immobilier appartenant à son domaine privé est, en principe, un contrat de droit privé, y compris lorsque l'acquéreur est une autre personne publique ; en l'espèce, il s'agit seulement d'un avant-contrat préparatoire à des promesses synallagmatiques de vente qui constitueront des contrats de droit privé ; la simple circonstance que ce protocole s'inscrive dans des orientations générales d'aménagement du centre-ville ne constitue pas, en soi, une clause exorbitante de droit commun et ne porte pas sur l'exécution d'un service public ; c'est à tort que les juges de première instance ont considéré que le contrat litigieux relevait du régime exorbitant des contrats administratifs dès lors que les procédures d'expropriation et de déclassement auxquelles il se réfère constituent seulement des conditions suspensives des futures promesses de vente et qu'il ne met à la charge de la société DREAM aucune obligation particulière qui dérogerait au droit commun ;

- à titre subsidiaire, l'ASEOR, qui ne peut être considérée comme un candidat évincé, ne saurait se prévaloir de vices affectant la procédure de passation du contrat de sorte que l'ensemble des moyens soulevés sont inopérants ; en tout état de cause, ils sont infondés ;

- l'appel à projets a fait l'objet d'une publicité sur le site internet de la commune qui a été suffisante, compte-tenu du nombre de réponses obtenues, pour assurer une concurrence efficace ;

- à supposer que le protocole en litige puisse être regardé comme un contrat de concession, les critères de sélection figurant dans le cahier des charges de la consultation ne méconnaissent pas les dispositions des articles R. 3124-4 et R. 3124-5 du code de la commande publique ; en outre, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 300-9 du code de l'urbanisme est inopérant, le protocole litigieux ne portant ni sur l'attribution du contrat, ni sur la désignation de l'opérateur DREAM ; à supposer que la commission prévue par ces dispositions n'ait pas été consultée, il s'agirait d'une irrégularité négligeable ne pouvant entraîner ni la résiliation, ni l'annulation du contrat contesté ;

- les règles relatives à la commande publique ne sont pas applicables à la cession des biens de sorte que l'association requérante ne peut soutenir que les principes généraux du droit de la commande publique auraient été méconnus ; l'ASEOR ne démontre pas que l'égalité de traitement entre candidats, seul principe applicable en cas de cession d'un bien, aurait été méconnue ;

- le moyen tiré de ce que les règles fixées par la commune d'Orsay dans la consultation auraient été méconnues ne comporte aucun commencement de démonstration ;

- le protocole litigieux ne peut être regardé comme une promesse de vente de biens immobiliers en l'absence d'engagement portant sur un transfert de propriété en contrepartie d'un prix déterminé de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 3112-4 du code général de la propriété des personnes publiques est inopérant ; en tout état de cause, les stipulations de son article 5.2 permettront d'assurer le respect de ces dispositions ;

- la demande de résiliation formulée par l'ASEOR à titre subsidiaire est devenue sans objet dès lors qu'en application de son article 7, le protocole litigieux a produit tous ses effets, la dernière promesse synallagmatique de vente ayant été signée le 23 décembre 2021 ;

- l'ASEOR ne se prévalant, ni de l'illicéité du contenu du contrat, ni d'aucun vice du consentement ou autre vice d'une particulière gravité, ses conclusions tendant à l'annulation du protocole litigieux ne pourront qu'être rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, la commune d'Orsay, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'ASEOR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement attaqué est parfaitement motivé et n'est pas entaché de dénaturation ;

- à titre principal, l'ASEOR n'a pas intérêt à contester la validité du protocole litigieux ; ce dernier ne fait nullement obstacle à la réalisation ultérieure, par la ville, d'équipements publics, notamment des places de stationnement ; il n'a pas, par lui-même, pour effet de permettre la désaffectation et le déclassement du parking public ; l'association requérante ne démontre pas en quoi ce protocole emporterait des conséquences négatives sur les finances communales ; celui-ci n'entraine, par lui-même, la réalisation d'aucun programme immobilier précisément et techniquement défini et est, par suite, insusceptible de porter atteinte aux objectifs défendus par l'ASEOR ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués par l'ASEOR, qui n'a pas la qualité de candidat évincé, sont sans rapport avec l'intérêt dont elle se prévaut et ne sont pas d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; ils sont, par suite, inopérants ;

- le protocole litigieux n'a pas le caractère d'une concession d'aménagement, dès lors qu'il ne prévoit la réalisation d'aucun équipement public ayant vocation à être remis à la commune ; il n'est pas non plus un contrat relevant de la commande publique, à défaut de répondre à un besoin exprimé par la commune et d'avoir été conclu à titre onéreux ; en tout état de cause, une procédure de publicité et de mise en concurrence préalables a été mise en œuvre ; ce contrat ne peut être qualifié de promesse de vente au sens de l'article L. 3112-4 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de l'association requérante tendant à ce que la cour prononce la résiliation du protocole en litige, celui-ci étant arrivé à son terme ;

- aucun des moyens soulevés ne justifie que le juge prononce l'annulation du contrat contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2024, l'EPFIF, représenté par Me Sultan, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'ASEOR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé et n'a pas dénaturé les faits de l'espèce ;

- l'association requérante n'était pas recevable à contester la validité du protocole litigieux, celui-ci ne portant, en lui-même, aucune atteinte suffisamment directe et certaine aux intérêts qu'elle défend ; ce protocole n'a d'autre but que d'organiser les modalités des cessions foncières des terrains acquis par lui en vue de la réalisation d'un projet de dynamisation du centre-ville d'Orsay ; il n'a pas, en lui-même, pour objet de mettre à la charge de la société DREAM la réalisation d'un projet immobilier ou d'imposer une offre de stationnement ; le simple fait, pour l'ASEOR, de se prévaloir en des termes généraux des incidences financières desdites cessions sur le budget communal ne saurait révéler un lien suffisamment direct entre les intérêts qu'elle défend et le protocole contesté ;

- ce protocole ne saurait être qualifié de concession d'aménagement au sens de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dès lors que la commune d'Orsay ne confie aucune opération répondant à ses besoins à la société DREAM, qu'aucun équipement collectif n'a vocation à lui revenir et qu'aucune des stipulations litigieuses ne révèle un contrôle effectif de la commune sur l'opérateur privé ; par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 300-4 et suivants du code de l'urbanisme devra être écarté ;

- en tout état de cause, la passation de ce protocole a donné lieu à une consultation ad hoc respectant les principes généraux du droit de la commande publique ;

- les critères de sélection du lauréat étaient suffisamment précis pour exclure un choix discrétionnaire de la commune ;

- le moyen tiré de ce que la société DREAM n'aurait pas présenté l'offre répondant le mieux aux critères d'analyse présentés dans le cahier des charges de la consultation n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; il est, en tout état de cause, infondé ;

- le moyen tiré du non-respect des règles de la consultation n'est assorti d'aucun élément susceptible de venir à son soutien ;

- le protocole litigieux ne saurait être qualifié de promesse de vente de biens relevant du domaine public communal, dès lors qu'il se borne à prévoir le principe et les modalités essentielles des promesses de vente à venir ; en tout état de cause, les parcelles relevant du domaine public de la commune d'Orsay ne sont pas concernées par le protocole de sorte que ce moyen est inopérant ; la commune ne sera pas signataire des futures promesses de vente ; le protocole ne renvoie qu'à une cession éventuelle des parcelles domaniales concernées ;

- à supposer que l'un des moyens invoqués soit fondé, ils sont en tout état de cause inopérants, à défaut de présenter un lien suffisamment direct avec les intérêts défendus par l'association requérante ;

- les conclusions à fin de résiliation ont perdu leur objet, le protocole litigieux ayant été entièrement exécuté ;

- les conclusions à fin d'annulation seront rejetées en l'absence de vice d'une particulière gravité et compte tenu de l'intérêt général de l'opération.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bahaj,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sagalovitsch, pour la commune d'Orsay.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention d'intervention foncière signée le 15 novembre 2017, l'établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) et la commune d'Orsay se sont associés en vue notamment de conduire une opération de requalification urbaine sur le secteur dit de " l'îlot de la poste ". Parallèlement, la commune a lancé, à l'automne 2017, une consultation sous la forme d'un appel à projets, ayant abouti à la sélection de la proposition présentée par la société DREAM, consistant en la réalisation d'un ensemble immobilier mixte de 7 560 mètres carrés environ et comprenant des logements en accession, des logements locatifs sociaux ainsi que des commerces. Dans ce cadre, l'EPFIF, la commune d'Orsay et la société DREAM ont conclu, le 12 décembre 2019, un " protocole d'accord encadrant la cession des biens acquis dans le cadre du projet Îlot de la Poste à Orsay ". L'ASEOR relève appel du jugement du 23 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en contestation de la validité de ce contrat au motif qu'elle était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Sur les conclusions tendant à la résiliation du protocole en litige :

2. Aux termes des stipulations de l'article 7 du protocole contesté, relatif à sa durée de validité : " Le présent protocole prendra fin à la signature de la dernière promesse synallagmatique de vente. ". Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation notariale du 17 mai 2024 produite par l'EPFIF dont la teneur, et notamment les numéros de parcelles qui y figurent, n'est pas contestée, que l'ensemble des parcelles mentionnées à l'article 3.1 du protocole en litige a fait l'objet d'une promesse de vente régularisée le 23 décembre 2021 et amendée, en dernier lieu, le 27 mars 2024. Il en résulte que, le protocole litigieux ayant été, en cours d'instance, entièrement exécuté, les conclusions présentées par l'ASEOR tendant à sa résiliation ont perdu leur objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

3. Un contrat conclu entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif, impliquant la compétence des juridictions administratives pour en connaître, sauf dans le cas où, eu égard à son objet, il ne fait naître entre les parties que des rapports de droit privé.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que la commune d'Orsay et l'EPFIF ont conclu, le 15 novembre 2017, une convention d'intervention foncière, en vue de déterminer les conditions et modalités selon lesquelles l'EPFIF interviendrait sur plusieurs secteurs du territoire communal dans le but de mener à bien différentes opérations immobilières. Cette convention, conclue entre deux personnes publiques et dont l'objet, tel qu'il vient d'être décrit, n'avait nullement vocation à faire naître entre les parties des rapports de droit privé, revêt ainsi un caractère administratif. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des nombreux renvois à la convention du 15 novembre 2017 qui y figurent, que le protocole litigieux a été conclu pour les besoins et en exécution de cette convention. Par suite, le caractère administratif de la convention d'intervention foncière précitée s'étend au protocole contesté, qui doit être regardé comme en étant l'accessoire. Il en résulte que le recours en contestation de sa validité relève bien de la compétence de la juridiction administrative.

En ce qui concerne l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif :

5. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat.

6. Selon l'article 1er de ses statuts, le périmètre géographique de l'ASEOR comprend " tout le territoire de la commune d'Orsay ". Selon leur article 2 : " Cette association a pour but d'étudier et de défendre les intérêts des habitants d'Orsay (...) dans le domaine de l'environnement et de l'urbanisme. / Elle se donne pour objectif dans le cadre des aménagements actuels et futurs de la vallée de l'Yvette et des plateaux riverains liés au développement de la Région Parisienne ou tout autre de conserver et améliorer dans la mesure du possible la qualité de vie de ce territoire. (...) / Il est normal qu'une cité, sous peine de mettre en cause sa pérennité, évolue. Mais l'ASEOR demande que cette évolution tienne compte : / • de la limitation du coefficient et du taux d'occupation des sols, / • des caractéristiques du cadre de vie auquel les habitants sont attachés, / • de la nécessité d'améliorer ce cadre de vie en diminuant les nuisances de toute origine, / • de l'identité de chaque quartier,/ • du respect de la propriété de chacun, / • d'une opposition absolue à l'implantation de zones d'activité en site urbain, / • de la conservation des espaces verts, / • de la recherche de solutions aux problèmes de circulation et de déplacement dans les villes, / • de l'avis de tous, après une large consultation, dans un esprit de réelle concertation et de coopération. / L'association inclut dans ses buts généraux tous les cas présents ou à venir où son intervention s'avérerait utile pour la défense de l'environnement sur le territoire de la commune d'Orsay, jusque et y compris les incidences financières qu'ils pourraient avoir sur les budgets. (...) ".

7. Aux termes de l'article 1er du protocole litigieux, celui-ci " (...) vise à : / - Inscrire l'opérateur DREAM dans le cadre de la maitrise foncière de l'opération, / - Définir les modalités juridiques principales de la promesse de vente à intervenir entre l'EPFIF et l'opérateur DREAM. ". En son article 2, relatif à l'avancement du projet, le protocole comporte une description générale de l'ensemble immobilier à réaliser par la société DREAM et précise ainsi que " (...) DREAM prévoit la réalisation d'un ensemble immobilier mixte de 7 560 m² environ décomposés en : / - Logements en accession 4 213 m² de surface habitable (SHAB) / - Logement locatif social 1 679 m² de surface habitable (SHAB) / - Commerces 1 022 m² de surface utile (SU) / - Maisons réhabilitées 642 m² de surface utile (SU) / - 130 places de stationnement privé sur un niveau de sous-sol avec la possibilité d'ajouter une offre de stationnement public. (...) ", avant de lister, par leurs références cadastrales, les différentes parcelles d'assiette du projet. L'article 3 de ce protocole délimite ensuite l'assiette foncière devant être ultérieurement cédée par l'EPFIF à la société DREAM et comporte notamment les engagements de la commune d'Orsay à lancer " une procédure de déclaration d'utilité publique au bénéfice de l'EPFIF " ainsi qu'une " procédure de désaffectation/déclassement en vue d'une éventuelle cession d'une partie du terrain d'assiette du parking à DREAM ". L'article 4 établit un calendrier indicatif. Les articles 5 et 6 déterminent quant à eux les modalités juridiques ainsi que les conditions suspensives et financières des promesses de vente à intervenir entre l'EPFIF et la société DREAM. Enfin, l'article 7 est relatif à la durée du protocole en litige.

8. Il résulte de l'instruction, et notamment de ce qui a été dit au point 7, que le protocole contesté n'a, en lui-même, pour effet, ni de céder des parcelles appartenant au domaine public de la commune d'Orsay, ni de supprimer le parking public qui y est implanté, pas plus que d'autoriser la démolition ou l'édification de constructions. Il résulte d'ailleurs de l'instruction, ainsi qu'elle le dit elle-même, que l'ASEOR a pu contester, devant le tribunal administratif de Versailles, la révision du plan local d'urbanisme de la commune adoptée en 2017, le permis de construire relatif au projet d'aménagement litigieux ainsi que l'arrêté le déclarant d'utilité publique. Enfin, en se bornant à faire état d'incidences sur les finances et le patrimoine communaux, l'ASEOR n'établit pas que ce protocole serait susceptible d'emporter, à leur égard, des conséquences significatives. Par suite, l'ASEOR, qui n'établit pas être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par le protocole du 12 décembre 2019 dont elle conteste la validité, est dépourvue d'intérêt à agir à son encontre.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ASEOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Orsay, de l'EPFIF et de la société DREAM, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande l'ASEOR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASEOR une somme de 500 euros à verser respectivement à la commune d'Orsay, à l'EPFIF et à la société DREAM, en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la résiliation du protocole d'accord du 12 décembre 2019.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'association pour la sauvegarde de l'environnement d'Orsay versera une somme de 500 euros chacun à la commune d'Orsay, à l'établissement public foncier d'Île-de-France ainsi qu'à la société Développement réalisation assistance maîtrise d'ouvrage, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la sauvegarde de l'environnement d'Orsay, à l'établissement public foncier d'Île-de-France, à la commune d'Orsay ainsi qu'à la société Développement réalisation assistance maîtrise d'ouvrage.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

Mme Bahaj, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.

La rapporteure,

C. Bahaj

La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

V. Malagoli

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22VE02631 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02631
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Charlotte BAHAJ
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;22ve02631 ?
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