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27/05/2025 | FRANCE | N°24VE00685

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 27 mai 2025, 24VE00685


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 septembre 2023 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet des Yvelines à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, le tout dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement à int

ervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 septembre 2023 par laquelle le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre au préfet des Yvelines à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, le tout dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2309368 du 15 février 2024 le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 12 et 28 mars 2024 et le 7 mai 2025, M. A..., représenté par Me Macarez, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente du jugement au fond à intervenir s'agissant de la requête en annulation qu'il a introduite contre la décision implicite de refus de communication de son dossier administratif ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour et ce dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande au regard de sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé, qu'il souffre d'une dénaturation des faits et des écritures, qu'il est entaché d'erreurs de fait ;

- les premiers juges ont par ailleurs omis de prendre en compte les pièces produites la veille de la clôture d'instruction ;

- ils ont également omis de prendre en compte les pièces produites après cette clôture ;

S'agissant de l'arrêté attaqué :

- celui-ci est insuffisamment motivé ;

- il souffre d'un défaut d'examen ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- c'est à tort que le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé ;

- il établit qu'il ne pourra bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur sa situation personnelle ;

- le préfet a pris son arrêté en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2024, le préfet des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Etienvre,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Me Macarez, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 26 décembre 1975, est entré en France selon ses déclarations le 12 mai 2013 sans visa. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français décidée par le préfet de l'Essonne le 6 juin 2014, à laquelle il s'est soustrait. Il a fait l'objet d'une deuxième obligation de quitter le territoire, décidée par le préfet de l'Essonne le 6 avril 2016, à laquelle il s'est également soustrait. Il s'est vu délivrer des titres de séjour valables du 8 juillet 2019 au 7 juillet 2020, du 22 septembre 2020 au 21 septembre 2021, puis du 23 novembre 2021 au 22 novembre 2022. Il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 septembre 2023, le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Versailles. Par un jugement n° 2309368 du 15 février 2024 le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. A... soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé. Toutefois, les premiers juges ne sont pas tenus, à peine d'irrégularité, de répondre à tous les arguments invoqués au soutien d'un moyen. Ils ne sont pas davantage tenus de faire apparaître dans leur jugement qu'ils ont bien pris en compte l'ensemble des pièces produites par le requérant. Le tribunal a, contrairement à ce que le requérant soutient, bien répondu au moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle. Par ailleurs, si M. A... soutient que le tribunal a commis des erreurs de fait, dénaturé ces faits, ses écritures ainsi que les pièces du dossier, de telles circonstances, qui sont seulement susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

3. En second lieu, M. A... reproche au tribunal de ne pas avoir tenu compte des pièces produites le 23 janvier 2024 après la clôture de l'instruction.

4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

5. D'une part, si M. A... a produit le 23 janvier 2024 de nouvelles pièces, ces pièces ont été visées dans le jugement, ce qui révèle une prise en compte par le tribunal. D'autre part, si parmi ces pièces se trouvait son dossier administratif " étranger " détenu par les services de la préfecture des Yvelines, cette production n'aurait, en tout état de cause, pas eu d'influence sur le jugement de l'affaire dès lors que même si son dossier révèle qu'il a effectivement également sollicité la délivrance d'une carte pluriannuelle et d'une carte de résident, le préfet des Yvelines ne s'est uniquement prononcé, aux termes de l'arrêté attaqué, comme l'ont indiqué les premiers juges, que sur le droit de M. A... à obtenir le renouvellement de sa carte de séjour temporaire " étranger malade " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les premiers juges n'étaient dès lors pas obligés de tenir compte de cette production, d'autant plus que les pièces du dossier révèlent que la demande de délivrance d'une carte pluriannuelle ou d'une carte de résident a été irrégulièrement effectuée par la seule voie postale, de rouvrir l'instruction et de soumettre ces pièces au débat contradictoire.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de l'arrêté attaqué par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas, dans le cadre de l'examen de la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire présentée par M. A... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Si M. A... avait également sollicité un titre de séjour sur un autre fondement, le préfet n'était pas tenu d'y répondre à l'occasion de la décision de refus de séjour contestée compte tenu du dépôt de cette autre demande par la seule voie postale.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

9. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. Pour refuser le renouvellement de la carte de séjour temporaire de M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pour autant, celui-ci pouvait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Le préfet se prévaut à cet égard de l'avis émis en ce sens par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 9 mars 2023.

11. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure suivie en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si M. A... se prévaut d'une présence ininterrompue en France depuis 10 ans, des relations qu'il entretient en France avec un neveu et soutient qu'il exerce une activité professionnelle depuis janvier 2022 et est en situation de concubinage avec une ressortissante ivoirienne, Mme D... C..., cette relation n'est cependant étayée par aucun document. Par suite, et compte tenu notamment des conditions de séjour de l'intéressé, le préfet n'a ni porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé, qui doit être regardé comme célibataire et sans enfants à la date de l'arrêté attaqué, au respect de sa vie privée et familiale ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle du requérant.

14. En cinquième et dernier lieu, M. A..., qui n'établit pas plus en appel qu'en première instance qu'il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé, n'est pas fondé à soutenir qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en Côte-d'Ivoire dès lors que son éloignement impliquerait un arrêt du traitement médical dont il bénéficie en France. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

15. Le présent arrêt, de rejet, n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A... doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025.

Le président-assesseur,

J-E. PilvenLe président-rapporteur,

F. Etienvre

La greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24VE00685 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24VE00685
Date de la décision : 27/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : MACAREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-27;24ve00685 ?
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