Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de l'obligation de payer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes auxquels la société Euro 2000 a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, au paiement desquels il a été déclaré solidairement tenu sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, pour un montant total de 185 488 euros.
Par un jugement n° 2101018 du 10 février 2023, le tribunal administratif d'Orléans, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant au sursis de paiement des impositions contestées, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 avril 2023 et 18 mars 2025, M. A... représenté par Me Adda et Me Dalmaso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions en litige procédant d'une mise en demeure valant commandement de payer du 4 juillet 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la proposition de rectification adressée à la société Euro 2000 était insuffisamment motivée à défaut de précision apportée quant à la méthode adoptée pour la reconstitution des sommes encaissées pour calculer les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; cette insuffisance de motivation constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée est radicalement viciée à raison de son caractère imprécis, dès lors que l'administration, qui n'a pas écarté sa comptabilité, s'est bornée à rapprocher le chiffre d'affaires déclaré de celui comptabilisé après correction des variations des comptes clients entre l'ouverture et la clôture des exercices, sans procéder à un pointage des encaissements effectifs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Danielian,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Euro 2000, dont M. A... était associé et co-gérant jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire le 17 février 2012, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 juillet 2011, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification en date du 9 mai 2012, notamment des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2009 au 31 juillet 2011. Par un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Orléans du 28 juin 2017, confirmé par la chambre criminelle de la cour de cassation le 16 janvier 2019, M. A... a été déclaré, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, solidairement tenu au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dus par la société Euro 2000 au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010, pour un montant total de 185 488 euros. Une mise en demeure a été émise à son encontre le 4 juillet 2019 en vue du recouvrement de cette somme. M. A... relève appel du jugement du 10 février 2023 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer ces impositions.
2. Aux termes de l'article 1745 du code général des impôts : " Tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes. ".
3. Si le débiteur solidaire ne peut utilement contester devant le juge de l'impôt le principe ou l'étendue de la solidarité qui lui a été assignée par la juridiction pénale, il est recevable à contester la procédure et le bien-fondé des impositions mises à la charge du redevable principal.
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) / En cas d'application des dispositions du II de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués (...) ". Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre: " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle.(...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société vérifiée choisit, en vertu du c du II de l'article L. 47 A, de mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle, l'administration est tenue de préciser, dans sa proposition de rectification, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements, mais n'a l'obligation de communiquer ni les algorithmes, logiciels ou matériels qu'elle a utilisés ou envisage de mettre en œuvre pour effectuer ces traitements, ni les résultats de l'ensemble des traitements qu'elle a réalisés, que ce soit préalablement à la proposition de rectification ou dans le cadre de celle-ci.
5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 3 février 2012 remis en main propre, le service a fait valoir à la société son souhait de mettre en œuvre des traitements informatiques au titre de la période vérifiée, le gérant de l'entreprise ayant opté le jour même pour la remise des copies de fichiers à l'administration pour lui permettre de réaliser elle-même les traitements, et ayant effectuée remise le 10 février 2012. Si M. A... fait valoir que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée dès lors que n'y sont pas précisées les corrections effectuées par le service, et notamment si ces corrections sont venues diminuer ou augmenter les chiffres d'affaires réalisés, il résulte toutefois de l'instruction, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification, que l'administration fiscale a précisé, de manière détaillée, les fichiers utilisés, la nature des traitements qu'elle a effectués sur ces fichiers, les anomalies constatées et les modalités de détermination des éléments servant au calcul des rehaussements. Elle a par ailleurs précisé, en annexe, l'ensemble des comptes, désignés par leur nom et par leur numéro dans le plan comptable, dont les soldes ont été pris en compte pour la détermination du chiffre d'affaires toutes taxes comprises et hors taxes, a indiqué les montants résultant de ces comptes avant leur retraitement par la prise en considération des comptes de tiers, pour aboutir à un chiffre d'affaires toutes taxes comprises inférieur à celui résultant des seuls comptes de produits, puis a ensuite déterminé le montant hors taxes. Ce faisant, la proposition de rectification, qui mentionne les impôts et taxes concernés, les périodes d'imposition en litige, ainsi que les bases d'imposition et les motifs qui fondent les rehaussements en litige, est suffisamment motivée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification et de la méconnaissance des articles L. 57 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales doivent être écartés.
6. En second lieu, aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ".
7. En l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la société n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées. Il lui est en revanche loisible de procéder à des tests de cohérence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée en les rapprochant d'autres éléments tirés de la comptabilité de la société, tels les soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, corrigés de leurs variations entre l'ouverture et la clôture de la période considérée.
8. Lorsque, comme en l'espèce, le contribuable n'est pas en situation d'imposition d'office et qu'il peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, sincère et probante, la charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration. Une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations de la société contribuable ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts ainsi relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Le recours exclusif à une telle méthode aux résultats imprécis pour fonder les impositions supplémentaires en litige ne peut qu'entraîner la décharge des impositions supplémentaires mises sur ce seul fondement à la charge du contribuable.
9. Il résulte de l'instruction que, pour mettre à la charge de la société Euro 2000 les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, le vérificateur, qui n'a pas remis en cause la comptabilité de la société, ne s'est toutefois pas borné à reconstituer les sommes encaissées par la société à partir du chiffre d'affaires comptabilisé corrigé des variations des comptes clients entre l'ouverture et la clôture des exercices correspondant à la période vérifiée, mais a procédé à cette reconstitution à partir de la comptabilité de l'entreprise, notamment à partir des soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, de la variation des encaissements et du montant des avances et acomptes reçus, ainsi qu'il résulte notamment de l'annexe 1 à la proposition de vérification. Dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas eu recours à une méthode aux résultats imprécis pour fonder les rappels litigieux, apporte ainsi la preuve de l'insuffisance des encaissements comptabilisés par la société au titre des prestations de service réalisées.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Besson-Ledey, présidente de chambre,
Mme Danielian, présidente assesseure,
Mme Liogier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2025.
La rapporteure,
I. DanielianLa présidente,
L. Besson-LedeyLa greffière,
A. Audrain-Foulon
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 23VE00721