Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2025.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mornet,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- les observations de Me Thiault, représentant la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine,
- et les observations de Me Garrigue, représentant Mme A....
Une note en délibéré a été produite pour la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine le 10 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par une ordonnance du tribunal de grande instance d'Evry du 25 juillet 2018, la succession de M. B... C... a été déclarée vacante et la Direction nationale d'interventions domaniales (DNID) a été nommée en qualité de curateur. Cette dernière a souhaité procéder à la cession de six parcelles relevant de ladite succession, situées sur le territoire de la commune de Carrières-sur-Seine et cadastrées BI 18, BV 304, BV 327, BV 246, BX 77 et BY 27. Mme D... A... a souhaité acquérir ces six parcelles. Par une décision du 22 mars 2022, la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine, titulaire du droit de préemption sur la zone d'aménagement différé de cette commune, a exercé son droit de préemption sur cinq des six parcelles concernées, cadastrées BV 304, BV 327, BV 246, BX 77 et BY 27, situées dans le périmètre d'exercice du droit de préemption. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler cette décision. Par un jugement du 21 mai 2024 dont la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine relève appel, le tribunal a annulé la décision du 22 mars 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine, le jugement attaqué a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a estimé que la décision de préemption en litige était tardive, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur chacun des arguments des parties ni sur les moyens inopérants. La circonstance qu'ils n'ont pas expressément écarté l'un des arguments de l'appelante, tiré de ce qu'une des parcelles mentionnées dans la DIA ne relevant pas du périmètre d'exercice du droit de préemption, la transmission d'une DIA unique l'aurait empêchée d'exercer son droit, est ainsi sans incidence à cet égard, dès lors qu'une telle argumentation était inopérante, aucune circonstance ne faisant obstacle à ce qu'elle ne préempte dans le délai légal que les cinq parcelles, constituant chacune une unité foncière distincte, situées dans la zone d'exercice du droit de préemption ; la communauté d'agglomération était même, au demeurant, tenue, si elle décidait d'exercer son droit de préemption sur les biens mis en vente, d'en distraire la parcelle, constituant également une unité foncière distincte, située en dehors de ladite zone. Le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité au regard de sa motivation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. (...) / (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption (...) ".
4. D'une part, une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties que les six parcelles mises en vente par la DNID constituaient autant d'unités foncières distinctes, étant situées en divers lieux du territoire de la commune de Carrières-sur-Seine et n'étant donc pas contigües.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, dans la perspective de la vente, la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine, titulaire du droit de préemption sur la zone d'aménagement différé dont relevaient cinq des six parcelles devant être cédées, a reçu une première DIA le 11 octobre 2021. Elle a pu légalement considérer que cette DIA était irrecevable, faute de mentionner les références cadastrales, la superficie et le prix de vente de chacune des parcelles concernées. La communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine a ensuite été destinataire, le 7 décembre 2021, d'une deuxième DIA unique portant sur les six parcelles, mentionnant cette fois toutes les références cadastrales concernées, le prix de l'ensemble ainsi que les prix et superficies de chacune des parcelles. Si cette DIA indiquait que la vente des six parcelles constituait un tout indissociable, une telle clause, au demeurant non assortie de précisions quant à sa justification, n'était pas, dans les circonstances de l'espèce, opposable à la communauté d'agglomération, qui ne pouvait légalement préempter l'une des parcelles, constituant une unité foncière distincte, située en dehors de la zone d'exercice du droit de préemption. En revanche, dès lors que le formulaire transmis par le notaire de la DNID permettait de distinguer clairement les éléments, requis par les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, propres à chacune des parcelles concernées, et dans la mesure où aucune disposition légale ou réglementaire n'impose au vendeur d'établir, de manière formaliste, un formulaire de DIA par unité foncière, les dispositions de l'article A. 213-1 du code de l'urbanisme n'obligeant qu'à suivre le modèle que constitue le formulaire Cerfa ad hoc, la communauté d'agglomération ne pouvait estimer que la DIA unique reçue le 7 décembre 2021 était irrecevable, et exiger du vendeur que lui soit transmis des formulaires distincts. La circonstance qu'une décision de préemption constitue une décision indivisible n'impliquait pas l'impossibilité d'une préemption partielle des parcelles mentionnées dans la DIA, qui en l'espèce constituaient chacune une unité foncière et n'étaient pas vendues par adjudication forcée, et n'impliquait donc pas davantage une obligation, pour le vendeur, de transmettre autant de formulaires que d'unités foncières. Par suite, et comme l'ont relevé les premiers juges, la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine doit être regardée comme ayant été suffisamment informée de la vente et de ses conditions, et ainsi mise à même d'exercer utilement son droit de préemption, dès le 7 décembre 2021. Elle disposait alors de deux mois, délai prévu par les dispositions précitées, pour exercer ce droit. Il s'ensuit que la décision du 22 mars 2022 par laquelle son président a préempté les parcelles cadastrés BV 304, BV 327, BV 246, BX 77 et BY 27, situées sur le territoire de la commune de Carrières-sur-Seine, était tardive et donc entachée d'illégalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision de préemption du 22 mars 2022.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine est rejetée.
Article 2 : La communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine versera la somme de 2 000 euros à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine et à Mme D... A....
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Aventino, première conseillère,
- M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
La présidente rapporteure,
G. MornetL'assesseure la plus ancienne,
B. Aventino
La greffière,
S. de Sousa
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24VE01864