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06/05/2025 | FRANCE | N°23VE02211

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 06 mai 2025, 23VE02211


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. Sous le numéro 1907501, les associations Collectif pour le Triangle de Gonesse, Val-d'Oise environnement, France nature environnement Île-de-France, Les amis de la Terre Val-d'Oise, Des terres, pas d'hypers !, Les amis de la confédération paysanne, Mouvement national de lutte pour l'environnement - Réseau homme et nature - Comité départemental, Environnement 93, Les amis de la Terre France et Vivre mieux ensemble à Aulnay-sous-Bois ont demandé au tribunal administratif de C

ergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet du Val-d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le numéro 1907501, les associations Collectif pour le Triangle de Gonesse, Val-d'Oise environnement, France nature environnement Île-de-France, Les amis de la Terre Val-d'Oise, Des terres, pas d'hypers !, Les amis de la confédération paysanne, Mouvement national de lutte pour l'environnement - Réseau homme et nature - Comité départemental, Environnement 93, Les amis de la Terre France et Vivre mieux ensemble à Aulnay-sous-Bois ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le préfet du Val-d'Oise a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse " ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

II. Sous le numéro 2113875, l'association Collectif pour le Triangle de Gonesse a demandé à ce tribunal d'annuler la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du 21 juin 2021 formé auprès du Premier ministre, d'abroger l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la zone d'aménagement concerté " Triangle de Gonesse " ainsi que l'arrêté du 20 décembre 2018 déclarant d'utilité publique au profit de l'établissement public foncier d'Île-de France le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse " à Gonesse, et d'enjoindre à l'État de procéder à l'interruption des travaux sur le " Triangle de Gonesse ", sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1906848, 1907501 et 2113875 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, après avoir joint les requêtes, rejeté les demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2023, 28 octobre 2024 et 18 décembre 2024, les associations Collectif pour le Triangle de Gonesse, France nature environnement Val-d'Oise, France nature environnement Île-de-France, Les amis de la Terre Val-d'Oise, Les amis de la confédération paysanne, Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et nord-est parisien, Environnement 93 et Vivre mieux ensemble à Aulnay-sous-Bois, représentés par Me Heddi, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, ou, à titre subsidiaire, d'abroger l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2018, ou, à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise d'abroger cet arrêté ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 21 juin 2021, formée auprès du Premier ministre, d'abrogation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la zone d'aménagement concerté " Triangle de Gonesse ", ainsi que l'arrêté du 20 décembre 2018 déclarant d'utilité publique au profit de l'établissement public foncier d'Île-de France (EPFIF) le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse ", à Gonesse ;

4°) de constater l'abrogation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 ;

5°) d'enjoindre à l'État, à l'EPFIF et à Grand Paris aménagement de prendre toute mesure d'exécution utile ;

6°) et de mettre à la charge de l'État, de l'EPFIF et de Grand Paris aménagement le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont déclaré irrecevables leurs conclusions subsidiaires à fin d'abrogation de l'arrêté du 20 décembre 2018 en raison de sa nature d'acte non réglementaire ;

- la décision de refus d'abroger l'arrêté du 21 septembre 2016 est illégale dès lors que la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Triangle de Gonesse " est devenue sans objet et méconnait les décisions d'abandon et de redéfinition du projet ainsi que l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, dans sa version issue de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 " Climat et résilience " ;

- l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2018 est illégal dès lors que le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse " ne répond pas à une finalité d'intérêt général et qu'il présente des inconvénients qui excèdent ses avantages ;

- la décision de refus d'abroger l'arrêté du 20 décembre 2018 est illégale dès lors que :

o le projet d'aménagement n'est plus susceptible d'être légalement réalisé compte tenu des changements dans les circonstances de droit induits par la décision de l'État d'abandonner le projet initial et par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, dans sa version issue de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 " Climat et résilience " ;

o le projet a perdu son utilité publique compte tenu de changements dans les circonstances de fait ;

- le juge doit prononcer l'abrogation de cet arrêté du 20 décembre 2018 dès lors que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la zone d'aménagement concerté " Triangle de Gonesse " a été abrogé par un arrêté du préfet du Val-d'Oise du 17 septembre 2024.

Par des mémoires enregistrés le 12 septembre 2024 et le 22 novembre 2024, l'EPFIF, représenté par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens des associations ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 9 et 12 décembre 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens des associations ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens des associations ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2025.

Par un courrier du 13 mars 2025, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de :

- constater d'office qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus d'abrogation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la zone d'aménagement concerté " Triangle de Gonesse " ;

- relever d'office l'irrecevabilité des conclusions à fin de constat de l'abrogation de cet arrêté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;

- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Aventino,

- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,

- et les observations de Me Heddi, pour l'association Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres, et de Me Herpin, pour l'EPFIF.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 21 septembre 2016, approuvé la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) du " Triangle de Gonesse " puis, par un arrêté du 20 décembre 2018, déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse " au profit de l'Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF). L'association Collectif pour le Triangle de Gonesse doit être regardée comme ayant, par un courrier du 21 juin 2021 réceptionné le 25 juin suivant, demandé au Premier ministre de procéder à l'abrogation de ces deux arrêtés. L'association Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres demandent à la cour d'annuler le jugement n° 1906848, 1907501 et 2113875 du 28 juillet 2023 en tant qu'il a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à titre principal, à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2021 et, à titre subsidiaire, à l'abrogation de cet arrêté, et, d'autre part, à l'annulation de la décision implicité du refus d'abroger les arrêtés du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 et du 20 décembre 2021.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte de création d'une ZAC réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que lorsque l'acte de création d'une ZAC dont l'abrogation a été demandée cesse de recevoir application avant que le juge, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, ait statué, ce recours perd son objet, alors même que l'acte continuerait de produire des effets indirects ou induits.

3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise a, par un arrêté du 17 septembre 2024, supprimé la ZAC " Triangle de Gonesse ". Les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'abroger l'arrêté de ce préfet du 21 septembre 2016 portant création de la zone sont dès lors devenues sans objet.

Sur la recevabilité des conclusions à fin de constat par le juge :

4. Dans le dernier état de leurs écritures, les associations requérantes demandent à la cour de constater que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2014 a été abrogé par l'arrêté de la même autorité du 17 septembre 2024. Toutefois, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de dresser de simples constats. Par suite, ces conclusions sont irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

5. Saisi de conclusions à fin d'annulation recevables contre un acte réglementaire, le juge peut également l'être, à titre subsidiaire, de conclusions tendant à ce qu'il prononce l'abrogation du même acte au motif d'une illégalité résultant d'un changement de circonstances de droit ou de fait postérieur à son édiction, afin que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales qu'un acte règlementaire est susceptible de porter à l'ordre juridique.

6. L'association Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres soutiennent que le tribunal administratif a rejeté à tort comme irrecevables leurs conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l'abrogation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la ZAC du " Triangle de Gonesse " et de l'arrêté du 20 décembre 2018 déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement du " Triangle de Gonesse ". Toutefois, ces arrêtés ne présentent pas un caractère règlementaire. Il s'ensuit que le moyen d'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2018 présentées à titre principal :

7. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

8. En premier lieu, il ressort de la notice explicative du dossier d'enquête publique que le projet du " Triangle de Gonesse " déclaré d'utilité publique par l'arrêté en litige a pour objet la création d'un aménagement d'ampleur composé d'un quartier d'affaires international d'environ 128 hectares et 1 125 000 mètres carrés de surfaces à construire, en lien avec la future gare et les aéroports alentour, comprenant principalement des locaux à usage de bureaux et d'activité, ainsi que des équipements publics d'enseignement, de formation, sportifs et culturels. Ce projet a également pour objet de créer un aménagement dédié aux équipements de loisirs, culturels, de commerces et d'hôtels dénommé " Europacity " sur une surface d'environ 80 hectares. Enfin, il prévoit la création d'espaces paysagers d'environ 60 hectares comprenant des parcs publics et sportifs, d'une lisière agricole de 23 hectares en bordure de l'urbanisation au nord ainsi que d'une surface dédiée aux voiries liées au projet. Cet aménagement poursuit un objectif de développement économique du secteur du Grand Roissy, identifié dans le cadre du contrat de développement territorial de février 2014 " Val de France / Gonesse / Bonneuil-en-France " comme territoire d'intérêt national dont le développement est prioritaire, en raison notamment de sa situation stratégique, des besoins de sa population et du territoire, déficitaire en équipements publics et privés de culture et de loisirs. Dans ces conditions, l'opération d'aménagement du " Triangle de Gonesse " répond à une finalité d'intérêt général.

9. En second lieu, les associations requérantes soutiennent que le projet entraîne des inconvénients notamment liés à la disparition de terres agricoles, aux conséquences de leur artificialisation, à l'aggravation de la congestion du trafic automobile, aux nuisances sonores, à la pollution atmosphérique, aux gaz à effet de serre ainsi qu'à la propriété privée, qui excèdent les avantages procurés, surestimés par l'aménageur.

10. Toutefois, si le projet prévoit l'artificialisation d'environ 280 hectares de terres cultivées, il s'accompagne de la préservation d'un " carré agricole " de 400 hectares au nord du projet, dont la vocation a été protégée pour une durée de trente ans. Il comprend également une lisière agricole de 23 hectares afin d'assurer la transition avec cette zone ainsi qu'une ferme urbaine de 7 hectares. Les effets de l'artificialisation sont par ailleurs réduits par la création de plusieurs parcs urbains et la mise en place de toitures végétalisées permettant l'accueil d'une flore et d'une faune plus diversifiées, la régulation des eaux pluviales ainsi que la régulation climatique estivale par évapotranspiration de ces eaux. Il est en outre constant que les atteintes à la propriété privée sont limitées, dès lors que les aménageurs sont propriétaires de plus de la moitié de l'emprise, qu'elle porte essentiellement sur des surfaces non bâties et qu'a été mise en place une stratégie foncière, en partenariat, notamment, avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, afin d'accompagner les agriculteurs dans la recherche de terrains à l'extérieur du " Triangle de Gonesse ". Si les associations soutiennent que le quartier d'affaires ne présente pas d'avantages dès lors que l'offre de bureaux est disproportionnée au regard de la demande et des disponibilités, il ressort de l'étude de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Île-de-France, relative à la conjecture et l'analyse rétrospective du marché de l'immobilier de bureau dans la région d'Île-de-France de juin 2018, que la demande est soutenue y compris en grande couronne. En outre, à supposer même que les projections d'implantation des emplois directs que le projet devrait permettre, aient été, selon certaines études, surévaluées, elles recouvrent de l'ordre de 40 000 à 50 000 emplois pour l'ensemble du projet.

11. S'agissant des inconvénients sur le trafic routier et les nuisances associées, le projet s'inscrit dans le cadre du développement du Grand Paris Express et d'autres transports en commun, de sorte que l'étude d'impact évalue une part modale de véhicules personnels ne dépassant pas 50 %. Des aménagements des voies existantes sont prévus afin d'absorber ce trafic sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'ils ne seraient pas effectifs à la date de l'arrêté. Le projet prend en compte les nuisances sonores par l'intermédiaire de la topographie, de la disposition des constructions permettant la préservation de nombreuses aires en zone à bruit apaisé, principalement situées au cœur des îlots, et par la vitesse de circulation limitée à 30 km/h concernant les voies internes au quartier d'affaires. En outre, les incidences du projet sur la qualité de l'air, et plus particulièrement sur les émissions de gaz à effet de serre et sur les émissions de polluants atmosphériques, tant en phase de construction qu'en phase d'exploitation, sont qualifiées de " modérées " par l'étude d'impact. Des mesures d'évitement, de réduction et de suivi sont par ailleurs prévues, notamment, s'agissant de l'émission des gaz à effet de serre, l'utilisation de matériaux plus durables pour la construction des bâtiments et l'intégration des énergies renouvelables et de récupération, alors que la capacité de stockage carbone de terres agricoles est relativement faible.

12. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard aux finalités d'intérêt général que présente le projet dans son ensemble, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, à son importance, et aux mesures qui l'accompagnent pour éviter, réduire ou compenser ses effets, les inconvénients pour la propriété privée, la santé humaine et l'environnement ne présentent pas un caractère excessif de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique.

Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2018 présentées à titre subsidiaire :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt que de telles conclusions présentées subsidiairement à des conclusions à fin d'annulation recevables contre un acte non réglementaire, tel qu'un arrêté de déclaration d'utilité publique, sont irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du 26 août 2021 de refus d'abroger l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 20 décembre 2018 :

14. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

15. Il en résulte que l'autorité administrative n'est tenue de faire droit à la demande d'abrogation d'une déclaration d'utilité publique que si, postérieurement à son adoption, l'opération concernée a, par suite d'un changement des circonstances de fait, perdu son caractère d'utilité publique ou si, en raison de l'évolution du droit applicable, cette opération n'est plus susceptible d'être légalement réalisée.

16. En premier lieu, si l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, tel qu'issu de l'article 192 de la loi du 22 août 2021 dite " Climat et résilience ", entrée en vigueur le 25 août 2021, assigne aux collectivités publiques, dans leur action en matière d'urbanisme, un objectif de lutte contre l'artificialisation des sols, avec une absence d'artificialisation nette à terme, cet objectif général n'est pas de nature, à lui seul, à rendre illégal l'arrêté portant déclaration d'utilité publique en litige, alors en outre qu'il n'est pas régi par les dispositions du code de l'urbanisme. Par ailleurs, l'évolution de la règlementation applicable à la politique énergétique telle qu'issue de la loi du 8 novembre 2019 est également sans incidence sur la légalité de cet arrêté.

17. En second lieu, il ressort des déclarations de la ministre de la transition écologique et solidaire, le 7 novembre 2019, dans le cadre du troisième conseil de défense écologique, comme de celles du Premier ministre, le 7 mai 2021, dans le cadre de la présentation du " plan Val-d'Oise ", que la composante " Europacity " du projet a été abandonnée. Toutefois, ni ces déclarations, ni le rapport de mission réalisé par M. A... en juillet 2020, lequel se contente de proposer des scénarios d'aménagement, ni les autres pièces du dossier, ne traduisent, à la date à laquelle la décision de refus d'abrogation en litige a été prise, une décision d'abandon des autres volets du projet d'aménagement. Si le plan précité fait état de ce que, dans la zone centrale, a été décidée l'implantation d'une cité scolaire internationale ainsi qu'un service de l'État, il ressort de la notice explicative du projet déclaré d'utilité publique que le " quartier d'affaires " comprendra également des équipements et des services dont notamment 20 000 mètres carrés d'équipements d'enseignement et de centres de formation et 15 000 mètres carrés de commerces et de services. Dès lors, ni les précisions apportées sur ces implantations, ni l'abandon du projet " Europacity ", qui correspond à environ 25 % de la surface au sein du périmètre du projet d'aménagement, supprime une partie des inconvénients du projet mentionnés aux points 10 et 11 de l'arrêt et ne réduit les avantages en termes de localisation d'emplois directs que d'une petite dizaine de milliers sur les 50 000 initialement attendus, ne peuvent être regardés comme constituant un changement dans les circonstances de fait susceptible de faire perdre à l'opération litigieuse, à la date de la décision en litige, son caractère d'utilité publique. Si les associations requérantes font également état de l'évolution du marché immobilier de bureau entre 2018 et 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette évolution conjoncturelle constitue une circonstance de fait suffisante pour faire perdre son utilité publique à l'opération. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la décision en litige a été prise, les aménageurs possèderaient l'intégralité des terrains nécessaires à l'opération.

18. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que les conclusions présentées au titre des frais exposés par les requérantes et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces associations la somme que l'EPFIF demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus d'abroger l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 21 septembre 2016 portant création de la zone d'aménagement concerté du " Triangle de Gonesse " présentées par l'association Collectif pour le Triangle de Gonesse et autres.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Collectif pour le Triangle de Gonesse, France nature environnement Val-d'Oise, France nature environnement Île-de-France, Les amis de la terre Val-d'Oise, Les amis de la confédération paysanne, le Mouvement national de lutte pour l'environnement - 93 et nord-est parisien, Environnement 93, Mieux vivre ensemble à Aulnay-sous-Bois, à l'établissement public foncier d'Île-de-France, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Aventino, première conseillère,

- M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

B. AventinoLa présidente,

G. Mornet

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE02211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02211
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale.


Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: Mme Barbara AVENTINO
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : HEDDI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;23ve02211 ?
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