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06/05/2025 | FRANCE | N°23VE02137

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 2ème chambre, 06 mai 2025, 23VE02137


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... de D... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 25 juin 2021 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 eur

os par jour de retard.



Par un jugement n° 2110930 du 18 juillet 2023, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... de D... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 25 juin 2021 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2110930 du 18 juillet 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2023, M. A... de D... C..., représenté par Me Halard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Halard en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché de vices de forme dès lors qu'il vise l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'était plus applicable à la date de l'arrêté, ainsi que l'article L. 423-21 du même code, qui n'était pas encore applicable à la date de l'enregistrement de sa demande de titre de séjour en 2018 ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- son comportement n'est pas constitutif d'une menace à l'ordre public ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-21 et L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il justifie de motifs exceptionnels et de considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.

Il indique maintenir ses écritures de première instance, confirmant sa décision du 25 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 juillet 2024.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. À l'approche de sa majorité, alors qu'il résidait en France depuis l'âge de deux ans, M. C..., ressortissant cap-verdien né le 7 octobre 2000, a présenté une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour enregistrée le 2 mai 2018. Par arrêté du 25 juin 2021, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande. M. C... fait appel du jugement n° 2110930 du 18 juillet 2023, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte les éléments de droit et de fait qui le fondent et est, en conséquence, suffisamment motivé. À supposer que certaines mentions dudit arrêté soient erronées, une telle circonstance est sans incidence à ce titre.

3. En deuxième lieu, si l'arrêté en litige vise l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif aux conditions d'entrée sur le territoire français, il ne ressort ni des termes de ce même arrêté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet du Val-d'Oise en aurait fait application en opposant à la demande de titre de séjour de M. C... le défaut de présentation d'un visa, de justificatifs de moyens d'existence ou d'assurance médicale, ou encore de documents relatifs à l'exercice d'une activité professionnelle. Ainsi, en visant par erreur l'article L. 311-1 précité, qui ne s'applique pas à la situation de M. C..., le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché l'arrêté en litige d'illégalité.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans avec au moins un de ses parents se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Pour l'application du premier alinéa, la filiation s'entend de la filiation légalement établie, y compris en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". "

5. Il est constant que M. C... est entré en France le 6 août 2002 alors qu'il était âgé d'un an, et qu'il a résidé de manière habituelle en France avec au moins un de ses deux parents depuis cette date jusqu'à l'année suivant son dix-huitième anniversaire. S'il a été incarcéré durant trois semaines en 2019, cette circonstance n'est pas suffisante pour retirer à la résidence en France de M. C... son caractère habituel au sens de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par ailleurs, la période de détention à domicile sous surveillance électronique à compter d'avril 2021 est postérieure à la période devant être prise en compte pour apprécier le caractère habituel de la résidence en France selon les conditions définies au même article. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme l'a relevé le préfet du Val-d'Oise dans l'arrêté contesté, M. C... a été condamné une première fois le 27 juin 2018 par le tribunal pour enfants de B... à un stage de citoyenneté pour des faits de vol avec arme, conduite d'un véhicule sans permis et détention d'arme de catégorie D1 non déclarée, commis le 4 décembre 2017. Il a été condamné une deuxième fois, le 12 mars 2019 par le tribunal pour enfants de B..., à trente-cinq heures de travaux d'intérêt général, pour des faits de vol aggravé par deux circonstances commis le 17 octobre 2017. Il a été condamné, une troisième fois, par le tribunal pour enfants de B..., le 12 mars 2019, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis simple total, pour des faits de vol avec violence commis le 15 mars 2018. Enfin, il a été condamné une quatrième fois, par le tribunal correctionnel de B..., le 12 avril 2019, à une peine d'emprisonnement délictuel de seize mois, dont huit mois avec sursis, avec mise à l'épreuve de deux ans, pour un vol de véhicule avec violence, commis le 16 mars 2019. Cette peine a été aménagée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique à compter du 21 mai 2021, par un jugement du juge de l'application des peines du 9 avril 2021. Il ressort également de l'extrait du traitement des antécédents judiciaires versé au dossier en première instance que M. C... est mentionné à plusieurs reprises, pour les faits précités, mais également pour certains faits dont l'intéressé ne conteste pas formellement la matérialité, comme le flagrant délit de vol de vélos dans un local dédié le 29 juillet 2016, expressément reconnu par M. C... lors de son audition libre.

6. Au regard de la nature des faits commis et de leur réitération, à des dates proches de l'arrêté en litige, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de M. C... était constitutive d'une menace à l'ordre public au sens de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet a pu fonder sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour sur ce motif, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 423-21 du même code.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... est certes entré très jeune sur le territoire français et y a résidé de manière habituelle depuis 2002. En outre, son père, sa mère, ainsi que l'un de ses frères, sont titulaires d'une carte de résident de longue durée. Toutefois, il est constant que l'intéressé est célibataire et sans enfant à charge. Il n'est par ailleurs pas justifié de la situation administrative de son autre frère, de ses deux sœurs et de ses deux demi-frères. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à caractériser les rapports qu'il entretient avec eux. Il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ni qu'il serait isolé en cas de retour au Cap-Vert. Il ne justifie pas d'une insertion professionnelle significative dès lors qu'il ne se prévaut que d'un mois d'activité professionnelle en avril 2021, en qualité de chauffeur, alors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de la commission du titre de séjour du 9 avril 2021, qu'il n'est pas titulaire du permis de conduire. Ainsi, et eu égard aux faits commis par l'intéressé, mentionnés au point 5 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Val-d'Oise aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... aurait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait dès lors utilement se prévaloir de ces dispositions au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 juin 2021.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais de justice :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Mornet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

Le rapporteur,

H. CozicLa présidente,

G. Mornet

La greffière,

S. de Sousa

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE02137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02137
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MORNET
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : HALARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;23ve02137 ?
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